Lettre

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— Alors dis moi, August. Depuis quand tu parles à un psy ? demanda Wilhelm.

— Ça fait quelques années que j'ai débuté. En fait, c'est quand Érika a couru vers moi, la première fois, et qu'elle m'a entouré le cou. J'ai eu un pincement au cœur en me disant que ça aurait pu être moi qui l'élève avec Félice.

— Et tu en a retenu quoi ?

— Qu'il fallait que je parle à quelqu'un de la mort de mon père.

— Je n'ai jamais compris ce qui a pu te passer par la tête. Quand oncle Charles est décédé, tu as complètement changé.

— Tu veux tout savoir ? demanda le cousin en se vidant un verre. Je crois que tu as le droit, après ce que tu as fait pour la vie de ta fille.

Il remplit, du même coup, celui de Wilhelm et sembla penser longuement par où débuter son histoire.

— Père a laissé une lettre d'adieu à son décès. Nous avons toujours dit qu'il n'y en avait pas, mais c'est parce que ce qu'il y avait à l'intérieur était beaucoup trop lourd, pour mère et moi.

— Je ne veux pas te forcer à en parler. Ton psychologue est là pour t'aider.

— Justement, cela fait partie de ma thérapie. Il faut que je réussisse à extérioriser tout ça avec ceux en qui j'ai confiance et ensuite ce sera plus facile pour les autres.

— Je te laisse décider, August. Tu sais que tu peux me faire confiance.

— Je sais. C'est bien pourquoi je t'en parle aujourd'hui.

Le jeune lord vida son verre et Wilhelm en fit autant. Cela promettait définitivement d'être une soirée difficile pour les deux cousins.

— Alors j'y vais. Dans sa lettre, il disait qu'il s'était marié par obligation avec mère. Il ne l'aurait jamais aimé.

— Et alors ? J'ai bien passé par là. Je ne suis pas sur le point de me suicider. Je n'aime pas Félice et on sait tous les deux qu'Érika n'est pas ma fille.

— Il avait une maîtresse... et il disait qu'elle était toute sa vie. Au début, il a tout supporté, mais à force de vouloir être avec elle, il s'est mis à boire plus que nécessaire. Elle n'aimait pas qu'il reste avec nous, alors pour la garder, il lui a acheté tout ce qu'elle voulait sans compter, jusqu'à épuiser sa fortune et presque toute celle de mère.

— Je vois... mais je ne comprends toujours pas ce qui t'a rendu si horrible avec Simon et Sara.

— Cette femme, elle était encore moins riche qu'eux, Wilhelm. Elle a détruit ma famille. Elle a fini par détruire mon père, par vider notre fortune et surtout, elle l'a quitté quand il n'a plus rien eu à lui offrir que son amour.

— Mais nos amis n'étaient pas comme ça, voyons.

— Tu en es certain, cousin ? Sara est maintenant infirmière au palais. Elle a profité de votre amitié pour obtenir ce qu'elle voulait.

— Elle est notre amie. C'était normal, pour nous, de l'aider. Elle travaille pour nous. On ne la paie pas à rien faire.

— Tu pourrais dire la même chose pour Simon ?

— Qu'est-ce que tu entends par là ? Ça fais six ans que je ne l'ai pas revu.

— Pourtant, c'est toi qui a mentionné son nom, il n'y a pas cinq minutes. Il ne te lâchait pas d'une semelle. Tu sais que le jour de ton mariage, il m'a dit que je vous avais séparés et que tu serais toujours avec lui ?

Wilhelm se raidit aussitôt, se demandant où August voulait en venir. Savait-il tout ? Afin de garder son sang froid, il vida le restant de la bouteille dans leurs deux verres.

— Ne fais pas cette tête. C'est ce jour-là que je me suis mis à douter. Il semblait tellement malheureux. En fait, il l'était encore plus que moi; ce que je croyais impossible. J'ai compris bien des choses à ce moment-là. Si Félice n'aurait pas été enceinte, tu ne l'aurais pas épousée. Tu ne l'aimais pas. Tu le faisais pour la famille, au dépend de ton amour pour lui. Tu as fait exactement la même chose que mon père. Tu l'a épouséé par obligation, sinon notre lignée s'arrêtait là.

— Erik l'aurait fait aussi, tu sais.

— Il n'était pas amoureux.

— Il l'était, August.

— Pourquoi alors, on n'a pas vu cette femme à son enterrement ?

— Ce n'était pas une héritière. Elle était ordinaire. Il était amoureux d'une femme que tu aurais détestée puisque tu détestais tous ses semblables.

August serra son verre, mais ne répondit pas tout de suite. Il ne pouvait pas croire que tout se répétait. Cela lui prit du temps avant de continuer à parler. Wilhelm eut même le temps de terminer son dernier verre.

— Tu as raison. Il aurait épousé Félice. Tu crois qu'il l'aurait regretté ?

— Je n'ai aucun doute, mais comme moi, il l'aurait accepté parce que c'était la bonne chose à faire.

— Je suis désolé, Wille. C'est pas ce que je voulais. Tu as souffert par ma faute parce que je détestais ce que la maîtresse de mon père lui avait fait. Il ne faut pas être un génie pour comprendre que Simon t'aimait comme un dingue. Tu as tellement changé, toi aussi. Je ne veux pas te perdre comme mon père. Tu te renfermes un peu plus chaque jour et je sais parfaitement que c'est à cause de ma haine contre cette femme.

— Tu ne peux plus rien faire contre ça. Il m'a complètement oublié, répondit le blond en lui lançant les magazines. Regarde-le bien. A-t-il l'air de quelqu'un qui se morfond d'amour pour moi ? Il y a longtemps que j'ai perdu l'espoir de le revoir un jour.

August vit le malheur s'abattre sur le visage de son cousin qui ne put retenir ses larmes d'avantage. Cela lui fendit un peu plus le cœur. Quand, le mal cesserait-il ? Il ne voulait pas perdre son cousin, à aucun prix. Il prit son verre et regarda plus attentivement les photos de Simon. Il était vrai qu'il semblait plutôt indifférent au sort du prince. Par contre, il savait aussi qu'il avait lui-même tenté de faire souffrir Félice en se jetant, devant elle, dans les bras de toutes les filles disponibles afin de la faire réagir. Son manège n'avait indéniablement pas fonctionné. Est-ce que Simon était dans le même état ? Il tentait de faire de la vie de Wilhelm un enfer afin de le pousser à comprendre que ce dernier avait fait une erreur monumentale.

August crispa un peu plus sa main sur son verre en voyant, exactement, le même modus operandi que lui-même avait exécuté, il y a six ans. Il se devait d'intervenir. Jetant un œil vers Wilhelm, il y vit un véritable cri du cœur dans les yeux défaits de son cousin. Cela finit de le convaincre. Il se crispa un peu plus et, sans le vouloir, son verre éclata dans sa main à force de s'en vouloir autant.

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