OB Royal

Lois

Cela prit encore deux jours avant qu'on autorise Wilhelm à sortir de sa chambre. Évidemment, il ne se laissait pas faire et dès que les gens avaient le dos tourné, il se rendait auprès de Simon.

Linda et Sara étaient retournées à Bjärstad afin de continuer à travailler et à étudier. La reine avait assuré Linda que, dès que les garçons seraient remis, qu'elle les renverrait immédiatement à l'internat d'Hillerska.

Ce soir était leur dernier repas au palais. Après cela, le chauffeur les ramènerait. Simon était invité à manger en compagnie de la famille royale qui était beaucoup moins coincée qu'il ne l'avait cru. Combien de fois avait-il cassé les oreilles de Sara sur la nullité d' avoir encore des monarques pour gérer le pays ? Il s'était instinctivement assis tout près de Wilhelm et se retrouvait à faire face à Erik. La conversation était agréable. Il fallait croire que la famille préférait ne pas discuter des affaires du pays en dehors des heures de travail.

— Dis-moi Erik, demanda la reine Kristina. Est-ce que tu compte choisir une épouse bientôt ?

— J'ai bien quelqu'un en vue, mais je ne crois pas que vous apprécieriez, répondit-il simplement, la gorge nouée par la crainte.

Le prince héritier n'avait pas levé la tête de son assiette, malgré toute sa famille qui était maintenant très attentive à ce qu'il allait dire.

— Enfin, Erik ! Parle bon sang !

La reine avait reposé sa fourchette avec un certain agacement. Le prince consort fit de grands yeux à sa femme et prit la parole.

— Ta mère est seulement curieuse. Quand tu nous fais une telle déclaration, il faut t'attendre à ce que nous soyons quand même intéressés de connaître la femme qui a bien pu captiver autant notre fils. Tu n'as jamais voulu connaître les jeunes femmes que les lords te présentaient. Nous en étions venus à la conclusion que tu étais peut-être gay, termina le père avec une pointe d'ironie dans la voix.

À ce moment, Wilhelm s'étouffa avec son verre qu'il avait porté à ses lèvres, crachotant sont eau sous les regards rieurs de Simon et Erik. Simon lui tapota le dos en signe d'encouragement. Ce fut le moment que choisit Erik pour continuer.

— Je ne suis pas gay, si c'est ce qui vous fait peur. Qu'est-ce que ça ferait si c'était le cas ? Aimer qui on veut, c'est bien ce que tu as fait, toi, maman ?

— Il n'était pas un lord, mais sa famille avait une très belle réputation, rouspéta-t-elle. D'ailleurs, si tu n'es pas homosexuel, je ne vois pas l'interêt de continuer cette conversation inutilement.

Erik regarda son frère avec un regard d'excuse. Il avait tenté de voir ce que penseraient ses parents s'ils apprenaient pour l'orientation sexuelle du prince cadet. Évidemment, la reine, habituée à délibérer avec un tas de gens, savait comment éliminer rapidement les situations non pertinentes.

— Tu as probablement raison.

— Qui est cette femme, Erik ? Tu nous as assez fait patienter.

— Maman, tenta Wilhelm pour aider son frère qui semblait très mal à l'aise.

— Ça va Wille ! Maman a raison. Je vais bien devoir vous le dire un jour, conclut-il en le remerciant de son intervention.

— Tout à fait, confirma la reine. Tu a vingt-trois ans. J'étais déjà mariée, à ton âge.

Erik dodelina un peu de la tête, ayant entendu ce refrain un nombre incalculable de fois. Pourquoi était-ce donc si urgent ? Kristina lui demandait au moins une fois par semaine s'il avait trouvé une fiancée. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que cela faisait des mois qu'il était en couple avec une femme, mais comme il l'avait si bien dit, il savait qu'on ne l'appuierait pas.

— J'ai trouvé l'amour, mère.

— On avait compris, Erik. Dis-nous plutôt qui c'est !

— Hé bien, vous la connaissez tous très bien.

— Bravo, tu as certainement bien choisi, dans ce cas.

— Vous la connaissez bien, mais elle n'est pas d'une famille riche. Elle n'a pas non plus de sang noble. C'est... Suzie.

— Suzie ? Mais qui est-ce, s'exclama la reine encore plus frustrée qu'avant. Mais vous allez me dire qui c'est ? clama-t-elle à nouveau en voyant tous les gens autour de la table avec un air aussi surpris.

Leurs visages révélaient à Kristina que chacun savait exactement qui était cette Suzie, même Simon semblait la connaître.

— Chérie, Suzie est l'infirmière du palais. C'est elle qui s'est occupée de Wille et Simon, répondit avec calme le père des princes.

— Oh !

— Mère ?

— Je réfléchis, Erik !

Ne voulant pas se la mettre à dos, l'aîné se tut afin de laisser du temps à sa mère pour assimiler la nouvelle.

— Erik ! Tu connais le parlement presqu'aussi bien que moi. Ils n'autoriseront jamais une telle union, s'exprima-t-elle avec compassion.

— Je ne laisserai jamais Suzie ! Si je ne suis pas autorisé à l'épouser, je n'accepterai pas ta succession. Je préfère vivre pauvrement avec elle que richement sans elle.

Il se leva avec toute la dignité dont il était capable, posant une main sur la table. Il prit son temps pour s'assurer qu'il était bien écouté.

— Je vais étudier nos lois actuelles et j'aimerais vraiment que tu me soutiennes afin de faire modifier celles m'empêchant d'être avec Suzie.

— On en reparlera lundi. Je te promets de tout faire pour te permettre d'avoir une vie heureuse. J'ai eu la chance de rencontrer ton père et s'il n'avait pas été de notre milieu, j'en serais morte de chagrin.

— Merci mère ! Maintenant, si vous le permettez, je vais la rejoindre.

L'aîné traversa la large salle à manger et, pendant que les parents le regardaient disparaître à l'autre bout de la pièce, Simon enlaça sa main à celle de Wilhelm. Il lui faisait savoir qu'il y avait de l'espoir pour leur relation. Erik avait fait la moitié du chemin en voulant épouser une simple femme du peuple. Bien sûr que Wilhelm ne comptait pas épouser Simon, ils n'avaient tout de même que dix-sept ans, mais Simon n'était pas plus riche que Suzie.

La seconde partie, être en couple avec un homme, serait probablement plus difficile à faire accepter au parlement. Connaissant son frère, Wilhelm pouvait quasiment jurer qu'il tenterait de modifier la loi pour lui aussi. Il s'embarquait dans une quête quasi impossible pour faire changer les lois archaïques de leur pays. Il savait qu'il essaierait. Il avait confiance en lui et ne le laisserait jamais tomber.