Chapitre 18.

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- Bellatrix.

La sorcière sentit une légère pression, et elle ouvrit les yeux avec difficulté. Sa chambre était toujours plongée dans l'obscurité, ce qui indiquait qu'il faisait encore nuit. Elle distinguait mal la silhouette assise au bord de son lit, mais elle avait immédiatement reconnu la voix de son Maître qui venait de la tirer de son sommeil.

- Maître... balbutia-t-elle, confuse.

Depuis combien de temps était-il là ? Elle ne l'avait pas entendu venir, et ne s'était certainement pas attendue à ce qu'il vienne dans ses appartements en plein milieu de la nuit.

- Ton bras, murmura-t-il.

Bellatrix fronça les sourcils. Elle ne comprenait rien à ce qui se passait. Puis, elle sentit la main froide de Voldemort saisir délicatement son bras gauche, le bras par lequel il l'avait violemment agrippée quelques heures plus tôt. Elle serra les dents quand il posa ses doigts autour de l'hématome déjà bien formé, et son cœur s'accéléra. Allait-il la punir à nouveau.

Ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité désormais, et elle put voir son Maître sortir un petit pot de sa poche. Lorsqu'il l'ouvrit, elle reconnut immédiatement la douce odeur du baume d'asclépiade tubéreuse. Ses parents s'en étaient souvent servi pour guérir ses blessures superficielles lorsqu'elle était enfant et qu'elle passait son temps à s'écorcher les genoux. Le baume était incroyablement efficace. Pour les blessures légères, il soulageait immédiatement la douleur et dissipait les marques avec une rapidité fulgurante.
Voldemort en appliqua sur le bout de ses doigts et en étala ensuite sur l'avant-bras de sa pupille, là où il l'avait blessée. Il fit pénétrer l'onguent en massant doucement la peau bleuie, puis reposa délicatement le membre de Bellatrix. La sorcière se rendit alors compte qu'elle avait complètement oublié de respirer tout ce temps, et se retrouva essoufflée alors même qu'elle n'avait pas fourni le moindre effort. Elle murmura ses remerciements d'une voix rauque, encore alourdie par le sommeil, et Voldemort acquiesça. Sans ajouter un mot de plus, il quitta la chambre de Bellatrix, laissant derrière lui le parfum réconfortant du baume médicinal.


****


- Miss Black, monsieur Jedusor, entrez je vous prie, fit une voix qui sortait du mur, et une porte s'ouvrit devant les deux sorciers.

Maître et élève entrèrent dans un bureau lumineux et impeccablement rangé. Un portait de Morgane était accroché au centre d'un mur, et le fond de la pièce était tapissé de hautes étagères où étaient entreposés des dizaines et des dizaines de dossier épais marqués de divers noms de sorciers. Un petit canari était enfermé dans une cage dorée qui flottait sans aucun soutient devant une fenêtre.

- Asseyez-vous, invita une petite femme assise derrière un bureau deux fois trop large pour elle. Je suis madame Kirke, et je serai chargée des contrôles de Bellatrix Black à compter de ce jour.

Bellatrix observa madame Kirke. Elle était quelque part entre le petit animal sans défense et le dictateur sanguinaire, ce qui, il fallait l'avouer, était assez amusant. Elle portait sur son nez retroussé des lunettes en forme d'ailes de corbeau. Ses yeux légèrement ridés étaient d'un beau gris, et leur couleur était mise en valeur par un rouge à lèvre bordeaux très bien choisi. Elle était très mince, et habillée de manière très chic, avec un tailleur assorti à la couleur de son rouge à lèvre. Ses cheveux argentés étaient coiffés en une tresse française qu'elle avait laissée tomber sur son épaule droite, et ses mains étaient longues et fines.
La femme baissa un peu ses lunettes pour lire en vitesse un document, se racla la gorge, haussa les sourcils comme si elle désapprouvait quelque chose qu'elle seule avait été capable d'entendre, et leva enfin son regard sur la jeune fille qui était assise en face d'elle.

- C'est un dossier perturbant que j'ai sous les yeux, miss Black, dit-elle d'un ton neutre. Néanmoins je place ma confiance entre les mains de notre cher Magenmagot, et je suis sûre qu'ils ont, comme toujours opté pour la solution la plus juste. Alors... résidence surveillée... c'est toujours compliqué ces choses là. Ah, voilà. Votre tuteur, monsieur Jedusor, hmm ? Oui, votre tuteur nous a fait parvenir au préalable un compte rendu... tout semble impeccable... Nous allons tout de même, vous vous en douter, procéder à certaines vérifications. La première étant le contrôle de votre baguette... Miss Black, donnez-moi votre baguette.

Bellatrix obéit sagement, tendant sa baguette recourbée à madame Kirke. La sorcière pointa alors sa propre baguette sur celle de Bellatrix et murmura « priori incantatum ». Elle était en train de vérifier que la jeune criminelle n'avait pas eu recours aux sortilèges qu'il lui avait été interdit d'utiliser. Après quelques secondes, elle hocha la tête satisfaite, et réajusta ses lunettes.

- Très bien, dit-elle en tendant sa baguette à Bellatrix avant de lui faire glisser un parchemin. Maintenant, vous allez remplir ce formulaire. Soyez honnête. N'oubliez pas que plusieurs contrôles surprise seront faits au cours de cette année et que votre situation ne sera que d'autant plus aggravée si nous constatons que vous nous avez menti.

Bellatrix acquiesça et adressa un petit sourire à madame Kirke. Voldemort, à côté d'elle, avait adopté son air le plus sérieux. Ils étaient là pour convaincre les employés du Ministère que Bellatrix était sur le chemin de la rédemption. Ils étaient là pour les persuader qu'elle faisait des progrès, qu'elle apprenait à se contrôler et que son but était de devenir une sorcière modèle, apte à devenir un membre pacifique de la société magique de Grande-Bretagne.

La jeune sorcière lut rapidement les questions inscrites sur le formulaire.

« Bénéficiez-vous des ressources nécessaires pour subvenir à vos besoins primaires ? »

« Oui. »

« Bénéficiez-vous d'un enseignement conforme au programme dispensé à l'école de sorcellerie Poudlard ? »

Bellatrix repensa à la fois où Voldemort lui avait expliqué comment produire un sortilège de torture assez puissant pour pousser sa victime à l'insanité.

Elle écrivit « oui » une nouvelle fois.

« Vous sentez-vous menacé(e), ou en situation de danger imminent de quelque façon ? »

Bellatrix jeta un rapide coup d'œil à son poignet. L'hématome avait disparu. Bien sûr qu'il avait disparu. Voldemort n'aurait pas été assez idiot pour laisser un indice pouvant compromettre le plan qu'il avait si bien monté...

« Non. »

Le reste des questions était assez futile. Bellatrix répondit par oui ou par non, prenant soin de ne rédiger aucune réponse pouvant les desservir elle et son Maître. Puis, elle rendit le formulaire à madame Kirke qui le lut attentivement.

- Parfait, dit-elle soudainement. Maintenant... miss Black, vous aviez une liste de sortilèges prohibés à apprendre. Je vais vous demander de m'en citer dix, de mentionner parmi eux les trois sortilèges Impardonnables et de m'expliquer pourquoi ils sont ainsi nommés.
- Reducto, Oppugno, Serpensortia, Stupefix, Incarcerem, Incendio, Lashlabask, récita-t-elle avant de marquer une pause. Les trois Impardonnables sont le sortilège de l'Imperium, le sortilège de mort, et le sortilège de torture. Ils sont ainsi nommés car ils sont contraires à la morale et entrainent instantanément des actions criminelles. L'usage de ces sortilèges ne peut être fait qu'avec une intention mauvaise. Ils ont été créé pour faire le mal, et sont donc jugés impardonnables.
- Pouvez-vous m'expliquer la distinction entre les trois catégories de sortilèges ?
- On distingue généralement les enchantements, les maléfices et les malédictions. Un enchantement n'altère pas radicalement les propriétés de l'objet du sortilège, mais peut en modifier certaines ou ajouter d'autres. Un maléfice, en revanche vise une cible précise et vient en altérer les propriétés. S'il est utilisé avec de mauvaise intention, il peut se révéler dangereux. Certains maléfices sont d'ailleurs considérés comme appartenant à la magie noire. Les malédictions, elles, ne laissent aucun doute sur les motivations du sorcier qui les utilisent. Elles appartiennent nettement au domaine le plus sombre de la magie, et leur utilisation est interdite. L'usage d'une malédiction, quelle qu'elle soit, est puni par la loi. Les plus sévèrement punie sont bien évidemment les sortilèges Impardonnables.

Madame Kirke acquiesça lentement, le regard dans le vide, puis posa ses yeux sages sur Lord Voldemort.

- Et bien, monsieur Jedusor, vous avez une élève particulièrement douée à ce que je vois. J'espère que vous continuerez ainsi, miss Black. Il est très important que vous appreniez à distinguer le bon du mal, vous comprenez ? Pour la sécurité des autres, mais aussi pour votre propre sécurité. Personne ne veut que vous finissiez à Azkaban. C'est un sort horrible, regrettable, et c'est toujours très dur d'envoyer quelqu'un là-bas. Une jeune sorcière comme vous n'aurait rien à faire entre des barreaux, à la merci des détraqueurs. N'êtes-vous pas d'accord ?
- Oui madame, répondit Bellatrix. Je ferai tout ce qui est en mon possible pour apprendre de mes erreurs. Je n'ai jamais voulu représenter un danger pour mes semblables. Je comprends la punition qui est la mienne, et je l'accepte volontiers. Même s'il s'agissait d'un accident, une de mes camarades est morte par ma faute. Je ferai tout pour me racheter.

Madame Kirke lui adressa un sourire attendri.

- Alors c'est une bonne chose que monsieur Jedusor se soit porté volontaire pour vous accompagner sur cette voie, dit-elle d'une voix chaleureuse, avant de prendre un calepin dans son tiroir et d'y griffonner quelques phrases. J'avais justement quelques questions sur vous, monsieur... la procédure habituelle, rien de bien méchant.

Lord Voldemort acquiesça, sans quitter la femme du regard.

- Résidez-vous bien chez monsieur et madame Malefoy, au manoir Malefoy, dans le Wiltshire ?
- C'est correct.
- Depuis quand avez-vous établi résidence là-bas ?
- Un an et trois mois, si mes souvenirs sont exacts, répondit Lord Voldemort.
- Y a-t-il une raison particulière à ce que vous n'ayez pas acheté ou loué un bien immobilier à votre nom ?
- Mon ami Abraxas Malefoy m'a généreusement proposé un hébergement que je ne pouvais refuser, faute de moyens financiers.
- Je vois... vous étiez... en voyage, les années précédentes, n'est-ce pas ?

Voldemort acquiesça. Bellatrix le sentait particulièrement tendu. Il avait déjà répondu à ces questions le jour du procès, pourquoi madame Kirke les lui reposait ?

- C'est exact.
- Selon nos dossiers, monsieur Jedusor, vous êtes soupçonné d'avoir fait usage de magie noire entre votre cinquième année à l'école de sorcellerie Poudlard en 1942 et votre retour en Angleterre en 1967.
- C'est une assez large période que vous me présentez là, madame Kirke, répondit le mage noir d'une voix mielleuse. J'en déduis que vous n'avez aucune preuve, hmm ? C'est bien ce que je pensais. Soyez sans crainte, madame. La raison pour laquelle vous êtes en absence totale de preuve est très simple : il n'y a rien à prouver. Je me suis toujours intéressé à toutes les formes de magie car j'estime que le savoir est précieux. Cependant, je condamne fermement l'usage de la magie noire, quand bien même celle-ci reste fascinante. Jamais je n'enseignerai de telles choses à ma pupille. Je ne fais que suivre le programme que l'on m'a donné afin de continuer au mieux son éducation. Miss Black est en sécurité avec moi. Vous et moi avons le même but ; faire de miss Black une citoyenne modèle.

Madame Kirke inscrit à nouveau quelques mots sur son calepin, sans faire aucun commentaire oral, puis soupira et retira ses lunettes.

- Je vais être franche avec vous, dit-elle en regardant tour à tour Bellatrix puis Voldemort. J'espère sincèrement que miss Black fait tout son possible pour retrouver le droit chemin, et que vous, monsieur Jedusor, êtes un soutien honnête pour cette jeune sorcière. Je n'ai aucun intérêt à ne pas vous croire, et je suis de votre côté ; du côté de la réhabilitation. Mais tous ici ne partagent pas mon opinion. Certains pensent que le Magenmagot a été manipulé. Certains estiment que justice n'a pas été rendue, et qu'une criminelle n'a rien à faire dans un manoir luxueux avec une baguette à son libre usage. Alors, miss Black, monsieur Jedusor, j'espère sincèrement que vous ne préparez pas quelque chose dans notre dos. La situation actuelle paraît absolument parfaite et lisse. Je souhaite que ce ne soit pas qu'une illusion.

Bellatrix et Voldemort hochèrent gravement la tête.

- Parfois, il faut accepter qu'une situation se déroule parfaitement, madame Kirke, répondit Voldemort sur un ton d'une douceur infinie. Tout cela a commencé avec un événement tragique, mais rien ne nous empêche de le transformer en quelque chose d'idéal. Je vous assure que Bellatrix fait des progrès. Vous ne pourrez que le constater au fil des mois.
- Bien, répondit la femme avec un petit sourire avant de se lever et de tendre sa main à Bellatrix et à Voldemort. Je vous souhaite un bon retour à votre résidence. À dans deux mois.

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Bon. Madame Kirke semble être de leur côté, un bon point pour le Seigneur des Ténèbres. Néanmoins, nous savons bien que ce dernier a d'autres plans pour mademoiselle Black que d'en faire une « citoyenne modèle ». Petit problème : un certain monsieur au sein du Ministère se doute que Tom Jedusor n'est pas si innocent que ce qu'il prétend...
Maître et élève vont-ils pouvoir continuer leur petit manège indéfiniment ?

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