31 octobre 1969, Château Lestrange, Wiltshire.
- Joyeuse Samhain !
Arsenius Lestrange leva son verre, suivi de tout le reste du groupe. Les familles sorcières les plus anciennes avaient pour habitude de célébrer les grands sabbats autrefois organisés par leurs ancêtres. Traditionnellement, les adultes se réunissaient le temps d'une soirée autour d'un copieux festin. Cette année, les Lestrange avaient invité leurs amis les plus proches seulement, à savoir une poignée de Malefoy, quelques Fawley et les Black. Mais le plus spécial, c'était la présence de la jeune Bellatrix. Elle assistait à son premier Samhain en temps que sorcière accomplie. Les croyances voulaient que les pouvoirs des sorciers étaient décuplés les nuits de Samhain, et la tradition exigeait que chaque jeune qui entrait dans la vie adulte devait prouver sa valeur en faisant une démonstration de son choix.
Pour Bellatrix, la pression était grande. Tous ici avaient validé leurs examens, récemment ou bien il y a des années. Bellatrix, elle, n'avait jamais pu terminer ses études à Poudlard. Elle n'était même pas capable de lancer un patronus.
Cela dit, rien ne l'obligeait à avoir recours à la magie blanche pour prouver sa puissance. Voldemort lui avait enseigné des choses d'une grandeur inimaginable ; atroces, peut-être, mais grandioses.
Et les sorcières et les sorciers réunis devant elle à cet instant n'étaient pas bien placé pour juger celui ou celle qui recourrait à l'usage de la magie noire.
Fergus Fawley et Arsenius Lestrange avaient été les camarades de dortoir de Voldemort du temps où ils allaient encore à Poudlard -le mage noir avait laissé échapper cette information une soirée où il avait invité Bellatrix à partager un (plusieurs) verre(s) de vin avec lui. C'était ces deux là qui avaient indiqué au jeune Tom Jedusor où se renseigner pour en apprendre plus sur les méthodes de torture, alors qu'ils n'étaient âgés que de treize ans.
Mérida Lestrange était connue pour son amour de potion de jouvence à base de sang humain, interdites sur le marché (mais avec les bons contacts et, surtout, un bon compte en banque, on pouvait se procurer à peu près n'importe quoi).
Druella Black avait été élevée par la main droite de Gellert Grindelwald, Vinda Rosier, elle-même une sorcière réputée pour sa dangerosité. Et, même si Druella ne l'avait jamais confirmé devant Bellatrix, il était dit que le mage noir lui-même lui avait appris à maîtriser les bases de la magie noire.
Aeta Malefoy était connue pour avoir créé elle-même un sortilège d'écorchure (dont elle avait testé l'efficacité sur une de ses cousines éloignées, la pauvre fille était une cracmol).
Walburga et Cygnus Black, de la même façon que leur cousin Orion, connaissaient des sortilèges aussi noirs que le nom qu'ils portaient, et n'avaient jamais hésité à en faire usage pour affirmer leur supériorité face à leurs ennemis. Orion avait même été impliqué dans une affaire de meurtre de moldus dans les années quarante (fautes de preuves accablantes, il avait réussi à s'en sortir, et un né-moldu à moitié sénile avait étrangement été accusé à sa place).
Emily Fawley, derrière son visage angélique, maîtrisait l'art du poison à la perfection. Adonis avait raconté à Andromeda (qui avait raconté à Bellatrix), qu'elle forçait ses elfes de maison à boire une fiole de nectar d'ombre (un des poisons les plus létals qui soit) dès qu'ils se montraient inaptes à la servir correctement (bien-sûr, elle préparait tout elle-même, et y prenait grand plaisir).
Aslan Malefoy, lui, était sûrement le plus mystérieux de tous, en dehors du Seigneur des Ténèbres lui-même. Mais à la façon dont tout le monde s'adressait à lui avec le plus grand respect, et de ce qu'elle savait en général sur la maison Malefoy, Bellatrix ne doutait pas une seule seconde que la magie noire était pour lui aussi une seconde nature.
Alors, non. Ces sorciers là n'allaient certainement pas la juger si elle faisait démonstration ce soir d'un sortilège qui ferait frémir même le plus coriace des aurors.
- Votre attention s'il vous plait, fit la voix claire de Druella qui s'était levée, un calice en or remplie de vin rouge à la main. J'aimerai porter un toast à ma fille aînée, notre chère Bellatrix, et à son premier Samhain avec nous !
- À Bellatrix ! répondit en cœur le groupe.
- Bella, tu as toute notre attention, glissa alors Druella en lançant à sa fille un regard encourageant.
Bellatrix la remercia par un sourire poli, et l'assemblée devint soudain très silencieuse. La jeune sorcière se racla la gorge, lança un rapide coup d'œil à Rodolphus qui la regardait avec fierté, et posa doucement son verre de vin avant de se lever.
De tous les cadeaux qu'elle avait reçu pour son mariage, l'elfe de maison personnel avait été le plus utile. Et ce soir, en particulier, il allait être d'excellent usage. Toutefois, malgré le fait que toutes les conditions étaient rassemblées pour que Bellatrix réussisse ce qu'elle avait en tête, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une légère appréhension.
Tenir ce genre de sortilège était épuisant. Le simple fait de le lancer nécessitait une puissance et une détermination à toute épreuve. Plus encore, pour qu'il soit effectif, il fallait le vouloir. Elle avait été témoin de ses effets. Elle savait ce que ce genre de sortilège pouvait provoquer. Mais était-elle capable d'infliger d'aussi grand tourment ? Et si elle venait à échouer, devant tous ses proches qui n'attendaient d'elle que son succès ?
- Je vois que j'arrive pile à l'heure pour le spectacle, fit un murmure glacial derrière elle.
Bellatrix fit volte-face pour découvrir une grande figure sombre qui marchait en direction du groupe de sorciers dont elle faisait partie, et son cœur fit un bond dans sa poitrine.
****
- Maître...
Ses lèvres aussi rouges et pleines que des cerises étaient entrouvertes, son regard sombre semblait scintiller comme mille diamant, et ses joues rosies par l'émoi lui donnait l'air d'un chérubin innocent. Bellatrix se tenait au centre du groupe de sorcier, vêtue d'une élégante robe noire en satin et de long gants en dentelle de la même couleur. Voldemort remarqua qu'elle avait prit soin de porter à son annulaire droit sa bague en émeraude, même par-dessus le tissu de son accessoire.
- Je t'en prie, Bellatrix, ne t'arrête pas pour moi, dit-il avec un sourire hautain.
Évidemment qu'elle allait s'arrêter pour lui. Elle brûlerait des villes entières, renverserait des empires et exterminerait les plus grandes armées pour lui. Alors évidemment qu'elle allait attendre qu'il prenne lentement place sur l'imposant fauteuil qui avait été laissé libre pour lui, et évidemment qu'elle allait s'incliner profondément devant lui avant de reprendre son activité.
Démonstration de pouvoir.
C'était le rituel depuis toujours chez les sangs-purs. Voldemort connaissait leurs coutumes, en dépit de ses origines moindres, après les avoir fréquenté durant de si longues années. Il jeta un regard circulaire sur l'assemblée réunie devant lui. La plupart des sorcières et sorciers ici étaient dotés de dons prodigieux en matières de magie. Aucun n'avait échoué à prouver sa grandeur en célébrant pour la première fois leur Samhain. Pour l'instant, les records avaient été obtenus par Orion Black et Rodolphus Lestrange. Ce dernier avait surpris tout le monde en créant un feudeymon surpuissant et en le maîtrisant à la perfection, Voldemort avait été là pour assister à son petit show, et n'avait pas été déçu, même s'il ne s'était pas attendu à moins de la part de son jeune mangemort.
Mais Bellatrix, c'était une autre histoire. De la même façon que son époux, elle était aux ordres du Seigneur des Ténèbres. Seulement, le mage noir l'avait lui-même entraînée. Elle ne pouvait pas se permettre de jouer avec le feu- littéralement. Non, il comptait sur elle pour puiser dans la magie la plus sombre possible. Il savait qu'elle en était capable, malgré son jeune âge.
L'attention de tous fut tout à coup attirée par l'apparition d'un petit être chétif devant Bellatrix. L'elfe en haillon, dont personne ne pouvait déterminer le sexe tant la créature était laide et difforme, semblait savoir exactement ce qui l'attendait. Un large sourire traversa les lèvres de Druella Black qui semblait plus qu'impatiente d'assister à la suite, et un regard amusé fut échangé par les frères Malefoy.
Bellatrix, elle, semblait être au paroxysme de sa concentration. Son regard était déterminé, sa poitrine se soulevait rapidement au rythme de son souffle saccadé, et ses sourcils étaient légèrement froncés. Une atmosphère électrique, presque palpable, flottait dans les airs. Voldemort était presque sûr qu'il s'agissait là de l'énergie magique de sa jeune protégée, qui se répandait dans toute la pièce. Il savait à quel point elle était puissante, alors cela ne le surprenait nullement.
Il savait aussi quel sortilège ladite protégée rêvait de jeter depuis qu'il l'avait prise sous son aile. Il ne pouvait non plus ignorer le fait que, malgré l'entraînement qu'elle avait reçu, elle ne réussisse pas à maîtriser cette forme de magie du premier coup, ou qu'elle parvienne à l'utiliser assez longtemps pour que ses effets puissent être constatés.
La plupart des sorciers étaient incapables d'utiliser les Impardonnables. Sans volonté, sans force, sans puissance, le sortilège de l'Imperium ne provoquerait qu'un léger étourdissement, le sortilège de mort n'entrainerait qu'une simple perte de conscience, et le sortilège de torture n'engendrerait que des crampes passagères.
Mais lorsque Bellatrix leva sa baguette vers son elfe de maison et qu'elle prononça l'incantation de ce dernier sortilège, ce ne furent pas des crampes qui secouèrent le corps de la petite créature.
Un filet de lumière rouge enveloppa le corps de l'elfe, retenu prisonnier du sortilège que Bellatrix tenait sans broncher, son regard dur et froid braqué sur sa victime, les dents serrées. La créature sans défense se contorsionna sur le sol, hurlant à la mort avec sa voix infernale, tentant en vain de se défaire du sortilège qui était la cause de sa plus grande souffrance. Il se frappa le crâne contre le sol, devenant fou de douleur, en continuant de gémir. Ses doigts squelettiques étaient crispés dans une forme presque effrayante, semblable à des serres d'oiseaux. Ses yeux révulsés s'étaient couverts d'un voile blanc semi-opaque, et un mince filet de sang coulait désormais de ses lèvres.
Les conversations mondaines avaient repris, Voldemort remarqua. On continuait de regarder les spectacles, mais les sorciers bavardaient comme si ce qui se passait sous leurs yeux était une affaire mondaine, comme un concert ou un ballet. Druella Black regardait même sa fille avec un air attendri, tandis que le père étudiait avec fascination la façon dont l'elfe se tordait dans tous les sens.
Bellatrix avait surpassé même les attentes les plus hautes, Voldemort pouvait le sentir en parcourant les esprits de ses compères. Personne n'était capable de lancer un Doloris aussi puissant, et certainement pas à dix-huit ans. Voldemort n'avait jamais rien vu de tel, mis à part ses propres exploits. Aussi, lorsque l'elfe finit par se figer, raide mort, baignant dans une flaque de sang très certainement due à une hémorragie interne, il ne put retenir un soupir de soulagement. Maintenant qu'ils avaient tous assisté à cela, plus personne ne pourrait remettre en question le fait que Bellatrix soit parmi les plus haut placés dans les rangs de ses mangemorts.
- Bella...
Druella avait les larmes aux yeux. Elle se leva d'un bond pour serrer sa fille dans ses bras.
- C'était magnifique, Bellatrix, lui dit Aeta Malefoy. Rodolphus a énormément de chance d'avoir une sorcière aussi puissante pour épouse. Je n'ai jamais vu de doloris aussi puissant.
- Il n'y a même pas survécu ! s'exclama Corban Yaxley, qui était resté discret jusque là, avec une pointe de jalousie. Comment as-tu fait cela ?
- J'ai reçu un enseignement d'excellence, répliqua Bellatrix en adressant un rapide sourire à Voldemort.
La soirée se prolongea jusque tard dans la nuit. Le Seigneur des Ténèbres en profita pour discuter stratégie avec pairs, laissant les plus jeunes discuter entre eux. Néanmoins, arriva une heure où il avait épuisé tous les sujets de conversation formels qu'il pouvait aborder. Personne n'osait être trop familier avec lui, bien sûr, et une distance était toujours gardée entre le mage noir et ses serviteurs. Cette distance était absolument nécessaire, Voldemort le savait. Elle permettait de rappeler à tous qui était le Maître et qui était l'esclave.
Mais, alors qu'il observait de loin Bellatrix plaisanter avec Rodolphus et Corban, il ressentit une émotion qu'il n'arrivait pas exactement à identifier. Sa petite protégée semblait tellement s'amuser avec ses amies. Elle riait aux larmes, s'exclamait, gesticulait avec véhémence, grimaçait et souriait sincèrement. Elle disait ce qu'elle pensait, sans crainte de décevoir ou encore d'être punie pour ses propos. Elle était elle-même. Et les autres aussi, étaient eux-mêmes. Rodolphus riait sans retenue aux blagues de son épouse, et ne se privait pas de se moquer ouvertement de tous les autres quand l'envie lui prenait.
Avec Voldemort, leurs mots étaient toujours soigneusement calculés. Leurs moindres faits et gestes n'avaient que pour but de plaire au mage noir. Les Lestrange avaient beau être parmi les mangemorts les plus proches de leur Maître, c'est presque comme s'ils en étaient d'autant plus distants. Ils redoublaient d'attention quand il s'agissait d'agir convenablement, par peur immense de décevoir leur Lord adoré.
Car Bellatrix et Rodolphus adoraient Lord Voldemort. Ce dernier le savait pertinemment, les Lestrange étaient les soldats les plus loyaux qu'il avait. Il n'avait nul besoin d'entrer dans leurs esprits -par ailleurs tous deux impénétrables- pour le deviner.
Mais leur manque d'honnêteté était une source de frustration immense. Parce que c'était cela, non ? S'ils ne se comportaient pas naturellement avec lui, alors ils étaient malhonnête, cela ne pouvait que faire sens.
Voldemort poussa un soupir enragé. Quelles étaient donc ces pensées ? Il n'était pas là pour se faire des amis. Bellatrix et Rodolphus étaient ses esclaves, rien de plus. Ce n'est pas parce qu'il partageait ses nuits avec l'épouse de temps à autre qu'il désirait qu'elle se comporte avec lui comme elle se comporterait avec son compagnion.
Pourquoi alors ses pas le guidèrent de leur propre accord vers le groupe de jeunes gens devant lui ?_________________________________
Voldemort se sent mis à l'écart... comme dirait Eli Michaelson dans Nobel Son "it's lonely at the top".
Mais bon, il faut faire un choix : être le sorcier le plus puissant et régner sur tous, ou être quelconque et donc traité comme tel.Aussi, bravo à Bella qui a jeté son tout premier Doloris, et quel doloris!... Le premier d'une longue série, eh?
J'espère que vous allez bien, continuez de laisser des petits j'aime et des petits commentaires sur votre passage, ça m'encourage beaucoup!
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All the wrong choices
Fanfiction1967. Bellatrix entame sa sixième année à l'école de sorcellerie Poudlard. Au même moment, un mystérieux mage noir fait campagne au sein des plus grandes familles de sang pur. Lorsque l'aînée de la famille Black fait la rencontre de celui qui se fai...