Chapitre 60.

374 21 8
                                    


Papa.

Maman.

Oncle Orion.

Rodolphus.

Dromeda.

Sirius.

Bellatrix savait que ces disparitions n'avaient pas été vaines. Bientôt, dans quelques heures, elle saurait que ses proches n'étaient pas partis en vain. Morts, emprisonnés ou simplement bannis, tout cela aurait été pour quelque chose. Pour la victoire. Pour le plus grand bien.


Les premières lueurs de l'aube filtraient à travers les rideaux de la chambre à coucher. Bellatrix n'avait presque pas dormi cette nuit-là. Elle avait été tenue éveillée par l'anticipation intense qui précède toujours un grand événement, celle qui retourne l'estomac et embrouille l'esprit.

C'était là, à bout de bras, si proche. Tout ce dont elle avait toujours rêvé, tout ce qu'elle avait toujours espéré pour son Maître. Et il comptait sur elle pour donner le coup de grâce, celui qui marquerait la fin du régime actuel, et annoncerait le début du règne du Seigneur des Ténèbres.

Elle s'était tellement habituée à la guerre qu'elle n'avait plus idée de ce qu'était une vie sans fuite, sans combat, sans vigilance constante. Elle n'avait été âgée que de seize ans lorsque Lord Voldemort l'avait enrôlée dans ses rangs. Elle n'avait connu depuis que la violence et le pouvoir, et elle s'y était accoutumée. Plus encore, elle y avait pris goût.

Cela viendrait-il à lui manquer, à l'avenir ?

Bellatrix soupira, et son regard se posa sur une photo, situé sur une commode à l'autre bout de la pièce. Lentement, elle déplia ses jambes et s'étira, avant de se lever de son lit et de se diriger vers l'objet. D'un geste doux, elle souleva la photographie et l'épousseta un peu, dévoilant les silhouettes animées de deux jeunes gens qui se regardaient tendrement en riant.

Son cœur se serra un peu, et ses doigts se crispèrent sur le cadre en argent.

- Tu aurais dû être là, murmura-t-elle les dents serrées.



****


27 septembre 1976, Ministère de la Magie, Londres.


Un silence étrange s'était abattu entre les murs du Ministère de la Magie. Là où, habituellement, des centaines de sorcières et de sorciers s'activaient, faisant sans cesse des allers retours entre les différents niveaux du bâtiment, suivis par des dizaines de lettres qui volaient dans tous les sens dans un brouhaha sans fin, plus personne ne bougeait.

Alignés les uns à côtés des autres contre les murs, bouches bâillonnées, mains liées et baguettes confisquées, les employés du Ministère regardaient, sans défense, leurs agresseurs patrouiller devant eux.

Les mangemorts avaient cessé toute activité une fois leurs adversaires maitrisés.

Ils attendaient quelqu'un.

Un reniflement sonore se fit entendre, et l'un des hommes tout vêtu de noir se tourna vers le pauvre enfant qui s'était retrouvé parmi les otages. « La ferme ! ». L'ordre claqua dans les airs comme un fouet, et le silence revint.

Il ne fallut que quelques secondes pour qu'un autre bruit se fasse entendre. Clac, clac, clac. Le bruit de talons résonnait dans le vaste hall du Ministère, là où se trouvait l'Atrium, là où tous étaient réunis.
Plusieurs otage se mirent à frémir lorsqu'ils reconnurent la nouvelle venue. Son visage était affiché dans toutes les rues, sa tête mise à prix pour plusieurs milliers de Gallions. La plus dangereuse mangemort, la meurtrière assoiffée de sang, le bras droit du Seigneur des Ténèbres.

- Madame Lestrange.

Walden Macnair s'inclina devant elle. Ils avaient tous compris désormais l'importance que cette sorcière avait. Ils la traitaient avec le respect qu'elle méritait, et même Lucius Malefoy fit l'effort d'une révérence à son égard.

- Par là-bas, Madame Lestrange, indiqua un autre mangemort en désignant une porte au bout du hall.

Bellatrix lui adressa un hochement de tête en guise de réponse, et se dirigea vers l'endroit indiqué. Une fois devant la porte, elle prit une profonde inspiration, et entra dans la pièce.

Elle ne l'avait jamais vu en personne. Mais elle avait vu son visage dans les journaux. Harold Minchum avait autrefois été un sorcier dans la force de l'âge, déterminé à combattre les Forces du Mal et triompher là où ses prédécesseurs avaient échoué. Il avait eu plus de poigne, plus de hargne que les autres. Il s'était tenu fier, droit, comme si rien ne pouvait l'atteindre. Il avait mené ses troupes avec bravoure, comme un véritable leader. Son gouvernement avait fait plus de progrès que n'importe quel autre gouvernement face à l'ascension du Seigneur des Ténèbres. Les aurors qui avaient agi sous ses directives avaient causé de lourdes pertes dans les rangs des mangemorts.

Mais cela n'avait pas été assez.

Et, maintenant, le Ministre de la Magie se tenait face à Bellatrix, assis sur une chaise de bois à laquelle il était lourdement attaché par des chaines de ferrailles. Toute trace de combattivité avait disparu de son visage. Son regard était vide, vaincu.

Bellatrix prit une chaise et s'assit tranquillement en face du sorcier, les jambes croisées, la tête haute, l'air absolument calme face au regard assassin de l'homme.

- Nul besoin de me regarder ainsi, Monsieur le Ministre, dit-elle en penchant légèrement la tête sur le côté, observant la moindre réaction chez son interlocuteur. Vous savez, au plus profond de vous, que nous sommes ce qu'il y a de mieux pour ce pays, pour notre communauté. Nous prendrons soin de vos concitoyens, je vous en fais la promesse.

Minchum émit un grognement, puis secoua la tête. Il n'avait plus envie de se battre. Son pays était tombé aux mains de fous. Il avait échoué, lamentablement. Et il savait quel sort l'attendait.

- Oui, vous avez raison, dit la belle mangemort, ses yeux rouges écarlates se mettant à briller d'une lueur inquiétante. Mais... vous ne nous avez pas laissé beaucoup de choix. Vous avez commis des crimes atroces, Monsieur le Ministre. Des dizaines d'hommes sont morts par votre faute, tués par vos forces de l'ordre. Tout ce que nous voulons, c'est rétablir la justice. Et... voyez cela comme de la miséricorde. Au lieu de verser inutilement du sang sorcier en exécutant chacun de ceux qui vous ont obéi, nous nous servirons de vous comme unique exemple. Nous ne sommes pas les monstres que vous croyez que nous sommes. Loin de là. Nous voulons protéger les nôtres. Comment n'avez-vous pu jamais le comprendre ?

Bien-sûr, Bellatrix n'attendait pas de réponse.

- Qu'importe... il est l'heure, désormais. Une dernière volonté ?

Harold Minchum ne lui donna aucune réponse. Bellatrix haussa les épaules, et attrapa l'homme par le col de sa robe pour le soulever de sa chaise, avant de le pousser devant elle hors de la pièce.


****


Le hall avait été décoré d'immenses bannières représentant la marque des ténèbres. Les otages tremblants avaient été délivrés de leurs cordes, et rassemblés en tas devant un imposant piédestal de marbre. Aucun d'entre eux n'osaient s'enfuir. Des dizaines de mangemorts à l'allure menaçante les entouraient. Même si les otages étaient plus nombreux, ils avaient depuis longtemps compris qu'ils leur étaient inférieurs en puissance. Aucun des pauvres sorciers ne savait ce qu'il se passait, ni ce qu'ils attendaient, avant que la mangemort apparue quelques minutes plus tôt ne revienne, cette fois accompagnée d'un homme qu'ils connaissaient tous : leur Ministre. Les deux montèrent sur le large piédestal, et Bellatrix Lestrange balaya la foule dense du regard.

À ce moment-là, alors que tous les regards étaient posés sur elle, elle savait que, plus que jamais, elle représentait le Seigneur des Ténèbres. En ce jour crucial, les mots qu'elle prononceraient seraient ceux de son Maître, et ils seraient entendus au-delà même des frontières, reconnus comme ceux qui marqueraient le début de quelque chose de grand pour le monde magique dans son entièreté.

Le temps de la fuite, de la persécution et du retrait était révolu pour les sorciers. Lord Voldemort serait à jamais connu comme celui qui les avait libéré du lourd fardeau imposé par les moldus ; celui d'une vie dans l'ombre, dans la perpétuelle répression et dans l'annihilation même de leur nature.

Alors, Bellatrix porta la pointe de sa baguette à sa gorge, amplifiant magiquement sa voix pour qu'elle soit entendue par tous les sorciers du pays, et entama son discours d'une voix claire et forte.

- Le Ministère de la Magie est tombé. Le Seigneur des Ténèbres a triomphé. La Grande-Bretagne est désormais libre. Nous ordonnons aux forces qui continuent le combat de mettre fin à toute forme de violence. Le sang sorcier doit être préservé, nous ne désirons pas plus de perte que celles que nous avons déjà subies. Nous savons qu'il a été dur pour chacun de traverser une guerre d'une grande violence, mais, grâce au Seigneur des Ténèbres, nous sommes enfin libres, enfin débarrassés de ceux qui voulaient nous tenir dans l'ombre et restreindre notre puissance. Soyez sans craintes, tout cela est maintenant dernière nous. Le Seigneur des Ténèbres saura comment redonner à notre communauté sa gloire passée. C'est en lui désormais que vous devez placer votre confiance. Sorcières et sorciers d'ascendance magique, soyez sûrs d'être toujours protégés par notre Maître tant que vous le reconnaîtrez comme votre sauveur. Aux autres, le Seigneur des Ténèbres vous accorde un délai d'une semaine pour vous présenter au Ministère de la Magie afin de procéder à une identification.

Des regards anxieux étaient échangés dans la foule, mais aucune protestation ne se fit entendre. Bellatrix laissa ses propos s'ancrer dans leurs esprits avant de reprendre d'un ton plus ferme, qui fit frémir plus d'un sorcier :

- À nos ennemis, à ceux qui songent encore s'en prendre à nous, sachez que vous serez traqué et que votre sort appartiendra à la Justice. Nous ne ferons preuve d'aucune merci pour ceux qui menacent notre nouveau système. Nous agirons toujours pour le plus grand bien, et nul ne pourra nous en empêcher. Notre peuple a assez souffert. Il est temps de laisser place au changement, et au meilleur pour tous. Harold Minchum, celui que vous connaissez comme votre Ministre de la Magie, est à l'origine de dizaines d'assassinats. Il a commandé la mort de jeunes gens, parfois d'enfants, détruisant des familles sorcières sans le moindre état d'âme, comme le faisaient autrefois les moldus. Puisqu'il se comportait comme ces monstres, c'est comme eux qu'il mourra. Que son châtiment serve d'exemple aux criminels qui complotent contre nous, et que son âme rejoignent les limbes où brûlent celles des plus immondes créatures connues en ce monde.

À ces mots, sous les regards horrifiés de la foule, Bellatrix Lestrange leva sa baguette en direction d'Harold Minchum qui ne broncha pas d'un cil, tout désir de combattre ayant quitté son esprit depuis fort longtemps. « Incendio ».

Le corps brûla de longues minutes durant, mais les hurlements de douleur du sorcier cessèrent bien avant. Des journalistes, qui obéissaient déjà au Seigneur des Ténèbres, prirent soin de capturer l'instant, avec Bellatrix près du corps. La belle mangemort était dorénavant le visage même du coup d'Etat. Elle sentit un frisson lui parcourir le corps sous les flashs aveuglants. Son Maître allait être fier d'elle. Il l'avait entraîner pour que ce jour arrive. Il l'avait choisie précisément pour cela. Elle était l'incarnation même de tout ce qu'il désirait pour le genre sorcier. Et lui...

Lui était tout pour elle. Aujourd'hui, plus que jamais. Lorsqu'elle se tourna à nouveau vers la foule, Bellatrix le fit avec un sourire éclatant aux lèvres.

- À partir de ce jour, et à jamais, Lord Voldemort sera le sauveur de notre Nation, notre leader et notre protecteur. Gloire au Seigneur des Ténèbres !

Les rugissements des mangemorts lui firent écho, puis Bellatrix leva sa baguette vers le plafond enchanté du hall, et la Marque des Ténèbres se dessina sous les arques voutées en métal.

Le règne du Seigneur des Ténèbres avait débuté.

All the wrong choices Où les histoires vivent. Découvrez maintenant