Wilhelm, deuxième à la succession du trône de Suède, après son frère Erik, était complètement perdu dans ses pensées. Le jeune prince venait de subir, encore une fois, la lourde charge d'un membre royal. Lors d'une fête bien arrosée, l'un de ses camarades de classe l'avait poussé à bout, seulement parce qu'il avait osé parler à des amis de rang « insuffisant ». Suite à cette dispute plutôt violente, un inconnu avait posté la vidéo où on le surprenait alors qu'il frappait fortement son camarade, avec sa propre tête. Inévitablement mise au courant, sa famille l'avait forcé, malgré lui, à faire des excuses publiques.
— Tu représentes la monarchie. Tu es privilégié. Tu dois des excuses à ton peuple pour cette bêtise. D'ailleurs, je te change immédiatement d'établissement, lui avait fait comprendre la reine.
Wilhelm le savait. Il avait seulement défendu un de ses sujets, en frappant son camarade. Pourquoi devait-il être celui qu'on obligeait à quitter l'école ? Évidemment, rien n'aurait dissuadé sa mère. Malgré sa bienveillance, elle était aussi restreinte que lui, sinon plus, par toute cette monarchie égocentrique. Et voilà comment il s'était retrouvé en compagnie d'Erik, qui le conduisait dans sa future prison scolaire. Son frère avait un bolide entre les mains. Malgré tout, il semblait croire qu'il s'agissait plutôt d'une voiturette de golf.
— Si j'avais cette voiture, on serait déjà arrivés depuis une heure. On dirait que tu prends goût à me torturer.
— Tu vas adorer tes nouveaux amis. Ne sois pas si rancunier. Maman n'a pas eu le choix. D'ailleurs, elle t'a inscrit dans une école mixte. Tu devrais être heureux.
S'il savait à quel point cet argument était nul, à ses yeux. « JE SUIS GAY», avait-t-il le goût de lui hurler. Au lieu de ça, il tourna la tête vers l'extérieur et soupira de tout son être.
— J'imagine que tu ne le sais pas, mais ils acceptent quelques boursiers, continua le prince héritier. Tu en auras encore, des amis sans le sou.
Soudainement, Wilhelm foudroya son frère de son regard menaçant. Comment pouvait-il penser ainsi ? Le futur roi ne pouvait pas penser ce qu'il disait !
— Si j'avais le choix, j'aimerais cent fois mieux être sans le sou que d'être persécuté à longueur de journée par des journalistes à potins ou les conseillers de notre chère mère. Tu ne vois donc rien, Erik? Ils vont te pousser à faire un tas de choses à tes enfants; des choses que tu n'auras pas le goût de leur imposer. Mais, tu l'accompliras, parce que tu seras le roi de Suède et qu'ils auront commis une connerie que tous les adolescents ordinaires effectuent, un jour ou l'autre.
— J'espère bien changer les choses. Quand j'étais à ta place, je devais être dans une école pour garçons. Maman a quand même réussi à faire avancer les choses.
— Le jour où la monarchie pourra épouser la personne de son choix, qu'elle soit riche ou pauvre, ça, ce sera un grand pas. Une école mixte, ça, c'est du crottin de cheval.
Erik s'amusa fortement. Sous ses airs de grand sentimental, Wilhelm était plutôt hilarant. Un jour, il comprendrait que leur mère faisait tout ce qu'elle pouvait. Il en savait quelque chose puisque, depuis son plus jeune âge, il était instruit en prévision de son futur titre de roi. Il savait exactement le travail acharné que la reine menait contre un comité composé à cent pour cent d'hommes riches complètement ancrés dans des principes et des traditions ancestrales. Évidemment, ils étaient presque tous des pères de jeunes femmes prêtes à l'épouser, lui ou son frère. Bien sûr qu'ils ne voulaient pas changer les traditions.
— Quoi qu'il en soit, nous arrivons. Sois gentil. Tes nouveaux amis n'ont pas choisi plus que toi que tu viennes ici.
— Ouais, je sais. Je ferme ma gueule. Je souris. Je donne la main. Je souris. J'écoute. Je souris.
— Mais c'est qu'on va le réchapper, rigola tranquillement Erik en lui passant une main dans les cheveux.
— Arrête ! C'est toi qui dis que je dois être parfait.
— Pas parfait, mon frère; juste le fils de la reine.
Wilhelm roula des yeux avec force. Pour lui, c'était du pareil au même. Enfin, il fallait bien passer par cette étape protocolaire. Il ouvrit la porte et sortit de la voiture. Une lignée de directeurs et de professeurs, tous plus vieux les uns que les autres, les attendaient pour les accueillir. Quelle poisse ! On était en plein milieu de nulle part. Pourquoi ne pas le laisser un peu en paix ?
— Vos majestés, soyez les bienvenus. Nous vous avons préparé un programme pour votre arrivée.
« Souris Wilhelm », se dit-il intérieurement. « Donne la main et souris. Même si ce sera barbant, tu dois sourire. »
Il offrit une main à la directrice des lieux, accompagnée d'un sourire forcé. Bah quoi ? Il souriait. D'interminables poignées de mains se poursuivirent où il devait se souvenir de chacun de ses professeurs. Ensuite, on lui fit visiter sa chambre où Erik finit par l'abandonner, le laissant seul dans cette satanée école.
La reste de la visite fut plutôt surprenante. On ne lui avait pas dit que son cousin August, qu'il avait toujours eu du mal à sentir, serait de ses camarades. Il prenait de haut la totalité du peuple à l'exception de la famille royale. C'était un pur prétendant à la couronne. Il était le quatrième successeur au trône, après sa mère.
Bref, August était ravi de revoir son cousin et de lui faire découvrir son nouveau monde. Peut-être que ce ne serait pas si pire, au fond. Cela faisait maintenant une heure entière qu'il était traîné d'un bâtiment à l'autre. Bien qu'il appréciait, le prince aspirait seulement à pouvoir se cloîtrer dans sa chambre et appeler son frère. Wilhelm avait complètement ignoré Erik depuis qu'il savait qu'il devrait changer d'école. Malgré tout, son frère était son seul et unique confident. Il savait ce qu'il ressentait puisqu'il était passé par là.
Malheureusement, August le fit pénétrer dans une chapelle. « Pitié, pas une messe », se dit-il. Au lieu de cela, il entendit un chœur chanter. C'était plutôt bien. Ce n'était pas de la pop, mais au moins ça changerait des sourires figés et poignées de mains.
On l'installa à l'avant. C'était une chanson qui le rendit plus serein. Il fallait bien l'admettre, la chorale était exceptionnelle. On entendit alors le solo d'un jeune homme envahir la pièce. Cette voix était captivante. Il ouvrit les yeux pour découvrir qui pouvait chanter si bien et, malgré tous les sourires crispés d'aujourd'hui, il réussit à produire son vrai premier sourire de la journée.
La chanson lui était destinée et le choriste le regardait chaleureusement. Il était superbe. Sa peau plutôt mate et hâlée indiquait son appartenance à une ethnie espagnole ou autre. Ses cheveux, d'un brun foncé, étaient bouclés à la perfection, lui retombant légèrement sur le front. Wow, il était à couper le souffle. Ce jeune homme ne cessait de le regarder jusqu'au plus profond de son âme. Malgré toutes ses résolutions de détester cet endroit, Wilhelm décida enfin que ce jeune homme était exactement ce qui ferait que cette école ne serait pas son enfer personnel. Il avait enfin trouvé une raison de l'aimer.

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OB Royal
FanfictionWilhelm est le prince de Suède et second à la succession du trône, après son frère Erik. Obligé d'étudier dans un nouveau pensionnat, suite à un esclandre avec des camarades, le prince rencontrera Simon, issu du peuple et ouvertement gay. Lors d'un...