[M-S] Chapitre 7

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Nous étions arrivés dans l'une des dernières salles. La pénombre dû à la présence de la comète se faisait plus intense et les ennemis presque immortels. Scaramouche avait beau tranché tous les membres des ennemis et les mutiler, il en revenait des plus puissants.

Quand nous regardions le fond de la salle, je me rendais compte que l'aura bleutée du Débris était enfin visible. C'est la dernière salle ! Scaramouche me demandait d'un simple regard si j'étais prête pour le combat. En le dévisageant, je me rendais compte qu'un rictus se dessinait sur son visage, il se penchait sur sa jambe droite et son bras tenant son épée tremblait. La ficelle rouge détachée de son chapeau, venait blottir la garde de son épée à ses doigts. Fermement attachée, je pouvais comprendre d'un seul regard qu'il lâcherait son arme si elle ne lui était pas étalinguée. D'un geste désespéré, il actionna le dernier défi. Le tremblement de terre qui survint alors fut accompagné d'un courant d'air glacial. J'eus crus que Eula était revenue avec nous mai il n'en fut rien. L'instance glaciaire qui siégeait dans la salle me rappelait cruellement l'Oeil Divin Cryo. Un Arbre Givré sortit du sol et nous attaqua frontalement. Des stalactites vinrent dans notre direction et nous dûmes nous projeter dans des directions différentes pour en sortir indemne. Alors que je m'éloignais de mon camarade, une vérité se logea dans mes pensées : nos résonnances élémentaires étaient mineures face à la glace. Un frisson me parcourut le dos. Je sentais un mauvais présage. Alors que Scaramouche allait se lancer sur la plante carnivore, dans un rire glaçant, il se stoppa net. Un bruit frappant m'alerta de l'anomalie de l'instant. La lame s'était brisée. Le manche de l'épée tomba au sol, et Scaramouche plia ses genoux. Le rire que je pouvais entendre depuis déjà deux étages entiers se dissipa dans le vent. La plante prit de l'élan, et se jeta sur mon camarade. Je me précipitais sur lui et l'entraînait dans ma hâte. Nous fûmes projetés de quelques mètres et la plante avait déjà repris son élan. Scaramouche ne bougeait plus comme foudroyé. Les yeux vitreux, il semblait en pleine conversation avec la mort. Comment en est-on arrivés là ?! La plante tomba la tête la première sur nous et je ne pus que mettre mon arcane des astres entre la bête et moi. Tel un bouclier, la plante n'arrivait pas à passer. Bloquée, elle était revenue à sa position initiale. J'accourais vers mon camarade, le pris par les épaules et le secouais dans tous les sens.

« Scaramouche ! Réveilles-toi !! »

Je ne pouvais que le secouer mais la magie Cryo qui me perfora l'épaule me fit voir les choses autrement. Dans un cri de douleur, je me tournais vers le responsable et me rendis compte que la plante avait déjà changé de stratégie. La douleur aigüe me perforant les entrailles, irriguée par tous mes nerfs, je poussais Scaramouche sur le côté et déployais mon arcane stellaire pour qu'il m'octroie un bouclier. Malheureusement, il était d'une évidence que ma magie n'était absolument pas faite pour encaisser quoi que ce soit. Je me pris de plein fouet le contre-coup de la cassure de mon arcane. Projetée au sol, j'avais la tête qui tournait. Alors que j'arrivais à peine à réaliser ce qu'il se passait, je vis la lumière argentée de la magie Cryo s'incanter devant moi. Dans un ultime effort, je me liquéfiais et dégageais de mon impasse. Les stalactites n'eurent pas le temps d'heurter mon corps et je pus souffler un instant. Je jetais un coup d'oeil vers Scaramouche et me rendais compte que celui-ci était toujours dans cet état de transe intense. Mais, le pire arriva. La plante reporta son attention vers son ancien agresseur. Je me précipitais aux côtés de mon camarade et déployais deux Fantômes Illusoires sur les côtés de l'arène. Je récitais à une vitesse phénoménale des arcanes illégaux. Malheureusement, tous les moyens étaient bons pour aider ses amis, encore plus quand celui-ci avait risqué sa vie pour la nôtre.

« Véga, Arcturus, Gemma. Hercule. »

Les étoiles que j'incantais s'alignaient et les constellations prirent forme. Je sentais la tête me tourner et l'hémorragie de ma blessure à l'épaule se faire de plus en plus importante. Alors que la bête avait pris du temps pour faire son sort, les étoiles prirent de plein fouet le coup, nous protégeant. Malheureusement, j'en connaissais les conséquences. Une immense décharge dans tous mon corps me prit et dans trois terribles spasmes de douleur, je fis face au monstre. Je ne dois pas lâcher. Je continuais à invoquer des étoiles. La souffrance gagnait du terrain dans mon mental et mes jambes ne tinrent plus. À genoux, je continuais à incanter. Les pages de mon livre ne tournaient plus. La force me quittait. Au bord du gouffre, j'entendais les dernières secondes s'écouler sur le chronomètre. Alors que mon cercle d'incantation venait de s'estomper, la plante disparut. Nous avions échoué.
Je me tournais vers Scaramouche, dans un silence qui semblait durer une éternité. Pourtant, la lueur dans ses yeux n'était plus vitreuse. Une larme coulait le long de sa joue. Incapable de faire le moindre mouvement, seuls les muscles de son visage avaient la force de bouger, faisant apparaître un visage tourmenté par le chagrin. Je lui souris, de mon teint pâle et je sentais alors de l'eau couler le long de mes bras. Sans comprendre réellement pourquoi, le Fantasme de Stellaris s'était collé aux murs, nous berçant dans une douce illusion. Contrairement à d'habitude, la voie lactée n'était pas visible. Simplement, un champ de fleurs. Le ciel violacé étoilé, immaculé apportait une douce brise à peine rafraichissante. L'herbe se pliant sous nos corps, les fleurs les bordant, je regardais mon camarade, à genoux devant lui. Il était allongé, comme-si on l'avait poussé. Le sang tâchant ses vêtements se confondait avec le sien. Je l'avais su car j'avais remarqué la terre qui buvait son sang. Il me souriait fadement. Je ne pensais plus avoir la force de parler, mais il fallait croire que nous le pouvions. Il se mit à rire doucement, faisant couler un filet de sang sur le bord de sa lèvre.

« Je n'avais encore jamais vu quelqu'un qui risquerait sa vie pour moi... Commença Scaramouche.
-Nous fonctionnons comme ça, c'est aussi simple que ça... »

Il me sourit, toujours les larmes coulant sur ses joues mais regardait le ciel bleu. Le calme intérieur causé par la douleur et la chute d'adrénaline me faisait siffler les tympans. Il amena sa main au dessus de son visage et referma son poing vers le ciel.

« J'aurais aimé vous connaître avant...
-Il n'est pas trop tard... Murmurai-je.
-Je ne suis plus fait pour être avec vous... »

Il toussa légèrement, faisant couler un peu plus de liquide rouge sur le coin de sa lèvre.

« Personne ne m'acceptera, je suis un... Un Exécuteur... Peina-t-il à dire.
-Tu peux encore changer... Non ... ? Demandai-je, un faible et fébrile sourire au visage.
-Mon destin est déjà sceller... »

Cette vérité glaçante était si réelle qu'elle me provoquait un énième frisson. Il me sourit.

« Ce qui me chagrine... C'est que tu t'ais donnée tant de mal pour quelqu'un... »

Une larme coula à nouveau.

« Qui devait t'éliminer... »

Sa phrase me provoquait un vide. C'est vrai, mais tu ne l'aurais jamais fait, tu me l'as dit. Je voulais lui dire, mais je n'arrivais même plus à ouvrir ma bouche, mes lèvres cousues entre elles. Il ramena son bras sur ses yeux et je le vis pris de spasmes.

« Merci de me regarder encore avec sincérité... »

Alors qu'il allait reprendre une autre inspiration pour exprimer le reste de sa pensée, une autre salve de sang lui arriva dans la bouche et cette fois-ci il dû la cracher. Il souriait néanmoins, doucement.

« Non... Oublie... De toute façon mes heures sont comptées... Notre rencontre n'est qu'une erreur... »

Agacée de l'entendre dire des sottises pareilles, je ne pus que lui prendre la main. Ses yeux furent animés d'une douceur infinie. Cette sensation de velours dans son regard, je n'avais malheureusement compris que trop tard de quoi s'agissait-il. Il était en réalité bien plus déchiré en lui que dans ses responsabilités. La lumière de sa véritable personnalité, le vrai Scaramouche, s'était éteinte. Ce jeune garçon s'était rendu compte qu'en étant bon, les gens se jouaient de lui. Il avait alors mûrit avec cet idéal de supériorité. Pour autant, je pouvais voir au fond de cet océan déchaîné dans ses yeux, la douceur et la gentillesse qu'il voulait donner à ses proches. Bien trop déçu sûrement par le passé, il s'est enfermé dans un rôle qu'il déteste. Comment peut-on vivre tant d'années sans s'aimer ? Déchiré depuis sa création, on le considère comme un objet. Tout le monde le regarde avec intérêt. Scaramouche est objet pour eux. Je n'imaginais pas la souffrance d'affronter mon regard, qui le considérait comme humain. Car, oui, la crainte des autres était la seule chose qui lui permettait de se sentir humain. La pitié dans le regard de ses victimes, le désarroi marqué en coin de bouche par ses camarades, la peur dans les yeux affolés d'une jeune astromancienne, le remerciement dans les paroles d'une officière. Ces interactions le faisaient vivre et lui permettaient de se sentir vivre. Des larmes s'échappèrent de mes yeux et je sentais mon coeur gonfler.

« Ce n'est pas une erreur. Peut-être le signe qui t'indique que tu peux changer. Tout le monde a le droit de vivre, d'aimer et d'être aimé... Tu n'as juste pas choisi le bon chemin, alors la prochaine fois... N'hésite pas à venir me voir ... ? J'essaierai de lire ton avenir..."

Mon sourire se voulant rassurant me fit clore les yeux. Je sentais mon corps tomber contre le sien. Rattrapé par la fatigue, mes oreilles sifflantes furent la dernière chose dont j'eus conscience.

𝐺𝑒𝑛𝑠ℎ𝑖𝑛 𝐼𝑚𝑝𝑎𝑐𝑡 - Plongée dans Teyvat !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant