Chapitre 47.

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15 juin 1976, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Voldemort caressait d'un air distrait le compas qui pendait autour de son cou. Le bijou lui avait été offert par les Lestrange six ans plus tôt, à l'occasion de son quarante-quatrième anniversaire. Le style était assez ordinaire. Il s'agissait d'une pointe d'argent, gravée de runes. Mais ce n'était pas un simple ornement, destiné qu'à embellir la nuque de son porteur. Non. Les Lestrange le lui avait offert car ce bijou était enchanté pour indiquer la position de ses plus fidèles soldats. De cette manière, Voldemort était capable de toujours savoir où se trouvaient Bellatrix et Rodolphus sur un champ de bataille. Cela lui avait été utile à de nombreuses reprises lors de leurs confrontations face aux aurors, ou aux sorciers qui avaient rejoint Albus Dumbledore.

Le mage noir soupira. Le compas n'allait pas lui être très utile pour connaître la position de Rodolphus désormais. Ce n'est pas comme s'il pouvait se déplacer.

- ...nouvelle recrue du Magenmagot, Dolores Ombrage, qui montre un très grand intérêt pour notre cause...

Cela faisait plus de deux semaines que Voldemort n'avait pas vu Bellatrix. Pendant que Corban Yaxley faisait l'état des événements au Ministère, les pensées du Seigneur des Ténèbres étaient dirigées vers sa plus fidèle servante.
Son siège était vide, à la droite de Voldemort. Personne n'avait osé prendre sa place. Trois réunions s'étaient déroulées sans elle. Et pendant les trois, le mage noir avait été incapable de prêter réellement attention à ce qui se passait.

- ...département des Mystères qui reste encore hors de portée, sans compter que la formation de nouveaux aurors est supervisée par l'auror Maugrey, qui refuse que quiconque s'approche de ses apprentis...

Elle devrait s'être remise, depuis. Il lui avait laissé assez de temps. Il fallait qu'elle reprenne du service. Aucun autre de ses mangemorts n'était aussi capable qu'elle. Voldemort ne pouvait rien prévoir sans son meilleur lieutenant à ses côtés.

- ...espions Snape et Wilkes qui confirment la formation d'un groupe de résistance nommé l'Ordre du Phénix, bel et bien dirigé par le directeur de Poudlard, Albus Dumbledore... Maître ?

Voldemort leva les yeux vers Corban, qui le regardait avec inquiétude. Il haussa un sourcil interrogateur.

- Orion se demande que faire de son fils aîné, Sirius Black. Le jeune garçon s'est enfui il y a plusieurs mois. Aux dernières nouvelles, il réside chez les Potter. Madame Black a d'ores et déjà banni Sirius de leur foyer, et il a été déshérité, comme la tradition l'exige. Mais, étant donné qu'il est désormais confirmé que Sirius est un ennemi de notre cause, Orion ignore s'il doit l'éliminer ou non.
- Orion se demande s'il doit tuer son propre fils ?

Voldemort ne put retenir un léger ricanement. Les Black... allaient-ils un jour changer ?

- Sirius est un sang pur. Il est jeune, son esprit est encore malléable. C'est un Black, il finira par entendre raison.

Le groupe de mangemort ne parut pas convaincu, mais aucun de protesta.

- D'autres requêtes ? Non ? Bien, disposez.

Tous se levèrent d'un seul homme et quittèrent les lieux. Voldemort fixa un long moment un point dans le vide. Dumbledore devenait un problème de plus en plus important, avec la formation de son « Ordre du Phénix ». S'il continuait de recruter des élèves, et surtout ceux issus des plus grandes familles de sang pur, les plans du Seigneur des Ténèbres allaient être compromis. Il fallait agir vite, et il fallait agir violemment. Et quand il était question de violence, Lord Voldemort savait exactement vers qui se tourner...

Mais il avait une dernière chose à faire avant de remettre Bellatrix sur le terrain.


****

- Mon Seigneur...

Mérida Lestrange fit une révérence gracieuse, et laissa entrer Voldemort.

- Hum... elle est encore dans ses appartements, murmura la sorcière. Dois-je aller la chercher ?
- Inutile.

Voldemort passa devant la femme et se dirigea vers les escaliers. Il ne connaissait que trop bien le chemin qui menait aux appartement de Bellatrix. Il n'avait pas besoin qu'on l'assiste.

Plus le mage noir s'approchait de sa destination, plus les battements de son cœur s'accéléraient. Il ne devrait pas être là. Il ne devrait pas faire ce qu'il s'apprêtait à faire. C'était de la folie.

Seul lui devait vivre pour toujours.

Voldemort s'arrêta devant la porte qui donnait accès à la suite de sa mangemort, et prit une profonde inspiration. Puis, sans prévenir, il entra.

- Oh...Maître.

Bellatrix avait bondi du fauteuil dans lequel elle s'était assise, et s'inclina immédiatement devant le Seigneur des Ténèbres. Elle n'était vêtue que d'une simple tunique noire, ne portait aucun maquillage et ses longs cheveux bruns étaient attachés en tresse qui pendait le long de son dos. Son visage était marqué par une profonde fatigue, et il semblait même qu'elle avait perdu un peu de poids. Mais même ainsi, Voldemort la trouva fort jolie.

- Bellatrix, dit-il d'un ton neutre. Tu peux te rassoir.

Elle se rassit en fronçant les sourcils, ne comprenant pas la raison de sa venue. Voldemort n'attendit pas plus longtemps pour la lui expliquer.

- La dernière fois que je t'ai vue, je t'ai qu'il qu'il fallait que je te parle de quelque chose.

Bellatrix resta muette, attentive.

- Il y a un...service...que je dois te demander.
- N'importe quoi, Maître, assura aussitôt Bellatrix.

Voldemort ferma les yeux, jurant intérieurement contre lui-même. Il prit place dans le fauteuil disposé en face de celui de la sorcière, et appuya son visage contre sa main. Qu'était-il en train de faire ?

Et puis merde, si je change d'avis, je n'aurais qu'à effacer sa mémoire, pensa-t-il.

- Rodolphus est mort, dit-il en s'efforçant de ne pas prêter attention au voile sombre qui avait aussitôt recouvert l'expression de Bellatrix. Ce n'était pas le premier de mes soldats à trépasser durant un combat, mais c'était le premier qui faisait partie de mon cercle restreint. Et tu étais là. Tu aurais pu mourir à sa place.

Les muscles du visage de Bellatrix s'étaient tendus. Il était peut-être encore tôt pour aborder le sujet, mais Voldemort n'en avait que faire. Il n'avait aucune raison d'attendre plus longtemps.

- Je me suis trouvé...dérangé...à l'idée que tu puisses être abattue. Je n'ai aucune envie d'assister à tes funérailles, ni de devoir ramasser ton corps sans vie après une bataille. Te voir vieillir, et par conséquent devenir inapte à me servir correctement, ne m'enchante pas plus que cela non plus. Et je n'ai aucune raison de devoir accepter une éventualité qui me déplait.

Bellatrix secoua légèrement la tête, puis baissa les yeux.

- Je ne suis pas sûre de voir où vous voulez en venir, Maître, murmura-t-elle. Je...je vous servirai aussi longtemps que mon corps me le permettra, et je vous jure d'essayer de rester en vie le plus longtemps possible, mais...vous savez déjà tout cela. Je ne sais pas comment je pourrais... faire plus.
- La réponse est très simple, dit Voldemort d'une voix froide. Tu ne mourras pas.

Cette fois, Bellatrix émit un petit ricanement.

- Si les Trois Frères n'ont pas pu échapper à la Mort, ce n'est pas Bellatri...
- Les Trois Frères ? coupa Voldemort.
- Oh...hum...c'est...c'est juste un conte pour enfant idiot. Désolée, ce n'était pas pertinent. Reste que, avec tout le respect que je vois dois, mon Seigneur, nul ne peut échapper à la mort.

Voldemort se laissa tomber sur le dossier de son fauteuil, un sourire arrogant aux lèvres.

- Nicholas Flammel, proposa-t-il d'un ton moqueur.
- Ce n'est pas exactement ça, Maître. Il a simplement prolongé sa vie, mais pas de façon indéfinie.
- Moi ?

Bellatrix resta bouche bée, et Voldemort sourit de plus belle.

- Vous ?

Lentement, le mage noir se pencha vers elle, son air sérieux retrouvé, et d'une voix grave, presque inaudible, dit :

- Sais-tu ce qu'est un horcruxe, Bellatrix ?


****


Bellatrix se figea. Un horcruxe ? Jamais elle n'avait entendu parler d'une telle chose. Pourtant, sans qu'elle ne sache pourquoi, un frisson d'effroi ébranla ses vertèbres. Elle secoua la tête.

- Un horcruxe est un objet qui renferme une partie de l'âme du sorcier qui le crée. Il permet de protéger son créateur.

Bellatrix était devenue livide. Elle avait toujours été familière avec la magie noire. Mais, même chez les familles de sang pur comme les Black, il y avait des limites à ne pas dépasser. Chez les sorciers, l'âme était une chose précieuse. Ce n'était pas une chose avec laquelle on pouvait s'amuser. Si elle croyait les mots de son Maître, un horcruxe avait pour but de...diviser l'âme. Elle ferma les yeux, les dents serrées, et murmura :

- Un horcruxe protège son créateur de la mort.

Voldemort sourit.

- C'est exact.
- Et le prix à payer est l'intégrité de son âme, grinça la brune.
- C'est peu de chose pour accéder à la vie éternelle, répondit froidement Voldemort.
- Peu de chose ? s'exclama Bellatrix en se levant d'un seul coup.

Le Seigneur des Ténèbres lui lança un regard menaçant, l'intimant de se calmer immédiatement, et elle se rassit lentement, nauséeuse tout à coup.

- Tu as vu ce qu'était la guerre, Bellatrix. Tu as vu ce qui pouvait arriver. Tu pourrais mourir lors d'un comb...
- Je ne crains pas la mort ! coupa la mangemort, tremblante. Je connaissais pertinemment les risques lorsque j'ai décidé d'entrer à vos services, mon Seigneur, et vous les connaissiez aussi bien que moi ! vous ne pouvez pas changer d'avis du jour au lendemain et refuser que l'un de vos soldats ne périsse ! vous ne pouvez pas décider à ma place de ce que je dois faire de ma vie !

Voldemort bondit de sa chaise et s'approcha dangereusement de Bellatrix, son visage déformé par la colère à quelques centimètres de celui de la sorcière, et hissa d'un ton létal :

- As-tu oublié que tu es ma propriété, Lestrange ? As-tu oublié que tu me dois tout ce que tu as ? As-tu l'audace de croire que tes choix t'appartiennent ?

Bellatrix lutta de toutes ses forces pour ne pas éclater en sanglots. Comment pouvait-il croire une seule seconde qu'elle ne savait pas tout cela ? Tout ce qu'elle avait fait ces dernières années, elle l'avait fait pour lui. Mais cette chose qu'il lui demandait... non. C'était la seule chose qu'elle ne pouvait pas lui donner. Elle ne pouvait pas abandonner ce qu'elle avait de plus précieux pour lui.

- N'est-ce pas toi qui m'a répété un nombre incalculable de fois que tu m'appartenais corps et âme ? M'aurais-tu menti, Bella ?

La sorcière entrouvrit ses lèvres tremblantes pour répondre, mais aucun son n'en sortit.

- Je pourrais te demander d'ôter ta propre vie et tu le ferais sans me questionner, siffla le mage noir. Mais aujourd'hui je t'ordonne de vivre éternellement et tu es écrasée par la peur. Lâche.
- Je ne suis pas lâche, hissa Bellatrix, levant un regard défiant en direction de son Maître.

Il se redressa lentement, puis marcha en direction de la fenêtre. Il resta silencieux un instant avant de reprendre la parole sans la regarder.

- J'ai créé mon premier horcruxe lorsque je n'étais âgé que de seize ans, dit-il d'un ton grave. J'avais trouvé un livre...intriguant...dans la réserve interdite de la bibliothèque. C'est là que j'ai pour la première fois entendu parler de cet objet. Je n'avais jamais eu à faire à une magie aussi noire auparavant. J'ai tout de suite été profondément attiré par cette discipline. La limite entre la vie et la mort me fascinait. Je savais que j'étais destiné à de grandes choses. Alors quand j'ai appris qu'il y avait un moyen de défaire la mort, j'ai su que je devais être le premier sorcier à concevoir effectivement un horcruxe.

Puisque Bellatrix restait muette, il continua, les yeux rivés sur le paysage extérieur.

- J'ai gardé ce secret jalousement toute ma vie. Personne d'autre n'était digne de vivre éternellement. Seul Lord Voldemort pouvait régner pour toujours.

Il caressa le rebord de la fenêtre du bout du doigt, se remémorant la création de chacun de ses horcruxes, la puissance infinie qu'il avait ressenti lors de chacune d'entre elles...

- Je ne me suis pas contenté que d'un seul... Cinq fois, je me suis assuré que nul ne pouvait me défaire. Chaque fois, j'ai perdu un peu plus de mon apparence de mortel pour devenir l'homme que tu connais aujourd'hui. Un visage déformé par les cicatrices, des yeux injectés de sang... peut-être ai-je pris l'apparence de ce que serait la mort si elle était humaine. Je n'ai jamais regretté, pas une seule seconde. À vrai dire, j'étais même reconnaissant. Je ne supportais pas ce visage qui avait été le mien, celui de mon moldu de père. L'apparence qui est désormais la mienne m'est propre, elle est plus proche de ce que je suis réellement... plus intimidante, plus... inhumaine.

Il se tourna vers Bellatrix.

- Le meurtre, énonça-t-il, est l'acte qui permet de diviser son âme. Tu as déjà l'expérience... mais tu ne t'en es jamais servie à bon escient. Il faut que le meurtre soit récent pour créer un horcruxe. Moins de vingt-quatre heures. Il te faudra un objet dans lequel tu souhaites enfermer une partie de ton âme. Choisis le avec sagesse. Plus tu y attacheras d'importance, plus il sera puissant.

Bellatrix déglutit. Elle savait qu'elle n'avait d'autre choix que d'obéir.

- Quand dois-je le faire ? dit-elle dans un soupir.

Voldemort s'approcha d'elle, et caressa doucement sa joue.

- Aujourd'hui.

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