OB Royal

Défi

Wilhelm ne voulait pas paraître trop enthousiaste. Il prit la main du bouclé avec hésitation. Il fallait rester maître de soi pour ne pas lui révéler le trouble qu'il lui faisait. Depuis des jours que le prince tentait de l'aborder en classe, mais sa sœur Sara ne le laissait jamais seul. C'était étonnant qu'il ait réussi à s'esquiver avant qu'elle ne le prenne comme coéquipier. Il la chercha du regard et constata que Félice, la copine d'August, se dirigeait déjà vers la forêt avec Sara. Si son cousin voyait cela, Félice en compagnie d'une boursière, il le prendrait très mal.

Entendant Simon lui demander de son air concerné si tout allait bien, le prince se reprit et lui serra enfin la main avec vigueur.

— Oui, oui, j'étais perdu dans mes pensées.

— Je me demande bien ce qu'un joli prince blond comme toi peut bien avoir de si important à cogiter, alors qu'on est libre pour la journée.

— C'est rien. Je m'inquiète pour un rien, répondit-il de son air énigmatique.

— Ok, alors on y va ? J'ai peur de ne pas avoir assez de temps. Les profs sont remontés à bloc aujourd'hui. Ils croient qu'on va passer la journée à s'embrasser ou quoi ?

Le blond le regarda, estomaqué. Il n'avait pas l'habitude d'une telle familiarité. Haussant un sourcil en rougissant légèrement, il finit par éclater de rire. August, qui l'entendit, se rapprocha et lui glissa quelques mots à l'oreille.

— Fais attention, cousin. Il va t'apporter des ennuis.

Will le regarda en souriant, puis il hocha la tête avant de partir en compagnie du bouclé.

— August est un vrai aristocrate. Il ne pense qu'à lui. Depuis que j'ai refusé de lui livrer de la boisson en douce, il essaie de me mettre à dos l'école entière.

— N'oublie pas que je suis aussi un aristocrate.

— Oui, mais t'es moins con. Tu laisses le monde vivre sa vie.

— Content d'être moins con que lui, répondit le prince. Je n'aurais pas aimé le contraire. Il me rend dingue, parfois.

C'est sur une autre rigolade que les deux élèves entrèrent dans la forêt. Beaucoup de gens se bousculaient afin de trouver, le plus rapidement possibles, tous les spécimens demandés. Wilhelm proposa d'aller plus en profondeur pour éviter la cacophonie. Simon le suivit sans s'interposer. Il se dit que le prince avait probablement besoin d'espace, sachant qu'August lui collait toujours aux basques et qu'il ne cessait jamais de jacasser.

Quand les coéquipiers finirent par ne plus voir ni entendre personne, ils commencèrent leurs recherches de tous les insectes.

— T'as vu ? J'ai trouvé des cynips, s'encouragea Simon en les montrant à Will. Il paraît que ça se mange.

— Il va falloir que je sois à bout de ressources pour me soumettre à un tel repas. Dépêche-toi de les mettre dans leur bocal.

— Sa majesté aurait-elle peur de toutes petites bestioles ?

— Pas du tout! Toi tu as retenu que ça se mangeait, mais moi, je me souviens que ça pique et, qu'en plus, ça peut entraîner des galles.

— Dégeux ! T'aurais pas pu le dire plus tôt ?

— Je me suis dit que tu devais savoir. C'était dans notre devoir d'avant-hier, conclut le prince en regardant Simon se dépêcher de les faire tomber dans le bocal.

— MERDE ! La dernière m'a piqué ! Tu parles d'une belle journée. C'est notre premier échantillon et je suis déjà blessé.

— Le pauvre petit garçon, il a besoin d'un bisou pour faire passer la douleur, rigola le blond en prenant la main de Simon.

Il allait le faire, pour le taquiner, mais Simon le repoussa brusquement. La peur se lisait dans ses yeux.

— Quoi ? T'as peur de moi, interrogea Will.

— Finalement, t'es aussi con que ton cousin. Si je peux avoir une galle, je ne veux pas que ta bouche soit infectée.

— Ravi de savoir que tu apprécie à ce point mon humour, grogna le blond. Je vais aller plus loin pour ne pas que tu me contamine, répondit-il en replaçant son sac à dos.

Sans rien dire de plus, il partit à grandes enjambées vers le coin le plus obscur de la forêt.

— Wilhelm ! Tu commences à être casse-pieds, là. Je ne voulais pas t'offenser !

— Bah tu l'as fait ! Je vais trouver mes échantillons tout seul.

— Attends ! Tu peux pas rester tout seul, hurla Simon alors qu'il le voyait disparaître derrière une région vraiment touffue.

Marmonnant quelques sombres pensées, le bouclé commença à marcher jusqu'aux arbres où avait disparu le prince. Arrivé à destination, il constata que son compagnon avait déjà mis une longue distance entre eux. Accélérant le pas, il finit par courir afin de le rejoindre.

Voyant qu'il était suivi, Will se décida à courir aussi, essayant tant bien que mal de le distancer à nouveau. Il jeta à quelques reprises des regards vers l'arrière et vit que Simon le rattrapait peu à peu.

— Tu es encore plus collant qu'August, finit-il par s'écrier en retenant un rire.

— Un vrai pot de miel, répliqua le brun avec un sourire.

— Tu vois la roche là bas ? Le premier qui y arrive doit s'occuper de récolter les échantillons d'insectes alors que l'autre se fera dorer sur la pierre.

— Marché conclu ! Je vais gagner !

— C'est ce qu'on verra, rigola le prince en repartant de plus belle, prêt à gagner son pari.

Les deux élèves s'investirent bientôt comme si leur vie en dépendait. Quelques rires, ici et là, leurs échappèrent. La roche était beaucoup plus loin que ce qu'ils croyaient. Peu à peu, ils distinguèrent plutôt une grande surface rocheuse qui semblait de plus en plus immense. Prenant toute l'énergie qui leurs restait, les deux amis foncèrent désespérément vers leur but ultime.

Wilhelm arriva le premier à quelques centimètres devant Simon qui était légèrement plus petit. Ce qu'il vit, en arrivant, le fit stopper radicalement. Sous ses pieds, se tenait une falaise de plusieurs dizaines de mètres. Simon, qui se tenait derrière, ne vit pas immédiatement le danger et lui rentra dedans. Le prince tendit les bras de chaque côté pour garder son équilibre, mais glissa sur la mousse humide qui se trouvait sur la pierre. Son cœur le lâcha quand il se sentit partir vers l'avant.

— SIMON !

Trop tard ! Il avait perdu pied. En glissant, sa tête percuta la pierre, le blessant gravement. Malgré tout, ses bras réussirent quand même à le retenir de dévaler trop vite. Des branches, des racines et des pierres affûtées le percutaient pendant sa chute vertigineuse. Simon, impuissant, ne put qu'assister avec horreur aux bruits sinistres que le prince faisait pendant sa descente infernale.