OB Royal

Demande

Passant une véritable nuit de torture, Wilhelm se leva bien avant Simon. Sa place, au creux de ses bras, n'apportait plus le réconfort qu'il avait besoin. Le prince avait retourné sa décision dans tous les sens. Il y avait un faible espoir que Simon le comprenne, qu'il accepte un mariage de convenance et qu'il puisse vivre leur amour secret. C'était tout ce qu'il avait pu tirer de sa nuit blanche.

Machinalement, il savoura la vision de Simon qui dormait paisiblement dans son lit. Il s'agenouilla près de lui et le regarda dormir pour toute la demi-heure suivante. Il souhaitait désespérément qu'il accepterait, mais au fond de lui, il avait ce doute insupportable. Il avait donc essayé d'emmagasiner les plus belles images de son copain avant que le tout ne tourne au cauchemar.

Quand le brun ouvrit enfin les yeux, il goûta ses lèvres avec délices. Simon réussissait toujours à être parfait, même après une nuit de sommeil.

— Que me vaut le bonheur d'être si bien accueilli à mon réveil, sourit le métis en entourant le cou du prince, toujours agenouillé.

Le blond souleva les épaules avec un soupir. Il ne pouvait pas lui dire, mais il voulait simplement les meilleurs souvenirs de lui.

— Je veux marcher avec toi jusqu'au lac avant les cours. Je te donnes dix minutes pour te préparer.

— Et le petit-déjeuner, tu en fais quoi?

— Je n'ai pas faim.

— Wille, tu dois manger.

— Pas aujourd'hui !

— Et moi alors, je dois jeûner pour toi ?

— Oui, répondit le prince avec un air taquin qu'il croyait ne jamais plus être capable de lui adresser. On ne s'est pas vu de la soirée d'hier. J'ai besoin de ta présence avant de commencer cette journée merdique.

— D'accord, mais tu me donnes ta collation quand on reviendra.

— Cela me semble raisonnable. Allez marmotte !

Leur virée jusqu'au lac ne dura pas plus de trente minutes. C'était tout juste assez long pour qu'ils puissent apprécier quelques moments rapides à se donner la main et à semer les gardes du corps pour profiter de quelques baisers passagers. Le prince en apprécia chaque moment, ne pouvant détourner ses yeux de ceux du boursier. Ce dernier lui souriait régulièrement, ne sachant pas qu'il passait probablement ses derniers moments avec Wilhelm.

C'est la mort dans l'âme que le blond se dirigea finalement vers leur classe où attendait déjà la totalité du groupe.

— Bien ! Maintenant que ces messieurs ont daigné se présenter, nous pourrons terminer les travaux d'équipe que je vous ai donné hier. Veuillez, s'il vous plaît, rejoindre votre binôme.

Merde ! Wilhelm croyait avoir plus de temps avant de parler avec Félice, mais à voir son regard d'espoir, il n'avait aucune chance de remettre cette discussion à plus tard.

— Alors ? Tu as pu convaincre August de me revenir ?

— Je suis désolé, répondit sincèrement le prince. Il n'a rien voulu entendre. Il croit qu'il détruira ta vie et celle de votre enfant.

— Je sais, il m'a déjà tout dit ça.

— Je ne comprends pas non plus son aversion pour Sara. Elle n'est pas une plaie, tout de même.

— Sans elle, je serais probablement déjà noyée dans le lac.

— Ne pense plus à ça, Félice. J'ai peut-être une solution pour toi, mais d'abord, je veux que tu prennes ta décision en connaissance de cause et que tu ne le regrettes pas.

— Qu'est-ce qui pourrait me sauver à part un miracle ? Ma mère va me renier, c'est certain ou elle va m'obliger à épouser un vieux crocodile plein de titres de noblesse.

— Tu arrêtes, immédiatement. Je vais te révéler mon plus grand secret puisque tu as eu le courage de me raconter le tien.

— Ok ! Tu es étrange, aujourd'hui. J'imagine que c'est important.

— Ça l'est et, s'il te plaît, je te demande de ne jamais le révéler, comme je le ferai pour toi.

Il ne lui laissa pas le temps de répondre avant de continuer.

— Je suis amoureux.

— QUOI ?

Comme la veille, la classe toute entière les observa avec curiosité, cette fois-ci, grâce à Félice. Elle se pencha un peu vers Wilhelm afin d'avoir une conversation plus intime.

— Vas-y ! Dis-moi qui est l'heureuse élue. Elle est dans la classe ? continua l'héritière en cherchant derrière l'épaule du prince.

La seule paire d'yeux qu'elle rencontra fut celle de Simon qui tentait toujours de paraître discret, mais au fond, elle savait depuis belle lurette que le métis était amoureux du blond. Quoi ? Il était gay et il ne s'en cachait pas. Et puis il n'avait que ce sujet de conversation en présence de Sara et elle.

— Tu vas tellement faire de peine à Simon. Tu savais qu'il avait le béguin pour toi ?

Ne se démontant pas face à cette révélation, Wilhelm continua.

— Cette personne est effectivement dans la classe, en ce moment, et tu la connais très bien.

Après avoir réfléchi longuement à la question, la jeune femme souffla le nom de Sara, comme s'il ne pouvait y avoir que cette possibilité.

— Non, Félice, mais tu n'es pas loin de la vérité. Je suis amoureux de... Simon.

Alors là ! Il aurait pu la tirer en bas d'un avion, elle n'aurait pas pu réagir avec plus d'étonnement. Elle finit par regarder à nouveau derrière l'épaule du prince et rencontra à nouveau les yeux du bouclé. Elle fit un sourire en coin et revint à son interlocuteur.

— Je retire ce que j'ai dit, Simon va être très heureux.

— En fait, cela dépendra de ta décision, répondit-il de manière énigmatique.

— Ma décision à quoi ?

— Comme tu as certainement dû le comprendre. Je suis gay et je n'aurai pas d'enfant. La couronne appartiendra un jour à August et à ses descendants puisque je suis le dernier enfant de la reine. Étant donné qu'il ne veut pas de ce bébé, qui pourrait obtenir la couronne de Suède, je me suis dit qu'on pourrait se marier, toi et moi. On éviterait la mort du dernier successeur de notre famille en l'élevant comme mon enfant. Cela lui reviendra de droit, un jour. Tu pourrais le garder et tes parents seraient fiers que tu aies trouvé un aussi noble mari. Alors je te le demande. Veux-tu m'épouser ?

Ayant terminé son monologue, Wilhelm regarda enfin la jeune femme en déglutissant. Elle ne s'attendait pas à un aveu aussi important. Elle demeurait interloquée, la bouche ouverte et les yeux braqués aux siens. Il n'avait aucune idée de sa réponse et c'était de plus en plus embarrassant. Soudain, elle essuya une larme qui coulait à la pointe de son œil. Elle avala finalement avec difficulté et fit un tout petit signe affirmatif de la tête. Le sort en était jeté.

Un mariage princier aurait lieu très bientôt. Ils ne pouvaient pas attendre que les rumeurs se répandent.