Chapitre 49 pdv Kayla

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La journée n'est même pas encore terminée que je sens ma louve reprendre le contrôle, ou du moins essayer de le reprendre.

— Sarah, elle est là, indiqué-je paniquée.

Je me lève en commençant à faire les cents pas. Un grognement s'échappe de mes lèvres quand je la sens toquer contre mon crâne... avec une pioche.

— Déjà ? La nuit n'est même pas encore tombée.

— Je ne veux pas qu'elle te fasse du mal, me lamenté-je.

— La dernière fois, je l'ai provoqué, rassure-t-elle, on s'est vu plusieurs fois après et elle ne m'a rien fait.

La pioche se transforme en marteau piqueur tandis qu'elle se rapproche un peu plus de la surface.

— Est-ce que tu peux lutter contre elle ? Gagner plus de temps ? s'enquit-elle.

Je m'efforce de mettre la barrière en place, comme je le faisais pour empêcher Aiden d'entrer.

— Ça fait mal, grogné-je en la sentant toujours taper.

— On va trouver un moyen de sortir d'ici, assure-t-elle vivement. Il faut que tu te battes pour avoir le contrôle ou pour au moins voir à travers ses yeux !

— Je n'y arriverai jamais ! soupiré-je.

— Tu en es capable ! gronde-t-elle pour me convaincre.

Bonjour Kayla... raille-t-elle dans ma tête. Sors de là, ordonné-je durement. Tu as dit que j'avais la journée pour moi ! Tant pis pour toi si tu n'as pas profité à fond... mais je me suis assez reposé et je suis prête à reprendre ce qui me revient de droit. C'est mon corps, pas le tien !

— Tout dépend du point de vue, s'amuse-t-elle avec ma voix.

Je regarde Sarah avec des yeux remplis d'effroi en essayant de m'accrocher au présent en vain. Sans le comprendre, je suis propulsée dans la forêt là où elle m'a trouvé ce matin.

— Non ! me lamenté-je en tombant au sol. Sarah ! appelé-je.

Elle n'est pas là. Sa voix sort de partout et de nulle part en même temps mais cette-fois-ci je ne la vois pas. Elle est dehors et moi je suis dedans. Laisse-moi sortir, c'est ma journée ! Trop tard.

— Pourquoi tu fais ça ? crié-je à personne en particulier.

J'essaie de faire comme Sarah m'a dit, de voir avec ses yeux. Je veux voir ce qui se passe ! Pendant une seconde, je crois entrapercevoir son visage mais l'image se brouille et s'éteint de nouveau.

— Ne lui fais pas de mal ! intimé-je.

Comment comptes-tu m'en empêcher ? nargue-t-elle. Je ne pourrais pas, mais... mais si...si tu leur fais mal, je t'en voudrais jusqu'à la fin de ma vie. Et on est coincé ensemble jusque-là, au cas où tu l'aurais oublié...

Des larmes coulent le long de mes joues quand une tristesse infinie me submerge. Nous sommes coincés ensemble. L'une avec l'autre. Aussi différentes que nous sommes.

— Dis-moi comment tu t'appelles ?

Peut-être que lui parler pourra la détourner de Sarah. Si elle me répond... Je suis capable de faire deux choses en même temps... raille-t-elle.

— Je veux savoir ton nom !

Et tu obtiens toujours ce que tu veux ? Pauvre chérie ça doit être difficile...

Je refuse de répondre à ses railleries et me contente de poursuivre la conversation.

— Nous n'avons pas commencé du bon pied toutes les deux ! clamé-je. Je sais que tu es ma louve.

Je ne suis la louve de personne, crache-t-elle. Personne ne me contrôle.

— Il est clair que tu as les reines de la situation, déclaré-je en désignant l'espace qui m'entoure. Tu contrôles tout !

Tu n'as encore rien vu... J'entraperçois Sarah, qui me fixe alors qu'elle est de retour dans son coin. Indemne. Tu ne lâches rien toi... Tu n'as encore rien vu, raillé-je en reprenant ses propres mots.

— Je t'en prie, dis-moi ton nom !

J'ignore pourquoi je m'accroche à cet infime détail mais j'ai dans l'espoir que ça la rende plus humaine à mes yeux. Je suis une louve pas une humaine, contredit-elle immédiatement. Pourquoi peux-tu lire dans mes pensées alors que je n'ai pas accès aux tiennes ? Pourquoi Aiden pouvait lire dans tes pensées sans que tu ne puisses accéder aux siennes ? riposte-t-elle de mauvaise grâce.

De nouveau, les larmes me montent aux yeux à la mention de mon âme-sœur. L'entendre dans sa bouche, d'un ton si plein de haine me révulse. C'est notre âme-sœur ! Pas tant que le lien n'est pas établi, gronde-t-elle. Alors c'est ça que tu veux ? Le tuer avant qu'il ne se lie à nous ? C'est la seule solution. Dans sa voix, je crois entendre une pointe de peine ou quelque chose qui ressemble à de la culpabilité.

Je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui aurait rejeté son âme-sœur. Tous ont finit par éprouver l'amour que promet le grand lien... Si seulement je l'avais accepté dès le début... Je ne t'aurai pas laisser faire ! C'est toi qui m'as fait repousser Aiden, au tout début. Pas de lien, pas d'attache, crache-t-elle non sans fierté.

— Tu oublies Ewen, indiqué-je peinée. Nous sommes liées à lui.

Je l'avais presque oublié moi-aussi. Un mois. C'est énorme pour lui qui a un si grand besoin d'énergie. Il doit être exténué et attendre sa prochaine recharge avec impatience.

— Tu es sa marraine ! m'exclamé-je en comprenant pourquoi j'ai été lié à lui. C'est à toi de lui donner ton énergie !

Elle pourrait le sauver ! Faire ce que je n'ai jamais réussi à faire toutes ces années, même avec Aiden à mes côtés ! Tu vas le faire hein ? m'inquiété-je soudainement. Oh mon dieu ! m'horrifié-je devant son silence. Ne me dis pas que tu t'en es débarrassé ! Pas de lien, pas d'attache, dicté-je en reprenant ses mots. Je ne ressens Ewen plus nulle part en moi. Tu l'as... tu l'as...?

Je n'arrive pas à le dire tant l'idée m'est horrible. Je revois les images de mon petit ange qui sautille dans mes bras, je le revois m'appeler marraine à sa façon et de nouveau les larmes affluent comme un torrent en moi.

Calme-toi, souffle-t-elle d'une voix tremblante. Je ne lui ai rien fait, rien fait de mal en tout cas. Qu'est-ce que tu as fait, alors ? grondé-je telle une mère qui protège son petit. J'ai fait ce que tu n'as jamais réussi à faire toutes ces années, même pas avec lui, pérore-t-elle en reprenant mes propres mots.

Tu as accompli le lien ? Tu lui as donné toute l'énergie dont il avait besoin ? J'ai fait mon travail de marraine, coupe-t-elle sèchement. J'ai fait ce qu'il fallait pour que je ne sois plus liée à personne.

Le soulagement m'envahit. Elle l'a fait, vraiment. Il est libre de se transformer quand il le désire, de devenir aussi fort qu'il aspire à l'être. Il peut tout faire.

Merci...

Pour la première fois depuis que j'ai appris la nouvelle, je peux dire que je suis heureuse d'avoir une louve. Rien que pour ça. Elle cherche peut-être par tous les moyens à anéantir mon âme-sœur mais grâce à elle, Ewen est de nouveau entier.

— Où tu étais pendant toutes ces années ? soufflé-je pour reprendre la conversation.

Là où tu es actuellement.

Je regarde autour de moi, des arbres à perte de vue. Quelques animaux par ci par là mais rien qui ne dépasse la taille d'un lapin. La forêt à perte de vue, rien d'autre, m'explique-t-elle.

C'est comme Aiden. Key m'avait expliqué que c'était là qu'il se retrouvait. Là que je me retrouve aujourd'hui. Je comprends ce qui attire tant Aiden ici et je comprends ce qui révulse Key. C'est une prison, bien jolie certes, mais une prison tout de même. 

Le Loup de KaylaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant