Une Paire d'As (Tome 2)

Chapitre 47

Ce qui manque à la détective, c'est l'odeur de son Algérie. Rayan Fatrouni avait insisté à sa mère d'aider la policière à retrouver la sensation de sa Madeleine de Proust : ses origines par les traditions du bled. Et quoi de mieux pour cuisiner et mettre la main à la pâte. Posséder une autre culture permet à un être humain d'avoir une autre vision sur le monde. C'est sûr que ce nouveau programme rompera la monotonie du travail et du quotidien. Le duo avait besoin d'air et de se changer les idées. Heuresement que dans une famille rebeue, il y avait toujours de l'ambiance ainsi que le réconfort d'une mère. La daronne du propriétaire du Casino JOA était accompagnée d'une personne pas comme les autres. Cette femme connaissait par coeur Nora :

— Benti... Ma fille, heureuse de voir que tu es saine et sauve.

— Donc c'est ma maman.

— Linda est une femme algérienne et une maman tellement fière de toi, de sa famille et de son pays. Sa mère lui a fait énormément de sacrifices, explique la mère de Rayan.

— Des sacrifices ? Quémande Nora, stupéfaite.

— Ta grand-mère maternelle Yasmina a tapé des pieds et des mains pour descendre au Sud de la France. C'était son plus grand rêve d'habiter en France en Côte d'Azur. Elle avait vécu à Strasbourg pendant une trentaine d'année. Elle avait perdu son fils quand il avait quinze ans. Après son premier enfant mort, elle s'était remariée avec un militaire algérien qui avait servi pour la France pendant la Guerre d'Indochine. Puis elle descendit en Côte d'Azur grâce au bouche à oreille d'une algérienne émigrée qui habitait au Sagno Del Mar. Elle avait vécu dans des HLM. Cette grande dame chevauchait de petit boulot en petit boulot. Elle s'occupait des personnes âgées. Elle avait fait beaucoup de métiers dans sa vie : prof à Casablanca, commerçante dans quelques villes de France, secrétaire sino-dactilographique, comptable.... Cette femme possédait de multiples cordes à son arc. Elle veilla au grain l'éducation de ses enfants. Résultat, ils étaient désormais dans un bon confort. Puis, elle prenait soin de toi comme si tu étais sa propre fille. Elle mettait toutes ses économies de côté afin de mettre ses enfants et ses petits enfants à l'aise dans cette vie de rêve. J'ai énormément de respect pour ta grand-mère, Nora. C'est une légende, une héroïne qui s'est battu pour que sa famille soit dans le meilleur des mondes possibles. À ce qu'il paraît, c'est une de tes meilleurs amies ? Relate Rayan.

— Rien qu'en parlant du nom de ma mouima, Rayan. Ça m'émeut. J'ai énormément de souvenirs avec elle qui me sont revenus. Ma mère est, pour moi, comme une soeur mais ma grand-mère.... En un mot, instinct maternelle. Elle a tout fait pour que je parvienne à mon boulôt de détective. Elle me rend meilleure chaque jour. Je l'aime tellement.

— Tu sais quoi ? Demande le milliardaire, d'un sourire espiègle.

— Non ?

— Dans deux heures. Ta mouima sera là pour déjeuner avec nous. Et je veux que tu lui montres ce que tu es devenue désormais : une grande dame, une femme indépendante. Tu vas cuisiner pour elle. Tu seras notre cheffe étoilée pour coordonner notre équipe de cuisine. Ne t'inquiète pas. On sera là pour t'aider. Je mettrai la main à la pâte. Ma mère ainsi que Linda te laisseront faire.

— Quels sont les plats que tu veux cuisiner pour ta grand-mère ? Dit Soraya, curieuse.

— On va cuisiner trois recettes algériennes : salade "felfel", mhadjeb et les cocas.

— On va concocter quel plat en premier ?

— Commençons par la salade felfel.

La Salade felfel ou "slata mechouia" était une entrée à base de poivrons rouge et de poivrons vert. C'est l'un des mets les plus célèbre en Algérie. Pour Nora et sa famille, c'est leur plat fétiche. Ce mets exquis pouvait être accompagné d'oeuf, d'ail ou d'oignon. L'essentiel c'est qu'il soit épicée. Mais pas trop, sinon la langue se brûlera. Le plat terminé, Nora mettait de l'huile d'olive sur la salade de poivrons. Il fallait accompagner ce bel entrée avec du bon matlouh qui était un pain à la semoule. La mère de Rayan en avait préparé en parallèle pendant que les autres aidaient la détective à cuisiner felfel. Le résultat fut extraordinaire.