OB Royal

Que voyez-vous?

Wilhelm et Simon se tenaient la main. Ils étaient fébriles à la suite des révélations qu'avait fait Suzie. La solution était là, sous leur nez, mais ils n'en avaient pas conscience. Chacun des deux hommes étaient restés sans voix au fur et à mesure qu'elle exposait son plan. À la fin, elle avait démontré le tout de façon assez révélatrice. Le couple s'était regardé quelques secondes sans dire un mot et ils avaient ensuite approuvé, se demandant jusqu'à quel point cela serait efficace.

Ce soir-là, la jeune femme fit une première apparition en publique depuis qu'on avait révélé sa relation passée avec, feu, le prince Erik.

— Alors, dites-nous mademoiselle ? Nous savons déjà que vous étiez la flamme de notre bien-aimé prince Erik et que vous êtes la mère de notre futur roi. Que pouvez-vous nous révéler de si exceptionnel pour demander une diffusion sur notre réseau ? À moins d'avoir eu des jumeaux, nous sommes un peu sceptiques sur votre venue en studio.

— Je voulais faire cesser les commentaires désobligeants concernant le prince Wilhelm et le chanteur Simon. Plusieurs ont dénigré cette relation, mentionnant que ce n'était qu'un feu de broussaille, qu'ils ne s'aimaient pas réellement et que Simon quitterait le prince à la première occasion.

— Je suis bien obligé de vous avouer que tout ceci est peu crédible, en effet. À peine se sont-ils rencontrés, après le spectacle du chanteur, qu'ils se mettraient en couple et que le prince laisserait tomber une merveilleuse femme comme Félice. Nous sommes tous absolument certains que cela se terminera par leur séparation.

— Voilà où je voulais en venir, continua l'infirmière. J'aimerais simplement rappeler que nos deux tourtereaux n'étaient pas des inconnus et qu'ils se connaissent depuis six ans déjà.

— Oui, nous savons qu'ils ont été au même établissement scolaire, mais Simon n'y a été qu'une seule session.

— Tout à fait exacte, mais à l'époque, on a longuement parlé de leur disparitions à tous les deux. Souvenez-vous de ces deux jours d'attente interminables où l'on recherchait le prince. Il se trouvait avec Simon. Son nom était passé inaperçu, comparé à Wilhelm, mais c'est bien Simon qui a sauvé Wilhelm d'une mort certaine. Il ne l'a jamais abandonné, même quand il souffrait lui-même atrocement, il a fait tout ce qu'il fallait pour le sauver. J'aimerais qu'on revoit ensemble ces deux journées et comment tout cela s'est terminé.

La caméra diffusa les recherches de l'époque, les pauvres secouristes qui tentaient tout, la reine qui était supportée par son mari, le prince Erik qui donnait des nouvelles aux peuple dès que possible et, à la fin, on voyait Simon qui était secouru hurlant pour savoir si Wilhelm allait bien. Il criait pour ne pas le quitter et l'accompagner alors qu'on voyait très bien qu'il était aussi souffrant que le prince.

— Vous voyez qu'ils se connaissent depuis six ans et que Simon ne voulait pas abandonner le prince, à aucun prix.

Le chanteur venait de revivre son plus grand cauchemar; celui où il ne savait pas si Wilhelm allait bien ou pas. Il passa son bras sous celui du blond et cala sa tête dans son cou.

— C'était le pire moment de ma vie, souffla le brun en serrant le bras de son amant.

Wilhelm le réconforta en l'attirant un peu plus près de lui. Ils continuèrent d'écouter le commentateur.

— Vraiment, très chère, nous pouvons aisément comprendre que Simon était en état de choc, mais de là à dire qu'ils s'aimaient, vous exagérez un peu.

— Je m'attendais à ce genre de réplique. C'est pourquoi, j'ai préparé quelque chose qui vous fera certainement changer d'avis. Si vous voulez bien, j'aimerais que vous observiez leurs visages et plus attentivement leur position. Il y aura quelques reprises. Vous aurez donc tout le loisir de vérifier.

Le couple d'amoureux s'était raidi devant le téléviseur. Il fallait que cela fonctionne, sinon, ce serait un vrai désastre. Les gens devaient absolument comprendre leur relation avant de les juger comme ils le faisaient.

La caméra changea de vision et on se retrouva dans une chambre gigantesque où on pouvait voir de loin, un couple enlacé. Le focus n'était pas parfait, mais ce qu'on découvrit fut un Wilhelm à l'aspect d'adolescent qui dormait, avec des traits complètement détendus, sur le torse de Simon. Malgré son plâtre au bras, il avait manœuvré pour tenir la main valide de Simon qui avait lui aussi l'air d'un adolescent avec un sourire aux lèvres. La date affichée, dans le coin droit, remontait à six ans en arrière. Comme l'avait indiqué Suzie, la courte vidéo fut repassée à deux autres reprises.

— Alors, monsieur, si vous ne connaissiez pas les gens dans ce lit, que diriez-vous ? Seriez-vous porté à prétendre qu'ils ne s'aiment pas ou, au contraire, y voyez-vous plutôt un couple amoureux et heureux de s'être retrouvé en vie après une épreuve difficile ? Car, c'est ce que c'est, un couple amoureux qui vient de passer à un cheveux de la mort.

— Il est certain qu'ils semblent heureux de s'être retrouvés, mais que dites-vous à ceux qui pensent simplement que le prince et Simon se sont quand même perdus de vue pendant des années ?

— Je sais que Simon a changé d'école pour ne pas souffrir d'avantage car le prince a accompli le devoir que sa position lui infligeait, d'épouser une femme pour la descendance. Tout ça, parce qu'il savait que la loi qu'Erik, mon fiancé, avait tenté de mettre en place, était tombée en même temps que sa mort. Il a fait ce qu'on exigeait de lui, comme tout bon prince l'aurait fait à sa place. Il n'a pas supplié. Il a simplement fait son devoir qu'on lui aurait demandé d'accomplir un jour. Car n'est-ce pas ce que la loi exigeait de lui, d'épouser une femme ?

— Hem.., oui certainement, mais pourquoi être revenu en arrière, en recommençant à voir Simon ?

— Mais c'est que vous ne comprenez rien a l'amour, mon cher monsieur. Le prince a toujours été amoureux de Simon et je vous garantie qu'il en est aussi vrai pour Simon. Sachant que ce ne serait pas suffisant à vos yeux, j'ai récemment rejoint Wilhelm et Simon en Amérique du Sud, suite à une attaque haineuse contre le chanteur. On a dit que Wilhelm serait bien mieux auprès de sa femme. Vous vous imaginez, de voir l'amour de votre vie s'effondrer au sol, inconscient parce qu'on l'a agressé ? Pour ma part, bien que je le savais déjà, j'ai eu cette révélation qu'ils étaient unis pour la vie. Si vous le voulez-bien, j'aurais une dernière petite vidéo à vous montrer. Comme la dernière fois, observez bien leurs visages ainsi que leurs positions.

On revint à une vidéo amateur filmée, cette fois, dans une chambre d'hôpital. Un simple lit garnissait la pièce ou le prince et le métis dormaient exactement dans la même position que sur l'autre vidéo. Le prince reposait littéralement sur le torse du brun et leurs mains s'étaient enlacées naturellement. Leurs visages détenaient cette même expression qu'il y a six ans, soit détendu pour Wilhelm et un léger sourire pour Simon.

Après la dernière reprise, on vit apparaître le sourire conquérant de l'infirmière.

— Cette dernière vidéo à été prise par moi-même, il y a deux jours, au lendemain de l'attaque sur Simon. Qu'avez-vous remarqué en évaluant chacune des vidéos ?

— ...

— Oh je vois qu'il est difficile d'admettre vos torts. Alors, laissez-moi vous dire ce qu'on y voit. On y voit deux hommes qui feraient tout pour l'autre. On y voit deux hommes qui s'aiment depuis six ans. On y voit la vérité que vous avez refusée d'assumer. On ne voit pas un prince et un homme. On y voit deux hommes qui s'aiment, qu'ils soient dans une luxueuse chambre d'un palais ou dans un hôpital miteux. On y voit que, malgré toute la bonne volonté, l'amour a pris le dessus et qu'il n'y a rien de plus important que de savoir que l'être aimé est en sécurité. Donc, je vous le redemande. Que voyez-vous sur ces vidéos ?

— Vous m'avez convaincu dès la première vidéo, mais je vais vous le dire mademoiselle. J'y vois l'amour ! Et vous, mes chers téléspectateurs, qu'y avez-vous vu ? Croyez-vous que le prince Wilhelm mérite de vivre une vie heureuse avec son compagnon ? Nous vous quittons maintenant pour une courte pause et vous revenons avec la météo, dans un instant.