Chapitre 20 : Rêve sensuel

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    Eldola sentit que quelqu'un essayait de toucher l'avant de sa robe. Elle crut aussi se souvenir que ce n'était pas la première fois. Ni même la seconde. Mais tout lui semblait si flou... Pourquoi voulait-on la toucher ainsi ? Ça n'avait pas de sens, car elle n'avait quasiment pas de poitrine... Alors pourquoi les hommes voulaient-ils toujours la toucher à cet endroit ?

    En plus, elle essayait de dormir. Enfin, c'est ce qu'il lui semblait. Elle avait le souvenir de s'être endormie, mais pas celui de s'être éveillée. Et elle sentait une gravité irrésistible qui l'attirait en elle-même. Alors elle devait dormir, vraisemblablement. Mais quel adversaire oserait attaquer un ennemi endormi ? Un sans aucun honneur. Mais l'honneur ne valait pas grand-chose, quand on essayait simplement de rester en vie. Pourquoi ses pensées ne la laissaient-elle jamais tranquille ? Et pourquoi ne pouvait-on pas juste la laisser tranquille, pour une fois ?

    Elle lutta, puis parvint à ouvrir les yeux. Au début, tout était flou. Et sombre. Elle aurait pu garder les yeux fermés, tout compte fait, ce n'était pas si différent. Peut-être qu'ils étaient toujours fermés, en réalité. Peut-être. Ou peut-être pas. Puis elle distingua la silhouette d'un homme devant elle. Peu à peu, comme si ses yeux s'adaptaient à l'obscurité. Ou que le soleil se levait. Ou les deux. Ou aucun des deux. Dans tous les cas, un homme était là, elle en était sûre. Et c'était lui qui touchait sa robe. Quelle robe ? Juste sa chemise de nuit. Blanche, simple, elle la couvrait tout de même complètement, avec ses manches longues et son col montant. Mais ce n'était qu'une épaisseur de tissu fin. Et l'homme n'arrêtait pas de la toucher.

    Quel homme ? Qui pouvait avoir autant envie de la toucher ? Un souvenir désagréable tentait de remonter à la surface, elle le sentait, elle le bloquait. Puis il y eut comme une explosion rouge, et tout lui revint : Benedict, sa rage à elle, ses mains à lui, son rictus cruel à lui, son humiliation à elle. Mais non, ce n'étaient pas les mêmes mains. Celles de Benedict étaient égoïstes et insatiables. Celles-ci étaient presque douces... Eldola se concentra de toutes ses forces pour voir le visage de l'homme. D'ailleurs, dans quel sens était-il ? Le même que le sien, apparemment. Mais était-elle allongée ou debout ? Tout semblait à l'endroit pendant un moment, puis à l'envers l'instant d'après, elle en avait le tournis.

     Puis tout s'immobilisa. Car elle avait reconnu l'homme, et maintenant elle ne pouvait plus détourner le regard. C'était Friedrich. Mais pas le Friedrich de d'habitude, pas celui qui l'irritait et la faisait se sentir mal à l'aise. C'était le Friedrich du carrosse. Celui qui la regardait avec compassion. Pourquoi avait-elle voulu regarder à tout prix ? Maintenant elle brûlait sous ses yeux pâles, transpercée par sa sympathie, consumée par son réconfort silencieux. Le temps n'existait plus, car sa douleur n'existait plus. Et elle avait toujours eu mal jusqu'ici. Qui était-elle sans sa douleur ? Friedrich s'en fichait. Il se fichait toujours de tout. Tout ce qu'il voulait, c'était qu'elle soit apaisée. Et qu'elle ne souffre plus.

     Personne ne l'avait jamais regardée comme ça. La plupart des gens qu'elle avait connue avait voulu lui faire du mal. Depuis toujours. Elle attirait la souffrance, c'était plus fort qu'elle. Et les rares personnes qui tenaient à elle, elle les avait rejetées. Elle avait failli tuer Edgar pour une accolade. Elle n'avait même pas pu rendre son baiser à Xianthi... Pourquoi était-elle comme ça ? Est-ce qu'il y avait quelque chose de profondément cassé chez elle, pour qu'elle ne soit jamais capable de rendre qui que ce soit heureux ? Mais Friedrich s'en fichait. Il lui jetait sa bienveillance à la figure, sans aucun filtre, sans aucune nuance. Sans rien attendre en retour. Pourquoi quelqu'un ferait une chose pareille ? Ça n'avait aucun sens, car son cœur à elle était brisé depuis bien longtemps, il n'y avait plus rien dans sa poitrine...

    Friedrich arriva enfin à retirer la broche de Benedict. Celle-ci était profondément enfoncée dans la chair d'Eldola, son épingle acérée lui déchirant la peau au niveau de son ancienne cicatrice. Le sang se mit à couler, aussi rouge que le rubis de la broche, épais et sombre. Mais Friedrich posa sa main sur la blessure, l'ancienne devenue nouvelle, comme s'il pouvait la guérir en le souhaitant assez fort. Évidemment, ça ne suffisait pas. Mais c'était agréable. Alors que ça n'aurait pas dû l'être. Il lui massa délicatement le sein gauche, exactement là où Benedict avait osé la toucher. Comme s'il pouvait tout effacer. Comme s'il pouvait remonter le temps. Bien sûr, ça ne pouvait pas changer le passé. Mais c'était agréable. Alors que ça n'aurait pas dû l'être... Cette fois-ci, elle ne portait pas de corset, ce qui décuplait ses sensations. Elle sentait ses doigts passer et repasser sur le tissu recouvrant son mamelon, et à chaque passage, sa poitrine se soulevait un peu plus brusquement, et ses tétons durcissaient. Pourquoi se sentait-elle aussi bizarre ? Ça n'avait pas de sens... Mais c'était tellement agréable...

Sur la Falaise [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant