C'était de plus en plus difficile de faire un pas sans tanguer. La faim était bien présente et les blessures du prince n'aidaient aucunement sa condition. Les maux de tête avaient repris, lui donnant des vertiges réguliers. Pourtant, rien ne l'arrêterait dans sa quête pour aider Simon à retrouver des forces. Ce denier n'avait émis aucune objection lorsque le blond s'était levé pour partir à la recherche de leur seul repas du jour.
Chaque pas, bien que difficile, le rapprochait de son but. Il lui semblait qu'il marchait depuis plusieurs minutes, mais, selon sa montre, cela n'en faisait que deux. Il reconnaissait facilement l'endroit où il se trouvait. Comment ne pas s'en rappeler? C'était exactement là où il avait attendu Simon alors que ce dernier risquait sa propre vie pour le rejoindre en bas. On ne pouvait pas dire qu'il avait accompli un marathon. Pourtant son corps endolori, par les dizaines d'ecchymoses reçues lors de sa chute, l'avisaient qu'il ne tiendrait pas très longtemps au rythme qu'il avait adopté.
Ce matin avait été beaucoup plus facile, mais faire trois aller-retour, le bras chargé de bois, avait usé son énergie. Il s'agenouilla pour reprendre une bouffée d'air. Cela serait si facile de tout laisser tomber. De se coucher. D'attendre.
Il ferma les yeux quelques secondes et la première chose qu'il vit fut son frère. Erik ! Il s'avançait vers lui à grandes enjambées.
— Relève-toi, Wille! Tu dois montrer au peuple que tu es fort.
— Pourquoi je devrais l'être ? Tu es le futur roi.
— Tu dois le sauver, lui. Il ne survivra pas si tu le laisse tomber; si tu laisses tomber l'un de tes sujets.
— Ce n'est pas mon sujet !
— Alors, qui est-il ?
Wilhelm songea longuement à cette question traîtresse. Qui était Simon, pour lui ? Un sujet ? Certainement pas, après ce qui s'était passé entre eux. Il était beaucoup plus que ça. Alors, était-ce un camarade de classe ? Oui, mais ce n'était pas que ça. Un ami ? Non, décidément pas. C'était davantage, encore. Il aimerait être capable de l'appeler son petit ami, mais qu'est-ce que le principal intéressé en penserait. Son cœur s'emballa, l'amenant à faire une crise d'angoisse. Qu'est-ce qu'Erik dirait en apprenant ce qu'il était réellement, pour lui ? Il se mit à se bercer sur ces genoux, frottant sous ses clavicules pour essayer de faire entrer l'air dans ses poumons
— Tu es amoureux de ce gars ? s'adoucit l'aîné en lui frottant le dos.
Il l'était, effectivement, bien plus que ce qu'il pourrait jamais l'avouer au monde, mais Erik n'était pas le monde, il était son confident. Il allait le lui crier à voix haute. Après tout, ils étaient entre frères.
Il ouvrit les yeux et découvrit qu'il était seul. Ça y était. Il commençait à divaguer. Sa blessure à la tête était peut-être plus sérieuse qu'il ne le croyait. En tout cas, elle le martelait sans arrêt. Il pencha la tête pour toucher sa bosse et c'est la qu'il vit les bocaux. À l'intérieur, grouillaient les cynips qu'ils avaient trouvés, que Simon avait trouvés la veille. Il n'y en avait que quelques uns, mais c'était tout ce qu'il pouvait se permettre de rapporter à manger. Il les regarda encore quelques minutes en se disant qu'il les laisserait volontiers à Simon. Ces bestioles ne lui inspiraient rien de bon. Ils avaient osé s'en prendre à son copain, alors ils le paieraient de leur vie.
Un éclair de lucidité le traversa. Simon avait bien dit qu'un cynips l'avait piqué. Hors, sa mains blessée était bien celle qui tenait les insectes au moment où il avait été piqué. Sachant qu'une infection pouvait se déclarer et que les mains à vif du bouclé étaient plutôt pleines de saleté, c'était peut-être la cause de sa fièvre et de sa main enflée. Un beau mélange explosif, quand on y pensait.
Croyant enfin connaître la cause de son état, il devrait s'assurer de le garder en sécurité. Forçant pour se relever, il n'oublia pas d'apporter le bocal. Le retour fut beaucoup moins long que l'aller. Il avait maintenant ce qu'il voulait; de quoi nourrir le métis.
Exténué, le blond installa le bocal au dessus du feu et attendit que les insectes arrêtent de bouger. Il les regarda encore un peu, déglutissant difficilement. Comment ne pas avoir un haut le cœur en se disant que les antennes, les ailes et les pattes devraient bientôt passer dans sa bouche et celle de Simon.
Il fit refroidir le pot en l'enfonçant un peu dans le sol. Il ne lui restait plus d'autre choix que de réveiller Simon. Clairement, il n'apprécierait pas la surprise qu'il lui réservait, mais il l'avait dit lui même, ils avaient besoin d'énergie.
— Réveille-toi, la belle aux bois dormants, commença-t-il en passant une main sur sa joue.
— Mmmmh ! Tu as un milk-shake ?
— Haha ! Non, mais j'ai quelque chose à manger.
— Vraiment ?
— Ouais ! C'est pas exactement ce que tu espérais, mais ça permettra de mettre un gramme ou deux de protéines dans ton estomac. Mais avant tout, j'aimerais que tu ne me détestes pas.
— Mon prince charmant va-t-il se changer en vilaine sorcière ?
— T'es bête ! Promets, s'il te plaît !
— Je promets. Maintenant, amène-moi ma perdrix, rigola le bouclé, sans grande conviction.
— Je n'ai pas pu chasser, Simon. Je suis bien trop faible pour ça.
— Je sais bien, confirma-t-il en se recouchant, voyant qu'il n'avait pas plus d'énergie que son compagnon.
— J'ai fait cuire les cynips.
Simon ferma les yeux. Il savait que ce n'était pas un banquet que Wilhelm avait préparé, mais de là à devoir manger des insectes, il y avait une marge.
— Il faut qu'on mange, sinon, c'est nous qui allons finir bouffés par eux.
Ouvrant de nouveau les yeux, Simon soupira longuement. Malheureusement, Wilhelm avait raison. Il le regarda dans les yeux et hocha la tête en signe d'accord. Évidemment, le prince ne sauta pas nécessairement de joie en voyant qu'il capitulait. Il devrait en faire autant, même si ce n'était que quelques insectes. Il fallait donner l'exemple. Il avança donc le pot entre eux et regarda Simon de son air désolé.
— Prêt ?
— Ben dis donc, s'exclama le bouclé en comptant les bestioles. Sept cynips ! Je me demande qui aura le bonheur de manger le quatrième railla-t-il avec humour.
— Je sais, rigola le prince. On va se battre pour le dernier. J'espère que tu vas encore vouloir de moi quand on se sera battu pour l'obtenir, tenta le plus vieux tout aussi sarcastique.
Ils regardèrent le bocal encore un peu, puis, Simon reprit la parole.
— Allez ! On y va !
Il prit le pot et le dévissa. Il fit tomber les insectes dans sa main et fit la grimace. Wilhelm tandis sa propre main et le métis lui vida le restant.
— On dirait que j'ai gagné, grogna Simon. J'en ai quatre.
— Désolé pour toi, se contenta de dire le blond. Tu es prêt ?
— Non !
— On y va ensemble. Comme ça, l'autre ne pourra pas reculer.
— C'est bon Wille, à trois. Un... deux... tr...
Un cri se fit entendre au loin. C'était une voix d'homme qui cria le prénom de Wilhelm. Le prince rejeta les insectes et se releva aussi vite que son corps meurtri le lui permit. Les secours n'étaient pas loin. Ils étaient sauvés.
— ON EST ICI ! cria-t-il en sortant de l'abri. VENEZ VITE ! S'il vous plaît, dépêchez-vous ! On est ICI !
Un homme sortit enfin du feuillage des arbres. Il était suspendu par une corde et était probablement en compagnie d'autres sauveteurs, tout là-haut, sur le sommet de la falaise.
Ils étaient sauvés!

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OB Royal
FanfictionWilhelm est le prince de Suède et second à la succession du trône, après son frère Erik. Obligé d'étudier dans un nouveau pensionnat, suite à un esclandre avec des camarades, le prince rencontrera Simon, issu du peuple et ouvertement gay. Lors d'un...