Suzie

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Comment Wilhelm aurait pu bien aller après une telle tragédie ? Simon l'avait retrouvé près de trente minutes plus tard. Il sortait du bureau sans aucune émotion sur le visage. En fait, il n'eut même pas connaissance que son petit ami était près de lui et qu'il le suivait jusqu'à la chambre. Dès qu'il y entra, il prit un sac de sport et le remplit de quelques vêtements. Ce n'est que lorsqu'il voulut ajouter un chandail que lui avait offert Erik qu'il s'effondra, à genoux, face à son lit. Les larmes, retenues si longtemps, s'écharpèrent enfin dans un torrent incontrôlable.

Simon s'approcha doucement et passa une main sur son épaule qu'il glissa vers sa nuque puis son autre épaule. Il s'agenouilla à ses côtés et lui prit le vêtement, si précieux, qu'il inséra à l'intérieur du sac. Il continua avec quelques autres morceaux et ferma ensuite le bagage.

Les deux jeunes hommes finirent pas s'asseoir par terre et Wilhelm se coucha sur les genoux du bouclé. Instinctivement, ce dernier passa sa main dans sa chevelure blonde, tentant de donner un peu de réconfort à son amoureux.

— Tu as besoin que je t'accompagne, finit-il par demander alors que le prince s'était finalement calmé.

— Non, merci min vackra. C'est un poids que je dois porter seul. Tu es trop bon pour moi, soupira Wilhelm alors qu'il se replaçait plus confortablement.

— Tu crois que je vais te laisser passer au travers de cette épreuve, sans rien faire ? Je serai là à ton retour et crois moi, j'aimerais aussi t'accompagner aujourd'hui, mais je comprends que tu aies aussi besoin d'être seul pour réfléchir. Allez bébé, tu ne voudrais pas faire attendre Erik, hein ?

Le prince eut un minuscule sourire qui se dessina malgré lui. Simon était bien le seul à pouvoir le faire se sentir mieux dans des circonstances aussi horribles.

— Merci, répondit-il simplement en se relevant. Tu n'as aucune idée combien j'aurais besoin de toi, là-bas.

— On se fera des appels vidéos. Je ne vais pas te lâcher bébé, continua le brun en se relevant à son tour.

Le couple s'enlaça fortement. Le métis offrit toute l'énergie qu'il pouvait à son copain afin qu'il puisse traverser la cour remplie d'élèves qui ne le quitteraient pas des yeux. Ils se séparèrent et avec toute la dignité dont il était capable, Wilhelm se rendit jusqu'à la voiture qui n'avait pas quitté sa place. Le bouclé essuya une larme. Il n'en connaissait pas grand chose, mais de ce qu'il avait pu constater, Erik était un grand frère extraordinaire qui avait des convictions. Comme Félice l'avait si bien dit, la Suède venait de perdre une grande personne.

Quant au blond, il s'écroula à nouveau dès qu'il rejoignit l'intimité du véhicule, laissant son chauffeur l'amener vers ce qu'il considérait comme un véritable cauchemar. Il s'avéra que la reine Kristina essayait de rester forte pour le reste de la famille alors que son père pleurait sans relâche. Les jours furent une succession de souffrances où tous les peuples du monde tentaient d'expliquer l'accident et, surtout, de démasquer la jeune femme qui avait survécu.

Wilhelm fut informé des circonstances de la mort du prince héritier. Après une séance des plus musclées avec les membres du conseils, Erik était parti enragé. Ses tentatives, plus que nombreuses, échouaient toujours auprès des lords, ancrés dans leurs minables traditions. Après plusieurs apparitions, il avait réussi à faire changer les hommes d'idée sur son futur mariage avec une roturière. Par contre, il avait continué ses plaidoyers, tentant d'intégrer aux lois le fait que les monarques et leur famille puissent épouser bien plus qu'une personne du peuple. Ainsi, il s'était battu corps et âme afin que son frère, dont personne ne connaissait encore l'orientation sexuelle, puisse vivre une vie heureuse.

Ce jour-là, le président de l'assemblée s'était levé en lançant, avec toute la hargne dont il était capable, qu'ils étaient aussi bien de lui accorder qu'un roi épouse son chien, quant à y être. Cela avait mis le prince aîné hors de lui et avait répliqué, avant de quitter le conseil, qu'ils n'étaient que des lâches sans aucune sagesse.

Suzie l'avait attendu puisqu'elle savait que son quart de travail se terminerait pratiquement au même moment. Elle avait bien tenté de le calmer, mais semblait-il qu'il l'avait aussi insultées en lui envoyant au visage une pique du genre « On sait bien. Maintenant qu'il ont accepté que la loi change pour moi et que tu peux épouser le futur roi, tu te fous des sentiments de mon frère. » Évidemment, l'infirmière l'avait mal pris, elle qui le soutenait depuis le début. Une dispute s'en était suivie, laissant Erik accélérer, sans même s'en rendre compte. La jeune femme avait tout fait pour le calmer, mais comme ils passaient dans un tunnel, un photographe s'était invité afin d'avoir un cliché du prince en galante compagnie. À bout de nerfs, le prince avait donné un coup de volant trop brusque, les faisant capoter jusque dans la voie inverse où un camion poids lourd l'avait frappé de plein fouet.

Aux obsèques, l'infirmière ne s'était pas présentée. Wilhelm avait demandé une rencontre afin de l'aider du mieux qu'il le pouvait. Bien que Suzie n'ait jamais été officiellement la petite amie de son frère, il savait très bien que la jeune femme devait être brisée. Arrivé chez l'infirmière, le blond fut reçu froidement.

— Je vois que vos parents n'ont même pas eu le courage de venir, railla immédiatement la jeune femme. Quelle honte pour eux, que j'aie été à ses côtés pour son dernier souffle.

— Suzie, personne n'a honte de toi, voyons. Mère m'a raconté comment ils ont travaillé d'arrache-pied, elle et lui, afin que tu puisses faire partie de notre famille.

— Ils doivent être soulagés que cela n'arrivera jamais.

— Je sais que tu ne le penses pas réellement. Erik avait un grand cœur et il ne t'aurait jamais choisie, si tu avais constamment fait ce genre d'insinuations. Tu as mal, et c'est ton désespoir qui parle en ce moment. Crois-moi, si Simon venait qu'à mourir, je serais probablement dans un état bien pire que le tien.

— Vous insinuez que j'aimais moins Erik que vous vous aimez Simon.

— Tu as de la peine, et je peux le comprendre. Erik est irremplaçable. Je sais que tu l'aimais. Il n'était pas du genre à montrer ses émotions à mes parents. S'il a fait tout ça, c'est pour toi. Parce que vous vous aimiez.

— Vous n'avez rien compris, répondit-elle en secouant la tête. Il ne l'a jamais fait pour moi ou pour lui. Il l'a fait pour vous, parce qu'il ne pouvait pas concevoir que son petit frère soit obligé de vivre un amour caché.

— Il allait t'épouser, Suzie. Comment peux-tu croire qu'il ne l'a fait que pour moi?

— Il n'a pas accepté que le congrès lui refuse la loi sur le mariage homosexuel pour les souverains et leur famille. Il aurait pu m'épouser et ensuite continuer son combat. Malheureusement, il a préféré se rendre malade, à force de ne pas dormir, pour trouver les arguments. Il a préféré s'en prendre à moi au lieu de hurler sur les hommes qui vous empêchaient de vous marier à qui vous voulez. Il était tellement hors de lui qu'il a tenté de faire capoter un paparazzi alors qu'il est décédé à sa place.

— Je vois que tu as besoin de plus de temps. Je reviendrai te voir en décembre. À ce moment, tu auras peut-être une autre opinion de moi, de notre famille. Je te souhaite de trouver la paix. Au revoir, Suzie, termina le prince en se relevant.

L'infirmière ne bougea aucunement pour le reconduire. Il comprenait, un peu plus, pour quelle raison elle n'était pas venue aux funérailles. Le blond sortit de la maison encore plus bouleversé qu'avant son arrivée. Voir Suzie aussi triste lui avait donné le dernier coup de grâce. Erik était définitivement parti, emportant avec lui l'espoir d'une vie meilleure pour le prince cadet.

OB RoyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant