Talulah

1.

Talulah

- Bienvenue dans ta nouvelle demeure Talulah.

Je regarde fixement la femme qui nous a ouvert la porte de sa maison de Savannah, une maison typique blanche avec perron et colonnes de bois blancs. Son sourire est chaleureux mais pour moi, il ressemble à tous ceux que j'ai connu jusque là, il ne m'exprime que l'indifférence. Sous la capuche de mon sweat, je me sens à l'abris de son regard que je continue à soutenir sans détacher un mot. Mon assistante sociale, Mme Page, sait que je suis plutot mutique et ne me fait même plus la remarque de faire un effort pour echanger avec ma nouvelle famille d'accueil. Enfin, "famille" est un bien grand mot, il me semble que Beth vit seule.

- Elle préfère qu'on l'appelle Talie, et ne vous en faites pas elle finira bien par vous parler. Je vais vous laisser faire connaissance, on se revoit vite Talie.

J'opigne du chef et me détourne pour examiner le salon qui s'ouvre devant moi. Contrairement aux autres maisons que j'ai pu visiter jusque là, celle-ci semble vraiment agréable et chaleureuse, une odeur de tarte se répand dans toute la maison. Beth referme la porte derriere Mme Page et me rejoint dans le salon.

- Viens Talie, je vais te montrer ta chambre.

Je suis ma nouvelle "gardienne" à l'étage. Elle ouvre la porte sur une chambre douillette, peu décorée, mais propre et confortable. Je remarque que seulement un grand lit y trone. Dans les autres maisons, on était souvent 2 ou 3 à dormir dans la même chambre. Je pose mon sac au sol en continuant d'inspecter la pièce.

- J'espère que cela te conviendra, j'ai fait une tarte poire-chocolat pour ton arrivée, est ce que tu as faim?

J'acquiesce de la tête ce qui dessine un sourire à ses lèvres alors qu'elle me fait signe de la suivre. Beth est la 6eme famille d'accueil dans laquelle je me retrouve, je n'ai jamais tenue tres longtemps au sein d'une famille, trop « spéciale » pour eux. Je ne me fais pas d'illusion quant cette femme qui, bien qu'elle me semble sympathique et maternelle, va vite s'apercevoir que je suis loin d'être un cadeau. Mon comportement étrange vient du fait que je dois sans cesse cacher ma vraie nature. On s'installe à la table de la cuisine, beth nous sert 2 parts de tarte accompagnées d'une boisson chaude, du thé probablement. Je pourrais lui dire que je déteste ca, mais je préfère encore me taire.

- Alors d'où est ce que tu viens Talie?

En voilà une bonne question! J'en sais fichtre rien ! Le dernier souvenir que j'ai , remonte à mes 12 ans où un fermier me trouve dans un champs dans le Kansas, et depuis je vagabonde à travers les états. La encore, 12 ans... c'est l'âge qu'on m'a donné à ce moment là. L'état civil m'a donné un âge aléatoire selon ma corpulence, ce qui devait correspondre au vu des formes généreuses que j'ai aujourd'hui alors que je suis sensée avoir 17 ans.
Je lève les épaules pour lui signifier mon ignorance.

- Tu as 17 ans c'est bien ca?

J'acquiesce de ma tête sans relever mes yeux de mon assiette.

- Tu as un bien joli collier en tout cas.

Je pose machinalement ma main autour de mon cou. J'ai trouvé ce collier autour de mon cou le même jour où le fermier m'a trouvé. Une pierre rouge foncé sertie sur une chaîne en or.
Je croise son regard. Il semble doux et protecteur, pas une once de colère face à mon silence, pas un soupçon de méchanceté ou d'avidité, ce qui me change des autres familles ou j'ai pu atterrir.

- et je dois te dire que tu as vraiment des yeux ... hors du commun!

Il paraît... mes yeux... j'en ai beaucoup entendu, j'ai même été virée du couvent où on m'avait place parce que j'aurai les yeux du diable. Je baisse de nouveau le regard sur mon assiette, ma nouvelle hôte prend soin d'ajouter.