Chapitre 15

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– Mais arrête de te prendre la tête, meuf !

Je pousse un long soupir tandis que Mathieu, à l'autre bout du fil, continue de me sermonner :

– Profite de ta vie, Axelle ! Si t'as envie de faire quelque chose, alors fais-le ! Si ça se trouve, tu vas mourir demain en regrettant de ne pas t'être donnée à fond, alors arrête de réfléchir. Tu veux sortir avec ce gars ? Fais-le !

– Facile à dire, mais tellement moins à faire !, je rétorque.

Je suis persuadée que, si mon meilleur ami était face à moi, je le verrai se frapper le front du plat de la main, l'air exaspéré. Je peux comprendre sa réaction : cela fait presque une semaine que j'ai demandé à Tom de me laisser le temps de réfléchir à la situation, et je n'ai toujours aucune réponse à lui donner. La seule chose que j'ai pu faire pendant ces six jours, ç'a été de lui proposer qu'on se voie ce soir, mais ça s'arrête là.

– Je te jure, Axelle, si t'étais là, je te secouerai comme un putain de prunier ! Tu me rends chèvre, t'en es consciente ? T'as toujours pas compris que plus t'attends, plus c'est dur de prendre une décision ! Alors ce soir, tu vas porter tes couilles, excuse-moi l'expression, et expliquer clairement à ce gars, là, qu'il te plaît. Et si tu le fais pas, je te bute quand tu redescends sur Marseille, c'est bien compris ?

Je suis partagée entre l'envie de rire face à la menace et celle, plus embêtante, de protester. Bien sûr que Mathieu a raison, je le sais pertinemment. Mais toute cette histoire, ça me fait peur ! J'aime pas le changement, je suis du genre à garder mes petites habitudes, et là, pour le coup, c'est une énorme perturbation dans mon plan de base.

– Que serait ma vie sans toi, je me le demande !, je lance.

– Ta vie serait de la merde si j'étais pas là, tu le sais aussi bien que moi. Si je ne te poussais pas à agir, les trois quarts de tes décisions seraient encore en suspension.

Je ris, bien que ça n'ait rien de foncièrement drôle. C'est plutôt juste, quand on y pense. Si Mathieu ne m'avait pas poussée dans une direction, je n'en serais probablement pas où j'en suis actuellement.

– Content que ça te fasse rire, commente Mathieu.

Bien que je ne puisse pas le voir, j'entends le sourire dans sa voix et je me dis qu'il ne m'en veut peut-être pas tant que ça d'être un boulet, finalement.

– Oh, allez ! En plus, je sais très bien me débrouiller sans toi. Au cas où tu l'aurais oublié, j'ai passé trois ans au lycée sans ta personne pour m'éclairer.

– Ouais, le lycée, raille mon meilleur ami. Dois-je te rappeler comment t'as passé ta première année de fac, avant que je te rejoigne ?

Je soupire mais ne réponds pas. Il marque un point, là. Ma première année de fac, je l'ai assez mal vécue : pas sociable pour un sou, j'ai passé un an toute seule à espérer que quelqu'un viendrait me parler. Ça s'est amélioré en deuxième année, non seulement parce que Mathieu a décroché de sa prépa pour débarquer à la fac, mais aussi car des personnes de ma classe m'ont intégrée à leur groupe dès la rentrée. Tout ça pour que, un an plus tard, j'arrête la fac et me convertisse à la danse, avant de me réintégrer encore une fois en CAP.

Pour quelqu'un dont le chemin était tout tracé depuis l'adolescence, je n'ai pas tout à fait respecté mon premier souhait. Comme quoi, on peut très bien savoir ce qu'on veut faire comme études et se perdre quand même, comme on peut ne pas savoir, se lancer à l'aveuglette et avoir un jour l'illumination. Il n'y a pas de bon ou de mauvais parcours, quand on en vient aux études supérieures.

– Axelle, t'es toujours là ?

Je ris.

– Physiquement, je suis là. Mentalement, je suis dans une galaxie très, très lointaine.

HiddlestonerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant