Chapitre 17 : Intervention (1/2)

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   Eldola s'entraîna encore une fois à faire jaillir son poignard de la gaine en cuir dans laquelle elle dissimulait l'arme sous sa manche. L'astuce que lui avait dévoilée Edgar résidait dans la souplesse du poignet : un mouvement sec et rapide, fluide et précis, et la lame se trouvait exposée à l'air libre prête à tuer. Eldola voulait à tout prix maîtriser ce nouveau mouvement avant son prochain entraînement avec son Instructeur, car elle ne mesurait que trop bien à quel point cette manœuvre pouvait se révéler décisive : quelques instants d'anticipation ou d'inattention, c'était tout ce qui séparait la victoire de la défaite, la vie de la mort. La mort de son adversaire de la sienne...

- Tu vas arrêter avec ce couteau, à la fin ? Tu me donnes le tournis, à le sortir et le rentrer en continu... J'ai bien conscience que tu aimes les objets longs et pénétrants, mais tu n'es pas obligée d'exhiber tes penchants en public.

    Eldola soupira ostensiblement mais ne releva pas la remarque, car elle avait dû se rendre à l'évidence : répliquer à Xianthi ne faisait qu'attiser la motivation et la verve de la garce... Et contre ces armes-là, Eldola n'était pas à la hauteur du combat. Elle pouvait certes transpercer la Pupille d'un habile coup de poignet – elle y songeait souvent ces derniers temps – mais alors elle aurait définitivement perdu sa seule possibilité de s'entraîner auprès d'Edgar pour apprendre à tuer. Elle s'était résolue à accepter son châtiment le plus calmement possible et à supporter la chaotique jeune femme le temps nécessaire. Qui ne devrait plus être très long, si son entraînement continuait à progresser à ce rythme...Car alors elle pourrait enfin partir accomplir sa vengeance tant désirée.

- Et voilà, tu m'as fait raté mon point..., soupira Xianthi avec un désespoir hypocrite. Maintenant il va falloir que je recommence tout, et c'est entièrement de ta faute. Je devrais te dénoncer à l'Instructeur et te forcer à troquer ce poignard contre une aiguille pour m'aider.

- Essaie seulement pour voir, ricana Eldola.

- Toi aussi tu es inscrite à ce cours, je te rappelle, insista Xianthi.

- Et moi je te rappelle que si je suis là, c'est uniquement de ta faute. Tu aurais mieux fait de réfléchir avant de venir te mêler de mes affaires...

- Si tu tiens à le savoir, je ne regrette rien. Avoir mon souffre-douleur personnel à portée de main en permanence, c'est vraiment une délicate attention de la part de l'Institut...

    Eldola laissa échapper un grognement tandis qu'elle se retenait d'arracher les aiguilles des mains de Xianthi pour les lui planter dans la gorge... Mais quelle pimbêche insupportable ! Malheureusement, elle était tenue de jouer son rôle qui se résumait exactement à ce que venait d'énoncer l'adolescente en chaleur : depuis qu'Eldola tenait compagnie à la Pupille tempétueuse, cette dernière se tenait à l'écart des conflits qu'elle aimait d'ordinaire attiser et se contentait de se moquer de sa camarade. En échange, Xianthi lui avait appris à se faire ignorer de tous même quand on la dévisageait avec peur et appréhension depuis sa bagarre au réfectoire. Eldola détestait admettre que les conseils de Xianthi se révélaient efficaces, car sincèrement elle n'était pas sûre que cela soit une honnête contrepartie pour ses remarques cinglantes et déplacées. Sans compter sur le fait qu'Eldola était obligée de suivre Xianthi à tous ses cours : d'ordinaire elle se serait arrangée pour les sécher et ne se concentrer que sur les cours de combat ; à cause de sa camarade, elle était obligée de venir sur place. Cela ne signifiait pas pour autant qu'elle se sentait un quelconque devoir d'écouter ou même de faire semblant d'être intéressée par ce charabia pédant.

    Alors qu'Eldola se focalisait de nouveau sur son poignard, elle entendit la porte de la salle coulisser tandis que l'Instructeur demanda aux Pupilles de se lever et de faire une révérence. Eldola aurait voulu voir de qui il s'agissait avant d'abandonner sa position stratégique, mais Xianthi la força à se lever et à s'incliner. Après tout, c'était une application directe de sa première leçon : dans le doute, toujours faire comme les gens autour de soi pour ne pas se faire remarquer. Une fois autorisée à s'asseoir, Eldola put étudier le nouvel arrivant : il s'agissait d'un Techno-citoyen pur souche, avec des cheveux jaunes attachés dans son cou et des yeux marrons cachés derrière des lunettes fragiles. Eldola eut immédiatement envie de se moquer de sa tenue beaucoup trop fournie pour le climat actuel et qui devait le faire transpirer comme un esclave en plein soleil, mais Xianthi sembla lire dans ses pensées et lui admonesta une bourrade du coude avant que les commissures de ses lèvres n'aient eu le temps de se relever.

Sur la Falaise [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant