Chapitre 45

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J'ai terminé. Après des années de travail acharné, après des phases d'inspiration énormes et une bonne centaine de syndromes de la page blanche, après des crises de larmes et d'innombrables fous rires... Je viens enfin de poser le dernier mot à Underwater.

Alors que je tape le point final à l'écran, mon souffle se bloque dans ma poitrine ; une larme unique s'échappe et roule sur ma joue. C'est officiellement la fin, celle d'un projet que j'ai commencé il y a près de sept ans – il y a six ans, dix mois et vingt-huit jours très exactement.

Je me souviens encore de ce soir de l'été 2015, et de tout ce qui a suivi. Mes parents étaient chez des amis, ma sœur et moi avec eux. Il y avait des garçons de notre âge, trois au total, et si au début nous rigolions tous ensemble, bien vite chacun est retourné sur son téléphone.

À cette époque, je venais de commencer la saga Waterfire, de Jennifer Donnelly. Ce soir-là, j'ai terminé la lecture de Deep Blue, le premier tome, et je m'ennuyais carrément. J'ai alors eu l'idée d'une histoire avec des sirènes : c'est de là qu'est né mon roman.

Lorsque j'ai commencé à l'écrire, de ces mots incertains qui étaient les miens quand j'avais à peine seize ans, je n'imaginais pas tout ce qui suivrait. J'étais bien loin du compte, d'ailleurs. C'est drôle comme la vie est épatante !

Avec un soupir tremblant, je vais dans les propriétés de mon fichier pour en extraire les informations. Cinq cent cinquante-neuf pages au total. Cinq mille sept cent quarante-neuf paragraphes. Cent cinquante-quatre mille trois cent soixante-et-onze mots. Plus de huit cent mille caractères. C'est le plus gros projet que j'aie jamais eu, celui que j'ai réussi à porter jusqu'au bout sans l'abandonner en plein milieu.

À présent, ce sont de véritables torrents de larmes qui sortent de mes yeux, tandis que je renifle bruyamment pour essayer de me calmer. À partir de quand ça joue, les hormones de femme enceinte, au fait ?

Arg, voilà que j'ai envie de faire pipi, maintenant. Je sais qu'en début de grossesse, la vessie est comprimée et donc qu'on a envie d'aller aux toilettes plus souvent, mais bon sang ! Ça fait trois jours que je suis au courant, n'y-a-t-il pas un peu de psychologique là-dessous ?

Deux coups frappés contre le battant de la porte me font sursauter. Je me retourne donc vers Tom, dont le sourire s'efface dès qu'il aperçoit mon visage.

– Qu'est-ce qui se passe ?, demande-t-il en se précipitant vers moi.

– Rien de grave, je m'empresse de le rassurer. Tout va bien, ne t'en fais pas. C'est juste que... Je viens de terminer mon roman.

– Oh.

Le sourire que mon fiancé m'adresse est tellement tendre qu'il serait capable de faire fondre n'importe quel glacier, y compris celui qui a causé le naufrage du Titanic.

– Je suis fier de toi, darling, murmure-t-il en se penchant pour embrasser mon front. Tu n'imagines pas à quel point.

Alors qu'il s'écarte un peu de moi, il jette un coup d'oeil à l'écran de l'ordinateur.

– Depuis quand tu travailles dessus ?

– Ça aurait fait sept ans en juillet, je réponds. Évidemment, il va falloir que je fasse les corrections, tout ça, parce que j'ai tellement changé depuis ! Mon style d'écriture est beaucoup plus assuré à présent, il faut que j'harmonise le tout.

Tom hoche la tête avec un nouveau sourire franc.

– Et je suis sûr que tu t'en sortiras à merveille.

– Tu sais que je ne te remercierai jamais assez, n'est-ce pas ?

J'essuie les dernières larmes qui brillent dans mes yeux. À présent, ça va mieux, le choc est passé. Je suis plutôt fière de moi, en réalité.

HiddlestonerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant