Fillette

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— Prince Erik ? Votre mère, au téléphone.

— Merci, Maline.

C'est avec appréhension qu'Erik attrapa le combiné qui surplombait le bureau de la reine. Elle l'avait réveillé en pleine nuit pour l'aviser qu'elle partait rejoindre les secours et qu'il devrait prendre les rênes du royaume jusqu'à son retour. Après tout, il avait été préparé à cela toute sa vie

— Mère ? Vous l'avez retrouvé ?

— Pas encore, mon chéri, mais crois-moi, ils font tout ce qu'ils peuvent. Des hélicoptères ont été déployés dans tout le secteur des recherches. Malheureusement, avec les pluies d'hier, ils ne peuvent pas tracer Wilhelm avec les chiens

— Mais pourquoi c'est si long ? Ce n'est quand même pas la Suède entière qu'ils sont en train de parcourir.

— La forêt est très compacte, avec beaucoup d'endroits possibles pour s'abriter. Je t'assure qu'ils travaillent comme des forcenés pour nous ramener Wille. D'ailleurs, j'aimerais que tu t'occupes de quelque chose pour moi.

— Oui, bien sûr mère. Je vais m'en charger. Qu'avez-vous besoin ?

**********

Wilhelm s'inquiétait beaucoup de l'état de son ami. En fait, après quelques heures, le bouclé s'était finalement réveillé. Il avait toujours de la fièvre, mais il semblait avoir une meilleure mine que ce matin. Les deux jeunes hommes avaient passé les heures suivantes à parler un peu de leur famille respective. Que pouvait-il faire d'autre à part cela ? Bon, la conversation n'était pas des plus agréables étant donné que chacun devait se battre avec sa propre douleur, mais cela leur fit du bien de ne pas se prendre la tête avec ce qui risquait de leur arriver si personne ne les retrouvait.

— Sara est une casse-couilles avait lâché le métis, sans prévenir. Elle crois que, parce que je suis gay, je vais me mettre à lui voler ses baumes à lèvre. Est-ce que j'ai l'air du gars qui porterait du maquillage pour se taper un mec ?

— ...

Le silence révélateur de Wilhelm l'avait fait douté. Quoi ? Avait-il l'air aussi peu virile ? Certes, il était quand même petit et ses bras devaient encore prendre du volume pour enfin pouvoir intégrer l'équipe d'aviron, mais le reste... Il remonta son t-shirt et révéla à son compagnon des abdominaux parfaitement sculptés.

— Tu crois que j'ai l'air d'une fillette, demanda le jeune homme en pointant ses superbes muscles ventraux.

— Pas du tout, finit par répondre le prince. C'est bien pour ça que tu m'attires. Mais je dois avouer que j'ai eu une magnifique vision de toi avec un léger baume et un trait de khôl à tes yeux. J'en ai oublié de respirer, continua-t-il, le rouge lui montant aux joues.

Simon réfléchit longuement à ce que le blond lui avait répondu. Il y réfléchit si longtemps que Wilhelm se mit à se frapper intérieurement. Que venait-il de dire là ? Son ami ne l'avait pas bien pris. C'était certain. Soudain, le métis répondit avec son petit sourire en coin.

— Mouais ! C'est clair que, si nous survivons, je vais penser à me maquiller. Comme ça, tu pourras baver sur moi et tu n'auras plus le goût de te coltiner ton cousin de malheur.

— Tu sais que j'ai vraiment eu peur que tu sois fâché contre moi ? répondit le prince en se détendant. J'étais certain que tu ne voudrais plus jamais m'adresser la parole.

— Mais ce n'est pas du tout ce que je veux. Je préfère quand tu te décides à m'embrasser. D'ailleurs, il me semble que tu es bien loin de moi, en ce moment.

Le bouclé tenta de se lever, mais il eut un étourdissement. Il releva sa main qu'il passa dans ses cheveux, mais Wilhelm fut attiré par la couleur violette qui s'était étendue à d'autres de ses blessures.

— N'essaie pas de te lever. Je t'apporter un peu d'eau.

— T'aurais pas plutôt un milk-shake ou du chocolat ? Ça serait tellement bon, rêvassa-t-il en soupirant.

— Tu l'as dit toi-même, hier. On n'a rien du tout. Je suis désolé, Simon.

— Si on ne mange pas quelque chose, on va finir par perdre toute notre énergie.

— Tu crois que je n'y ai pas pensé ? Comment veux-tu qu'on fasse ? Tu fais ta « fillette » toutes les cinq minutes en tournant de l'œil sous le charme du prince, rigola-t-il. Et... Et moi, je suis supposé chasser l'ours avec une seule main alors que j'ai toujours eu quelqu'un pour chasser, à ma place, les moustiques de mon espace personnel. Pour appuyer ses dire, il se tapa dans le cou pour tuer l'une de ces bestioles.

Cette fois encore, un long silence s'invita entre eux. Les deux jeunes hommes se regardèrent longuement, puis, après ce qui sembla une éternité, ils éclatèrent de rire à l'unisson. Bon, c'était peut-être bête comme réaction, mais avec toutes les difficultés qu'ils avaient vécues au cours des derniers jours, il semblait que c'était plutôt efficace pour faire sortir le stress.

Le duo se rapprocha afin que Simon puisse poser sa tête sur les jambes du prince. Ce dernier passa sa main valide dans les cheveux du bouclé. Il restait encore quelques heures avant la tombée de la deuxième nuit. Il fallait espérer que les secours arriveraient bientôt. Depuis le début de la journée qu'ils entendaient les hélicoptères passer au-dessus d'eux, sans les voir. Évidemment qu'ils ne les voyaient pas. Eux-mêmes ne les apercevaient pas sous le feuillage dense.

Wilhelm préféra reporter son attention sur son compagnon qui s'était assoupi. Touchant, pour la énième fois de la journée, le front brulant du métis, le prince se dit qu'il devait absolument trouver une solution à leur manque de nourriture. Avec la fièvre qu'il avait, Simon devait se constituer de l'énergie. Il avait tellement l'air blême, lui qui portait un hâle doré à longueur d'année.

Que pouvait-il faire de plus ? Ils étaient au milieu de nulle part, torturés par les insectes. Ceux-ci ne laissaient pas leur territoire être envahi sans au moins réclamer un présent en retour; une parcelle de leur sang.

Un déclic se fit enfin dans la tête du blond. Mais oui ! Pourquoi ne pas y avoir pensé avant ? Il fallait dire que ce n'était pas l'idée la plus agréable, mais avaient-ils vraiment un autre choix, après tout ce temps à attendre ?

C'était décidé ! Simon devait s'alimenter et il avait exactement trouvé de quoi ce serait.

OB RoyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant