La nuit tombe

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Deux petites allumettes; c'était tout ce que Linda avait coincées dans le minuscule sac de survie de son fils. Évidemment, elle ne s'attendait pas réellement à ce qu'il soit en danger. Tout cela n'était que pour soulager sa conscience. En étant une mère monoparentale, elle ne laissait jamais rien au hasard pour ses enfants. Son mari n'avait été qu'un bon à rien qui trouvait toujours un moyen pour les rendre plus malheureux. Elle habitait maintenant seule avec ses enfants et s'assurait de leur bien être, quel qu'il soit.

Il fallait l'avouer, deux allumettes, c'était quand même mieux que rien du tout. Simon en prit une entre ses doigts puis regarda le prince. Oui! Il avait besoin de cette chaleur. Il fallait que ça fonctionne. Il avait bien essayé de prendre les bouts de bois les plus secs, mais il savait que ce serait un exploit s'il parvenait à tirer une simple étincelle. Le métis avait aussi tassé quelques feuilles mortes, mais la pluie les avait humidifiées. Au moins, le vent était arrêté par l'abri de fortune; il serait certain que l'allumette resterait allumée jusqu'au dernier moment.

Le bouclé s'agenouilla et s'accouda par terre pour se rapprocher du petit amas de brindilles. Il pria intérieurement et frotta l'allumette une première fois. Rien ne se produisit. Il regarda le bout sulfureux et soupira fortement. Le premier côté était déjà inutilisable. Simon tourna l'allumette et frotta l'autre côté. Au troisième coup, il vit une flamme apparaître. Aussitôt, il la passa tout près de la feuille la plus sèche qu'il avait.

— Allez ! Brûle !

— Ça fait combien de temps que je dors ?

Les paroles du prince l'avaient fait sursauté, ce qui lui fit perdre son allumette qui s'éteignit aussitôt.

— Merde !

— Désolé ! Je ne voulais pas te faire peur. Tu peux me dire ce que tu fais ?

Wilhelm s'était réveillé avec une vue plutôt inhabituelle. Il avait le derrière de Simon en plein dans son champ de vision. Bon, il était plein de terre, mais cela lui rappelait quand même ce qu'il avait put apprécier dans le bus, ce matin. En fait, étions-nous bien encore le même jour ? C'est à ce moment là qu'il avait posé la question qui avait surpris Simon.

— J'essayais de faire un feu, grogna le bouclé en s'asseyant sur ses pieds tout en lui présentant le cercle qu'il avait creusé, rempli d'écorces et de feuilles.

— Tu dois défaire l'écorce en bâtonnets et, surtout, tu n'utilises pas ces feuilles, répondit-il en les pointant.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

— Erik, mon frère, m'emmène souvent en forêt avec lui. On ne fait que parler, mais il m'a appris un tas de trucs.

— C'est aussi bien d'être vrai, parce que je n'ai plus qu'une seule allumette, répondit le bouclé en s'occupant d'émietter l'écorce.

— Ça fait longtemps que tu essaies ?

— Non ! Je viens de commencer. Je n'en avais que deux.

— Bon alors, qu'est-ce que t'attends ? Il faudra bien le faire à un moment ou à un autre.

— Oui, tu as raison. J'y vais, souffla le métis.

Il s'accouda à nouveau et se décida à frotter l'allumette après s'être dit qu'il n'avait pas le droit à l'erreur. Elle s'enflamma instantanément et il l'amena près du paillis d'écorces. « Vas-y ! Enflamme-toi ! », se disait-il à lui-même. Soudain, il vit de la fumée et, quelques secondes plus tard, une minuscule flamme qui dansait sur l'écorce. Il était tellement heureux qu'il en oublia l'allumette qui finit par lui brûler les doigts.

— Ouch !

— Ne le laisse pas s'éteindre, cria Wilhelm. Tu dois souffler doucement pour lui apporter de l'oxygène, mais pas trop, sinon tu vas l'étouffer.

Simon ne rouspéta pas et se précipita sur le feu afin de suivre les instructions du prince. La flamme blanche finit par s'animer davantage et tourna au orange vif.

— Ok, là tu peux souffler plus fort. Il est bien pris.

Simon s'exécuta et se mit à rire en fixant la flamme monter. Wilhelm le suivit dans sa joie et les deux jeunes hommes se regardèrent, heureux. La nuit promettait d'être bien moins difficile. Chacun contemplait l'autre de ses yeux rieurs. Enfin quelque chose qui allait bien ! À contre-coeur, le bouclé dut s'arracher à la vision du prince et s'empressa de nourrir le feu qui finit par produire une douce chaleur à l'intérieur de l'abri de fortune.

— J'ai dormi combien de temps, interrogea le prince. Tu as eu le temps de faire cette hutte, continua-t-il en suivant Simon du regard.

Le métis rejoignit son compagnon et réclama silencieusement un peu de couverture. Bien que le feu les réchauffait, la nuit était finalement tombée, laissant la forêt se rafraîchir considérablement. Il se colla au prince et lui répondit.

— Ça faisait au moins cinq heures. C'était flippant de te voir comme ça. Je voyais que tu dormais, mais avec ta blessure à la tête, je ne savais pas si tu étais entrain de me faire une hémorragie interne. Je suis content de te revoir en pleine forme, conclut-il de son air taquin.

— Oui, rigola le prince. Un bras invalide et une tête qui veux exploser de douleur. C'est exactement le terme que j'aurais employé; en pleine forme.

Simon le poussa doucement avec son épaule tout en faisant un petit sourire en coin. Leurs regards se rencontrèrent de nouveau et, cette fois, le bouclé devint plus sérieux.

— Tu m'as vraiment fait peur, tu sais.

— Désolé, répondit le prince, prenant aussi un air plus grave.

— Ce n'est pas ta faute, souffla Simon en agrippant la main de son ami. Je t'ai rentré dedans, finit-il penaud.

— Tu me dois une journée à me faire griller au soleil, pas une journée masque de boue, tenta le blond pour lui enlever un poids. Tu sais, continua-t-il après un temps, je n'avais pas plus vu la falaise que toi.

— Je sais bien, mais tu ne serais pas dans cet état, répondit Simon en claquant ses mains sur ses cuisses.

— Hé ! Ce n'est pas de ta faute. On va s'en sortir, lui lança-t-il un peu plus fort qu'il ne l'aurait voulu.

Pour se faire pardonner, il remonta sa main valide vers le visage du bouclé afin qu'il le regarde dans les yeux. Son compagnon avait des larmes qui menaçaient de couler à tout moment. Il les retenait depuis le début de leur mésaventure.

— Je vais bien, Simon, lui confia-t-il le plus calmement possible afin de le rassurer.

Son ami pencha la tête pour assimiler ce que venait de lui dire le prince. C'était grâce à lui si tout n'était pas si horrible que prévu. Il la releva à nouveau, plus confiant. Les yeux du prince étaient doux et tout spécialement bienveillants. Il ne lui en voulait pas. Il sentit, enfin, un poids s'enlever de ses épaules et esquissa son fameux sourire en coin. Wilhelm était adorable. Il baissa le regard jusqu'aux lèvres du blond. Elles l'attiraient comme un aimant. Avec la rapidité de l'éclair, il fonça sur sa bouche et lui arracha un baiser fugace avant de se reculer.

La bouche du prince s'était entrouverte de stupeur. Merde ! Il avait tout fait foirer. S'il était entré dans les bonnes grâces de Wille, ce n'était pas parce qu'il l'attirait, mais plutôt parce qu'il s'était bien occupé de lui. Il tenta de se relever, mais son compagnon lui attrapa la main.

— Reste ! C'est plus chaud à deux.

OB RoyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant