Chapitre 39.

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26 août 1970, Manoir Black.

La fête organisée pour l'anniversaire d'Andromeda était ridiculement luxueuse. La jeune sorcière, qui célébrait ses dix-sept ans, avait été couverte de présents plus fabuleux les uns que les autres. Mais surtout, elle avait passé l'après-midi à utiliser sa baguette pour lancer à ses sœurs des sortilèges en tout genre.

- Ce n'est pas parce que tu ne portes plus la Trace que tu dois faire la maligne ! lança Narcissa qui était plus qu'exaspérée.

Andromeda lui répondit en envoyant un petit nuage d'oiseaux foncer vers elle, ce qui arracha un cri furieux à la benjamine. Bellatrix, elle, était restée en retrait, à l'ombre d'un hêtre, seule.

Cela faisait trois mois que Rodolphus logeait chez les Fawley. Il ne lui adressait la parole que lorsque cela était strictement nécessaire -lors des missions ou brièvement durant des événements mondains. Pour l'anniversaire d'Andromeda, ils étaient apparus ensemble devant le manoir Black, histoire de faire bonne figure, mais Rodolphus avait eu tôt fait de s'éloigner de Bellatrix, au grand regret de cette dernière.

Comment pouvait-il lui en vouloir ? Il avait dit lui-même qu'il n'avait pas son mot à dire dans cette histoire. Ce n'était pas comme si son épouse était allée voir le premier sorcier venu. Même si elle ne l'avait pas voulu, elle n'aurait jamais pu refuser les avances de Lord Voldemort.

Elle l'avait voulu, cependant. Plus que tout au monde.

Mais est-ce que cela importait réellement ? Rodolphus n'aurait jamais dû avoir la réaction qu'il avait eu en apprenant l'ancienneté de la liaison qui unissait Bellatrix et leur Maître. Surtout pas dans les circonstances survenues à ce moment là. Surtout pas lorsque Bellatrix avait été plus vulnérable que jamais.

Parfois, elle avait l'impression qu'elle portait encore la vie en elle. Puis elle se rappelait de la marre de sang qui s'était échappée d'entre ses jambes, de la douleur lancinante dans son bas-ventre. Et, enfin, du vide constant qui l'habitait désormais.

Elle n'avait jamais voulu d'enfants. À vrai dire, elle n'avait même pas réellement considéré la question. Contrairement à grand nombre de jeune sorcière de sang pur qu'elle connaissait, la maternité ne l'avait jamais vraiment attirée.

Mais maintenant qu'elle avait eu un aperçu de ce que c'était, elle ne pouvait s'empêcher de faire le deuil de cet enfant qui n'avait jamais vécu. De cette petite fille. De l'héritière du Seigneur des Ténèbres à qui elle n'avait pas donné la vie.

Obara.

- Thé glacé ?

Bellatrix releva la tête. Andromeda se tenait debout face à elle, en contrejour, un adorable sourire aux lèvres et des jolies boucles brunes encadrant son visage aux traits fins. Elle avait beaucoup grandi, Bellatrix le remarqua. Andromeda lui ressemblait un peu plus, maintenant. Son visage était moins rond, son air plus décidé, ses yeux plus sages.

Bellatrix avait toujours décelé chez sa cadette une sorte de menace silencieuse. Un danger invisible qui ne vous frappe qu'une fois qu'il est trop tard pour agir. Elle ne s'était jamais sentie menacée par la présence d'Andromeda, bien sûr. Au contraire. Elle se sentait en sécurité quand elle était auprès d'elle.

- Volontiers.

Andromeda s'assit sur la chaise en fer face à son aînée, et lui tendit son verre.

- Tu as raté le discours de Sirius sur la pseudo égalité entre les maisons de Poudlard, tenta la cadette en constatant l'air sombre sur le visage de sa sœur. Walburga était plus rouge que le derrière d'un diablotin.
- Je n'en doute pas, répondit Bellatrix d'un ton monotone, le regard perdu au loin.
- Enfin, il ira à Serpentard, peu importe ce qu'il raconte, continua Andromeda. C'est le fils Potter, James. Je suis sûre que c'est lui qui lui met toutes ces drôles d'idées dans la tête. Ils sont presque tous allés à Gryffondor, les Potter. C'est tellement embarrassant. Si j'avais été répartie dans une autre maison, je pense que j'aurais préféré partir.
- Hmm mmh.
- Serdaigle, à la rigueur, pourquoi pas. Mais Gryffondor et Poufsouffle ? j'en aurais perdu la raison. Devoir m'associer à des gens de leur sorte...

Bellatrix tourna alors lentement la tête vers sa sœur, et une étrange lueur illumina son regard ; comme si elle était soudain revenue sur terre.

- Ce garçon à bord du Poudlard Express avait pourtant l'air de bien te connaître, murmura Bellatrix d'une voix grave sans quitter Andromeda du regard.

Cette dernière devint rouge pivoine, et baissa immédiatement les yeux.

- Un garçon ? bredouilla-t-elle.
- Hmm... un Poufsouffle. Monks.
- Tonks, corrigea Andromeda en regrettant aussitôt son intervention.
- Tu ne m'as jamais dit d'où il te connaissait, remarqua suspicieusement Bellatrix.

Andromeda étouffa un petit rire gêné, qui aurait pu duper la plupart des sorciers.

- Ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup de personnes qui ignoraient qui je suis, Bella. Moi aussi je suis une Black, répondit-elle d'un ton faussement amusé. J'espère que tu ne crois pas que je perds mon temps et mon énergie à connaître chacun d'eux en retour. Je sais qu'il s'appelle Tonks parce qu'il complètement éperdu de moi -si c'est ce que tu souhaites savoir- et que, lorsqu'on vit dans le même lieu qu'une personne pendant sept ans, c'est dur de l'éviter. Mais très honnêtement, je trouve ta suspicion ridicule et déplacée. Assumer que je puisse fréquenter d'immondes sangs de bourbe, et puis quoi encore ?

Bellatrix se contenta de finir son thé. Trop amer, pensa-t-elle.

- D'ailleurs, en parlant d'amours... ça n'a pas trop l'air d'être ça entre Rodolphus et toi...
- Oh, pitié, râla Bellatrix en levant les yeux au ciel.
- Ok, ok ! Sache juste que je suis là si tu as besoin de parler, dit Andromeda.
- Parler, répéta Bellatrix d'un ton mesquin. J'ai d'autres choses plus importante à faire que...aïe !

Bellatrix fut si surprise par la douleur qui la lança d'un coup sur son avant-bras qu'elle ne put réprimer ce cri de surprise. Andromeda lui lança un regard inquiet, mais décida de ne pas intervenir. La mangemort regarda immédiatement en direction de Rodolphus, pour constater que lui aussi semblait avoir ressenti la même chose qu'elle. Elle le vit s'excuser auprès des sorciers à qui il faisait la conversation, puis disparaître à l'intérieur du manoir.

- Il faut que j'y aille, hissa Bellatrix en serrant les dents. Bon anniversaire, Dromeda.

Sans attendre sa réponse, la brune bondit de sa chaise et quitta les lieux sans prendre la peine de saluer le reste des invités. Andromeda la regarda s'éloigner, préoccupée, sa réponse sur le bout de ses lèvres.

- Merci, Bella...


****


Manoir Malefoy, Wiltshire.


Bellatrix fut la dernière à arriver. Voldemort la vit faire une grimace de mécontentement lorsqu'elle remarqua que la place qu'elle occupait habituellement à sa droite était prise. Il lui laissa le temps de s'asseoir en bout de table avant de prendre la parole.

- Nous avons deux nouvelles recrues...aujourd'hui, dit-il en laissant planer le suspens, observant les visages de chacun de ses partisans assis autour de la longue table de bois ouvragées. Thorfinn, nous te devons des remerciements puisque c'est toi qui les a guidés jusqu'à nous... Lestrange, il serait souhaitable que tu prennes exemple sur notre ami, hmm ? Après tout, nous sommes une grande famille... aucun individu ne devrait être exclu.

Voldemort regarda Rodolphus déglutir visiblement. Adonis Fawley n'avait toujours pas rejoint les rangs des mangemorts, malgré l'incitation pressante de son cousin à le faire.

- Il est très...
- Je me fiche absolument de la quantité de travail que ton cousin reçoit au Ministère, Rodolphus. Il nous faut plus d'alliés au sein de cette institution. Fawley serait un très bon atout. Cela fait plus d'un an que j'attends qu'il daigne se présenter à moi...je vais finir par y voir un problème personnel. Nous ne voudrions pas cela, n'est-ce pas ?
- Non, mon Seigneur, s'empressa de répondre Lestrange.

Voldemort jeta un coup d'œil à l'épouse de l'homme, qui avait le regard viré sur la surface vernie de la table.

- Bellatrix, tu es également concernée, siffla Voldemort. Tu es une Lestrange, à ce que je sache.

La sorcière lança un regard triste vers son époux, serra les dents, et acquiesça.

- Oui, mon Seigneur.

Le mage noir soupira. Parfois, il regrettait d'avoir choisi une Occlumens aguerrie comme main droite. Plus souvent encore, il se maudissait d'avoir enseigné la même discipline à son époux. Au moins, avant, il pouvait fouiller l'esprit de Rodolphus pour comprendre ce qui se passait entre les deux. Mais maintenant, se heurter aux Lestrange ; c'était comme se heurter à un mur de fer inébranlable. Leurs esprits étaient impénétrables, même pour un Legilimens aussi puissant que Lord Voldemort. Le sorcier pesta dans sa barbe.

Cela faisait trois mois que Bellatrix et Rodolphus arrivaient séparément aux réunions. Ils avaient beau se présenter ensemble lors des bals et autres fêtes, Voldemort n'était pas dupe : Rodolphus n'avait pas bien réagi à l'adultère de sa compagne. Il y avait eu, depuis la fausse-couche de Bellatrix, un froid glacial entre les deux. Et ils avaient beau faire de leur mieux pour dissimuler leurs émotions, ils étaient distraits. Et s'il y avait bien une chose dont Voldemort n'avait pas besoin en ce moment, c'était que ses deux meilleurs soldats soient distraits.

- Les Carrow, hissa soudain Voldemort, détachant alors son regard de Bellatrix pour observer les lourdes portes de la salle de réception s'ouvrir, laissant apparaitre deux jeunes adultes, de la même tranche d'âge que les Lestrange.

Du coin de l'œil, il vit Bellatrix dévisager la femme, puis l'homme, avant d'hausser un sourcil sceptique. Les Carrow vinrent se prosterner devant le mage noir, avant de se redresser et de rester droit comme des piques devant lui, sans jamais oser croiser son regard.

- Mes amis, Amicus et Carrow ont très récemment reçu la marque des Ténèbres, annonça Lord Voldemort. Je compte sur vous pour les intégrer rapidement parmi nous... et cela commencera immédiatement. Corban, Arsenius et Rodolphus, vous assisterez Amicus dans sa première mission. Je vous donnerai les détails plus tard. Bellatrix, je te fais confiance pour guider seule Alecto, je suis certain que tu pourrais apprécier un peu de compagnie...moins masculine. Tu trouveras une enveloppe contenant les informations sur votre cible sur ton bureau.

L'assemblée de mangemort se mit à ricanner en voyant la grimace qui peignait désormais le visage de Bellatrix. Mais la jeune sorcière n'était pas assez stupide pour dire ce qu'elle pensait de cette « compagnie féminine » à haute voix, et elle acquiesça docilement.

Le reste de la réunion, Voldemort interrogea ceux de ses mangemorts qui travaillaient au Ministère sur les nouvelles importantes qu'ils avaient à partager. Bellatrix, tout le long, passa son temps à fixer Rodolphus. Ce dernier s'appliqua à l'ignorer, posant son regard froid sur absolument tout le monde à l'exception de son épouse. Lorsque leur Maître invita tout le monde à se dispercer, il retint donc les Lestrange, qui restèrent docilement assis à leurs places, surpris, tout de même, par cet ordre.

- Je ne veux pas entendre vos histoires de couple, pour la simple et bonne raison que je n'ai pas de temps à perdre avec des choses aussi futiles, commença Lord Voldemort d'un ton glacial. Mais je pense que vous vous êtes assez donné en spectacle, et que tout le monde est désormais las de vous voir vous comporter comme de véritables enfants.
- Maître...
- Je ne t'ai pas autorisée à prendre la parole, Bellatrix, coupa sèchement le mage noir. Vous êtes distraits. Lord Voldemort n'a pas besoin de soldats distraits.
- Nous arrangerons ça, mon S...
- Rodolphus, tu rentreras au Château Lestrange dès aujourd'hui. Te distancier de Bellatrix ne rime à rien, vous savez tous deux pertinemment que vous devrez toujours travailler ensemble. Bellatrix, je pense que tu as eu assez de temps pour te remettre de l'accident. J'ignore ce qui se trame dans ton esprit pour que tu ne prêtes pas attention à nos réunions, mais je veux que cela cesse.

Les deux acquiescèrent, têtes baissées.

- Si j'ai l'impression que vous n'êtes pas aptes à me servir correctement, je n'aurais d'autres choix que de vous éliminer. Me suis-je fait comprendre ?
- Oui, Maître, répondre les deux d'une seule voix.
- Bella, tu peux partir maintenant.

La mangemort hésita une fraction de seconde, puis Voldemort la regarda s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière les lourdes portes en bois. Rodolphus, lui, fixait toujours obstinément la table.

- Je vais entrer dans ton esprit, et tu vas me laisser voir ce que je désire, annonça Voldemort sans lui laisser plus de temps pour se préparer à l'invasion mentale. Legilimens.


Il savait. Il savait avec qui elle l'avait trompé, et il était incapable de déterminer si cela rendait l'acte pire ou non. Il avait toujours aimé Bellatrix, depuis l'instant même où il avait posé les yeux sur elle, jeune fille aux boucles folles et au regard envoûtant. Désormais elle était là, devant lui, épuisée, honteuse. Il avait l'impression de faire face à une étrangère.

- Ce n'est pas comme si j'avais mon mot à dire dans cette affaire, répliqua-t-il avec amertume. C'est mon Maître à moi aussi, Bellatrix. Il ne pourra jamais rien faire qui entravera la loyauté que je lui porte. Je ne peux pas t'empêcher de le...fréquenter. Ça ne veut pas dire que je n'en souffre pas.

Bellatrix baissa les yeux et se mordit la lèvre. Elle aurait tout donné pour que cette conversation ne survienne jamais.

- Depuis quand ? finit par demander Rodolphus.
- Deux ans, murmura Bellatrix.

La vague de jalousie, de colère, de chagrin qui avait envahi Rodolphus l'avait complètement aveuglé. Il ne pouvait pas rester près d'elle. Il ne pouvait pas rester auprès de cette femme qui lui avait sciemment menti durant tout ce temps. Peu importe qu'elle ait fait cela avec leur Maître. Tout le monde fait des erreurs, et il ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir céder au grand Lord Voldemort. Mais une erreur qui est répétée, durant deux années qui plus est, n'est plus une erreur. Bellatrix savait ce qu'elle faisait. Elle savait à quel point elle blessait Rodolphus en continuant de lui cacher la vérité, et elle n'avait jamais estimé qu'il valait la peine qu'elle se confesse à lui.

Le jeune sorcier quitta les appartements de son épouse, le cœur si lourd qu'il en avait la nausée. Il ne pouvait pas rester auprès d'elle. Il ne savait pas s'il pourrait un jour tolérer à nouveau sa compagnie. Bellatrix avait pris son cœur, et elle l'avait brisé en un millier de morceaux. Rodolphus détestait Bellatrix.


- L'amour... un concept très abstrait sur lequel nul ne peut visiblement compter hmm ? dit Voldemort à voix basse, scrutant la mine effarée de Rodolphus. Lestrange, je crois que tu as mal interprété les choses. Bellatrix n'a jamais été tienne. Elle ne le sera jamais. Que tu aies la chance d'être marié à l'unique sorcière qui a su entrer dans les grâces de Lord Voldemort, ça c'est une chose que tu devrais considérer. Je dois avouer que je suis quelque peu déçu de ta réaction... après tout, ce genre de privilège n'est pas une chose qui se refuse, hmm ?
- Je...tr...très certainement, mon Seigneur, balbutia l'homme qui était devenu livide.
- Hmm.

Voldemort marqua un silence, sans pour autant détacher son regard de sa cible.

- Sois rassuré, ce privilège qui était le votre a pris fin. Bella ne m'intéresse plus. Notre mouvement a pris trop d'ampleur pour que je perde mon temps avec une sorcière. Puisque c'est ce qui semble te tenir tant à cœur, sache que son corps est à ta disposition. Quoi qu'il en soit, je compte sur toi pour reconstruire votre relation, Lestrange. Malheureusement pour moi, vous n'êtes jamais plus efficace que lorsque vous êtes réellement ensemble. Les dernières missions que vous avez faites tous les deux ont frôlé le désastre. Arrange les choses, et vite. Bella n'attend que cela, et même un aveugle pourrait le constater.
- Bien, Maître, répondit Rodolphus qui reprenait peu à peu des couleurs. Je ne vous décevrai pas.
- C'est cela, répondit Voldemort d'un ton las en se levant. Va, maintenant. Retourne auprès de ton épouse. Nous nous reverrons pour discuter de vos missions respectives lors de la prochaine réunion.

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Cher lecteur,

Je suis vraiment désolée d'avoir mis aussi longtemps à poster ce chapitre. C'est compliqué en ce moment, sans m'étaler.

J'ai aussi repensé tout le dénouement de l'histoire, et j'ai hâte d'arriver aux prochains gros événements qu'on a de prévu !

Merci à tous ceux qui commentent et qui votent à chaque chapitre, ça me fait tellement plaisir.

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