Chapitre 11 : Artifices et sacrifices (1/2)

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Edgar descendit de la calèche en se retenant de jeter une pièce au Cocher. Décidément, il détestait aller en province, surtout quand c'était à cause d'une bande de Conseillers trop guindés et d'une Pupille trop indépendante... Toutes ses étranges habitudes si peu civilisées le laissaient perplexe. Et par-dessus le marché, les gens n'arrêtaient pas de le dévisager comme s'il sortait tout droit du Désert Gris. Mais c'était le prix à payer pour aller voir Eldola...

Il dévisagea le manoir Desfalaisiers d'un œil critique : pour sûr, sa Pupille s'en sortait mieux que les autres. Quand elles n'étaient pas renvoyées dans le Désert pour espionner les Colonies, les protégées de l'Institut pouvaient au mieux espérer un mariage avec un immigré du Désert, ou alors avec des individus sérieusement endettés qui avaient besoin de la protection de l'Institut. Mais un Administrateur, issu d'une respectable lignée sur des dizaines de générations, c'était inédit dans l'histoire du Technaume. Était-ce cette prospérité qui avait décidé l'Assassin à choisir ce fiancé si différent ? Difficile à dire ; Eldola gardait ses secrets encore plus près d'elle que ses poignards. Edgar ne la pensait pas attirée par la gloire ou la richesse, bien au contraire ; il peinait à l'imaginer en train de discuter chiffons et potins avec d'autres Administratrices... Mais il sentait qu'elle lui cachait quelque chose, des informations qu'elle n'avait pas jugées bon de lui partager ; il espérait réussir à la faire changer d'avis aujourd'hui, au nom de sa propre sécurité.

Edgar s'avança et frappa à la porte. Il s'étonna de l'absence de domestiques. Quelqu'un ne devrait-il pas s'inquiéter qu'il s'approche aussi prêt de la demeure du Local ?

⎯ Vous perdez votre temps, ils sont tous sortis.

Edgar fut presque soulagé de trouver une présence humaine ; à en juger par ses mains couvertes de terre et son tablier badigeonné de vert, ce devait probablement être le Jardinier.

⎯ C'est vrai que je n'ai pas pris la peine de m'annoncer, je ne pensais pas en avoir besoin, avoua Edgar. Savez-vous quand rentrera la Locale ?

⎯ Elle ne devrait plus tarder. C'est vrai que vous lui ressemblez un peu... Vous êtes de la même famille ?

⎯ Non, soupira Edgar, que cette confusion élémentaire frustrait au plus haut point. Mais nous sommes de vieilles connaissances. J'imagine que je peux l'attendre à l'intérieur ?

⎯ Oh, je... Attendez, je vais prévenir le Local...

Le Jardinier se dirigea vers les écuries, et revint prestement avec un Friedrich qui n'avait pas l'air ravi par la situation, c'était le moins qu'on puisse dire : il se planta devant Edgar, à quelques pas devant lui, sans même une salutation. S'il ne l'avait pas déjà rencontré, l'Instructeur aurait cru avoir affaire au Palefrenier, avec sa chemise qui sentait le crottin et de la paille dans ses cheveux indisciplinés. Le seul élément lui conférant une certaine autorité était son regard, des yeux déterminés qui ne souffraient aucun compromis. C'était précisément cette dureté qui inquiétait Edgar...

⎯ Il paraît que vous connaissez la Pupille, l'invectiva Friedrich.

⎯ C'est exact, même si je suis étonné que vous parliez de votre épouse en ces termes, répondit calmement Edgar.

⎯ Elle n'a jamais parlé de vous.

⎯ Ce n'est pas étonnant. Après tout, vous vivez ensemble depuis... un mois environ ?

⎯ Quel est votre nom ?

⎯ Edgar.

⎯ Ça ne sonne pas très exotique, contrairement à votre allure..., se moqua Friedrich.

⎯ Mon père vient du Technaume, ceci explique votre confusion.

⎯ Et où avez-vous rencontré la Locale ?

Sur la Falaise [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant