Chapitre 73

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La psychologie de Nora Fatrouni bascula vers un endroit familier, cher à son coeur. Parmi les wilayas d'Algérie, Tlemcen représentait ses racines, la ville d'origine de la famille maternelle : la grand-mère de Nora avait vécu là-bas, durant toute son enfance. La wilaya était connue pour être un véritable puit de sciences et de savoirs. Elle incarnait, par excellence, le temple de l'Art et de l'Histoire. La cité était fière de sa culture arabo-andalouse, de ses monuments hispano-mauresques, de sa musique. Elle fut le berceau de nombreux artistes et artisans.

Limitrophe au Maroc, cette grande ville de l'Ouest de l'Algérie avait accueilli plusieurs civilisations : les Romains, les dynasties berbères (Zianides...), les marocains, les chérifs (nobles descendants du prophète de l'Islam), les berbères, les juifs, les turcs, les andalous, les bosniaks, les français.... Aux heures glorieuses d'un passé prestigieux, la ville devait être aujourd'hui le reliquaire de l'art musulman et de la culture islamique en Algérie. Ses mosquées étaient les plus belles du monde arabe. Tlemcen conservait une population urbaine, pleins de moeurs, de traditions exquises et colorées. Aujourd'hui, avec ses ressources humaines, Tlemcen contribuait à l'élan et à l'émancipation de son peuple.

Le Palais El Mechouar, cette citadelle représentait un symbole du pouvoir politique de la ville Perle du Maghreb. Ayant un impact sur l'Histoire de la dynastie des Zianides, elle façonnait les plus grands traits architecturaux du sultanat. Construit au XIVe siècle, à l'époque du Moyen-Âge, c'était la résidence officielle des rois Zianides. Aujourd'hui, c'était un musée consacré aux costumes traditionnels de chaque région d'Algérie.

Nora et Rayan se trouvaient dans les couloirs de ce palais à l'architecture hispano-mauresque. Ils étaient photographiés. La tlemcenienne portait une blouza algérienne, blanche, associée à un foulard blanc. Mariage ou shooting ? Penchons-nous sur cette belle énigme. Oui, une séance photo fut organisée pour un défilé de mode, en hommage à Tlemcen. Cet évènement, très attendu par les habitants, aura lieu au palais, dans quelques heures.

Le temps s'écoutait entre les doigts de Nora. L'heure H arrivait. Le défilé commença, près des fontaines. La musique traditionnelle d'Andalousie était jouée par des artistes. Le terroir de la ville s'exposait, à la lumière du soleil de la Méditérannée, dans toute sa splendeur. Les médias prenaient en photo, chaque modèle, chaque tenue. Les couleurs des costumes illuminaient le ciel bleu d'Algérie.

Une fois, le défilé terminé, Nora visita, avec son homme, les lieux historiques de Tlemcen. Elle déchiffra les périodes des grandes dynasties. L'algérienne partit à la conquête de ses racines. En tant que chorfa, elle voulait apprendre plus sur sa propre histoire. Avec Rayan, la jeune femme décida de se rendre au quartier de Sidi Boumediène. Pourquoi ce patronyme donné à cette rue ? Sidi Boumediène incarnait le saint-patron. Abou Madyane était un grand pilier soufisme, un expert en la religion. N'ayant jamais vécu à Tlemcen, Sidi Boumediène restait un grand modèle concernent le savoir de la pratique religieuse : un sultan tlemcenien avait pris ombrage de son enseignement mais s'inquiétait de la réputation de ce professeur soufiste. Derrière Abou Madyane se cachait une histoire assez sombre. Bien sûr, l'écrivaine de Une Paire d'As n'a pas la foi, ni le courage, de vous en dire plus car, elle souhaitait conserver, intact, l'Algérie. Elle tient à ce que son pays soit unifié. L'architecture de la mosquée de Sidi Boumediène venait de Séville. La bâtisse était d'une beauté époustouflante.

Revenons à la Perle du Maghreb. Tlemcen était connu pour un savoir-faire légendaire concernant les costumes traditionnels. Cette tenue nuptiale, réservée à la mariée, se paraît de fils d'or, de perles, de tiares. La chedda était classée au patrimoine de l'UNESCO. Après avoir fait du lèche-vitrine au souk, Nora et Rayan prenaient le téléphérique pour se rendre au plateau de Lalla Setti. À 1000 altitude, il n'y avait pas de tlemceniens, dans les environs. Le couple désertait ce mont où il contemplait la vue panoramique de la ville. Enfin seuls !!!! Nora confia à son mari son ressenti. Le milliardaire l'écoutait, avec la plus grande attention :

— J'étais petite, quand j'avais vu Tlemcen, pour la première fois, de mes propres yeux.

— Et tu as eu, quoi, comme ressenti, zina ?

— C'est indescriptible d'expliquer mon émotion. La ville de ma famille maternelle nous apprend tellement de choses sur l'Histoire. Dans l'Islam, les musulmans sont tous, au même niveau. Chacun n'a pas la même interprétation de la pratique religieuse. Tout le monde n'a pas la vision de voir les versets du livre. J'ai conscience de ça. D'ailleurs, je m'invertis, à fond, à la recherche de la saineté et de la bienveillance. Mais dans notre planète, il y a toujours la famille du prophète, qui est là. Ils revendiquent leurs droits d'appartenir à sa lignée. El nabi a ses descendants au sein, des différentes dynasties, dans tous les pays, surtout au Maghreb. Si quelqu'un a le culot de les insulter, c'est qu'il n'a pas le sens des valeurs. Il faut toujours respecter son prochain. On ne peux pas être aimer par tout le monde. Dieu jugera, seulement, nos actes, notre bonne foi.

— C'est vrai. J'ai de la chance de t'avoir auprès de moi. Allah m'a donné le plus cadeau que je voulais : une femme de gentillesse, de principes et de valeurs.

— Merci. Ma grand-mère m'a tout appris sur la religion : il est important de connaître la base de la prière, les fêtes religieuses, l'Histoire.... Je suis fière d'être une musulmane, une chorfa, de faire partie d'une dynastie. C'est un honneur de faire partie d'une communauté, d'une noblesse, d'une grande famille. Le nom Kaddour n'est que le premier nom de mon père. J'ai un deuxième nom de famille. C'est Bouabdallah. En arabe, cela veut dire "le père du serviteur de Dieu "

— Je ne savais pas. Grand respect pour toi de porter ce magnifique patronyme. J'ai intérêt à te préserver jusqu'au bout. Sache, ma Nora, que tu es une personne en or.

— Je ne doute pas, d'un seul instant, de toi, Rayan, approuve l'algérienne, en donnant la main de son mari.

— Tu fais partie de quelle dynastie, habibti ?

— Zianide. Mon patronyme vient d'Abou Abdallah al-Qaim, descendant du prophète Mahomet et de son petit-fils Hassan Ben Alî, fils aîné d'Ali et Fatima Zahra. Il a vécu au Maroc et en Algérie. Ma dynastie a eu l'occasion de conquérir Tlemcen.

— Ça explique que Tlemcen a aussi ses influences.

Nora riait. L'ancien mafieux fit de même. Il prit sa femme dans ses bras et lui dit cette vérité :

— Tu incarnes la Méditerranée. Tu habites en Côte d'Azur. Tu es algérienne et turc. Tes deux familles ont des ancêtres en Algérie, en Espagne et en Turquie. Tu es ma princesse, ma chorfa, ma méditérannéenne. N'oublie pas qui tu es. N'oublie pas tes racines. Tu es solaire. Tu es important pour moi, ma Youya.

La jeune femme lui souriait. Elle lui répondit :

— Et moi, j'ai de la chance, de t'aimer d'un amour inconditionnel.

Nora embrassa sur la joue, son plus fidèle associé. Le cerveau de Nora s'arrêta de tourner. Son voyage psychadélique, au coeur de la Méditérannée, s'achevait. Il était temps de sortir de ce sommeil profond et de retourner à la réalité.

Une Paire d'As (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant