Chapitre 6

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Quatre semaines, c'est le temps qu'il m'a fallu pour le voir autrement, pour parler avec lui lors de mes escapades nocturnes, pour lui dire bonjour amicalement quand il entre dans une pièce, pour rire avec lui.

L'influence du lien des âmes sans doute.

J'éprouve tout de même une certaine réserve, ne le laissant s'approcher de moi qu'en de rare occasion. Je ne veux pas m'attacher à lui, la vie d'Hannah en dépend. J'ai laissé son nom m'échapper lors de l'une de nos discussions matinales, alors que nos deux corps n'étaient séparés que par l'espace d'un loup.

— C'est à cause d'Hannah que tu n'acceptes pas...tout ça ? demande-t-il en nous désignant tous les deux.

— Pour Hannah, je rectifie, c'est pour Hannah que je n'accepte pas tout ça. Cette fois-ci je désigne l'ensemble de l'espace qui nous entoure.

— Comment ça ?

— Je ne devrai pas m'attacher à tout ça.

— Tu es libre de faire tout ce que tu veux.

— Pas dans ma famille, annoncé-je avec calme.

— La meute de Riley est une famille compréhensible, il te laisse faire tout ce dont tu as envie, non ?

— Pas cette famille, idiot de loup ! lancé-je ironiquement en lui lançant un coup d'épaule. Je te parle de ma famille biologique. Hannah se trouve avec cette famille, avec ma grand-mère plus précisément.

— Pourquoi tu n'es pas avec ta sœur ?

— Tu lui demanderas, si tu la croise un jour...

J'aimerai ne pas en parler avec amertume mais c'est plus fort que moi. Il me regarde avec patience attendant que je développe la suite de mon explication.

— Ma famille biologique habite à Jood.

— Ils habitent sur le territoire des chasseurs ? questionne-t-il stupéfaits, c'est carrément au nord !

— Ils n'habitent pas sur le territoire des chasseurs, ils sont les chasseurs.

Il me dévisage, troublé. Je prends soin d'étudier la moindre de ses réactions, juste pour m'amuser.

— Donc toi aussi tu es une... ?

— Chasseuse de loup garou ? évidemment ! C'est pour ça que je vis avec des loups pour pouvoir mieux les tuer dans leur sommeil !

— Donc tu n'es pas une... ?

— Tu peux le dire tu sais « chasseuse de loup-garou », je n'en suis pas une, puisque je n'ai pas suivi l'entrainement adéquat. Ce qui ne m'a pas empêché à mon arrivé de menacer le père de Riley avec un couteau à beurre, terminé-je en faisant mine de le poignarder.

J'examine son visage se crisper dans un rictus de rire incontrôlable qui me contamine bien assez tôt.

— Comment a réagi le père de Riley ?

— Il m'a demandé pourquoi je faisais ça, je lui ai répondu, il m'a montré comment mieux tenir mon couteau et m'a dit de l'attaquer à nouveau. Je l'ai fait, il a bloqué mon attaque, il m'a dit de recommencer mais je me suis mise à pleurer, il m'a pris dans ses bras et m'a ramené à l'orphelinat, deux jours plus tard il m'avait plus ou moins adopté.

Un léger blanc s'installe après cette révélation, je ne me sens pas gênée de lui révéler des parties de mon passé, c'est presque facile avec Aiden de se confier. J'omets certain détail, il n'a pas besoin de tout savoir, seulement l'essentiel.

Je ne considérais pas Sam comme mon père à l'époque mais grâce à lui je n'ai pas été ballotté de foyer en foyer. La directrice m'a permis de rester à l'orphelina mais Sam a tenu à ce que j'ai une chambre dans sa maison. Progressivement, j'ai emménagé chez eux, en m'habituant à la présence des loups et surtout en devenant chaque jour plus proche de Riley.

— Assez parlé de moi, on ne discute pas assez souvent de toi.

— Demande-moi ce que tu veux.

Je suis prise de court par sa réponse et je sors la première question qui me vient à l'esprit.

— Comment tu fais pour gérer à la fois le territoire de Naya et celui de Caedge ?

— Je délègue, répond-il immédiatement, je fais confiance aux bêtas que j'ai laissé aux commandes à Naya. Ils peuvent me contacter grâce au lien de la meute en cas de besoin et je reçois des rapports régulièrement. Si jamais il y a un problème à Naya, je peux m'y rendre en quelques heures. Caedge est beaucoup plus proche, 30 minutes pour un humain très lent. Termine-t-il.

— Les humains ne sont pas lents, c'est vous qui êtes trop rapide. Regarde cet escargot : Les humains vont beaucoup plus vite que les escargots, mais pour vous les loups ce sont les humains qui sont des escargots ! Tout est une question de perspective.

Il regarde la bestiole qui glisse sur la terre, de façon terriblement, affreusement et abominablement lente.

— Je remercie chaque jour mon loup de me permettre d'avancer plus vite que les escargots !

La discussion finit dans un rire compulsif et incontrôlable qui, étrangement, me rappelle la manière dont je lui parlais avant et l'amitié qui nait entre nous. La distance qui nous sépare s'est mystérieusement rétrécie et je la laisse telle quelle. Nos épaules se frôlent de temps en temps et ce n'est pas désagréable.

Il s'arrête brusquement de marcher et son attitude change du tout au tout. Je sens son aura d'alpha se déployer autour de nous.

— Il y a une attaque. Je dois te mettre en sécurité.

— Comment ça une attaque ? m'affolé-je.

— La meute d'Arden a franchi la frontière.

Aussitôt je m'élance en direction de la maison, comprenant ce que cette attaque signifie. Il y a tellement de personnes en danger, les louveteaux, les âmes-sœurs humaines mais par-dessus tout l'Alpha, la Luna et l'héritier. Lors de leur dernier assaut, nous avons pu les repousser mais au prix d'un lourd sacrifice. Ce jour-là nous avons perdu Sam.

Riley s'est retrouvé propulsé au rang d'Alpha sans s'y attendre. La meute s'est retrouvée terriblement affaibli et si nous n'avions pas également infligé de lourde perte dans leur rang, ils nous auraient attaqué plus tôt.

Je sens qu'Aiden me suit.

— Il faut que tu ailles les aider !

— Je dois d'abord te mettre en sécurité ! répond-il

— Ils ont plus besoin de toi que moi de toi. Tu as promis que tu ne laisserais plus jamais une telle situation se reproduire. Je t'en prie, Aiden !

Je vois que ça ne lui plait pas, qu'il préférerait faire n'importe quoi plutôt que de me laisser seul maintenant.

— Tu te mets à l'abri et tu ne sors pas de la maison ! Si tu as un problème tu m'appelles et j'accours, c'est compris ?

Alors que je le vois s'éloigner en se transformant en loup, j'ai soudain peur de le perdre, de le voir pour la dernière fois. J'ai brusquement envie de crier trois petits mots qui pourrait changer ma vie à jamais. A peine cette pensée est-elle formulée que sa voix résonne dans mon esprit « Cours ! ». Aussitôt, je suis heureuse de le savoir avec moi, en moi. Il est obligé de répéter son ordre pour que je me décide à agir. Je le sens plus fort à présent, plus confiant et par la même occasion c'est moi qui en sors différente.

D'une certaine façon aujourd'hui, j'accepte le lien qui nous unit. C'est le cœur plus léger que je continue ma course. J'entends des hurlements de loup au loin sur ma gauche et je me demande si ce sont des alliées ou des ennemis. 

Le Loup de KaylaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant