Chapitre 1 : Obscurité et justice (2/2)

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Grâce à sa diversion à l'entrée de la mine, il ne restait plus que deux gardes pour surveiller les prisonniers ; l'un d'eux portait à sa ceinture un lourd trousseau de clés qu'il surveillait avec attention. Eldola se dissimula dans les ombres et les anfractuosités des parois, et sortit d'une de ses sacoches un allume-feu alcalin : il s'agissait d'un petit cube de métal entouré d'une coque remplie d'huile servant de protection ; contrairement à un allume-feu classique, celui-ci n'était pas déclenché par la chaleur, mais par l'eau. L'humidité de la mine suffirait à l'allumer, et plus les gardes allaient essayer de l'éteindre, plus il s'alimenterait. Elle lança l'allume-feu au fond de la cellule, et elle n'eut pas à attendre longtemps avant d'entendre une voix paniquée :

⎯ Au feu !

Elle profita de la confusion des gardes pour leur subtiliser le trousseau de clés, puis le jeta vers la cellule avant de retourner se fondre dans les ombres. Pour que son plan fonctionne, elle avait besoin que les prisonniers se libèrent d'eux-mêmes, elle ne pouvait pas le faire à leur place. La combinaison des flammes et du cri d'alerte leur insuffla heureusement un peu de vie – ou en l'occurrence, de survie : ils furent plusieurs à se lever, paniqués, et à secouer la grille de la cellule avant de remarquer le trousseau de clés. Les gardes tentèrent d'intervenir, mais il était trop tard : à deux, ils ne pouvaient pas maîtriser une trentaine d'esclaves pressés de fuir les flammes ; une fois hors de leur cellule, les prisonniers réalisèrent peu à peu leur soudaine liberté, et avec leur humanité revenaient les souvenirs de leur souffrance et de qui la leur avait infligée. Les anciens esclaves ne tardèrent pas à noyer les gardes sous les coups, avant d'aller vers d'autres cellules pour libérer leurs compagnons de malheur.

Il était donc temps de passer à la troisième et dernière étape de la mission.

Eldola se dirigea vers le fond de la mine, cherchant une porte plus solide que les autres. Se considérant comme le bien le plus précieux de leur base, les petits chefs imbus d'eux-mêmes avaient tendance à faire de leur salle personnelle un véritable coffre-fort, sans réaliser que cela permettait de les repérer plus facilement ; la conviction que personne ne pourrait entrer sans leur bon-vouloir suffisait à les faire se sentir en sécurité. Eldola trouva enfin la pièce qu'elle cherchait, flanquée de deux énormes portes en pierre et non en métal, sans serrure apparente. Sa cible devait vraiment craindre le Technaume pour recourir à une préTech aussi primitive, mais c'était la meilleure solution pour se protéger de la bioTech. Dommage qu'il n'ait pas assez réfléchi pour se protéger du bon sens...

Eldola déploya une sorte de ventouse sur la porte, lui permettant d'amplifier les vibrations venant de l'autre côté ; elle se mit alors à entendre des voix, empêtrées dans une dispute hors de contrôle :

⎯ Je vous ai dit que je voulais la livraison prête à partir dans deux jours !

⎯ Nous avons fait tout ce que nous avons pu, mais ce délai n'est pas raisonnable...

⎯ Car la situation n'est pas la même ! Les Agents nous ont repérés, je vous le répète, nous devons conclure les dernières ventes et évacuer le plus vite possible !

⎯ Sauf votre respect, nous avons organisé des battues aux alentours, et nous n'avons pas trouvé la moindre trace d'Agents...

⎯ Je ne vous paie pas pour penser, sinon cela fait bien longtemps que mon commerce aurait fait faillite... Mes clients me fuient comme si j'étais une Créature, et la vermine est toujours la première à sentir les catastrophes arriver...

Eldola rangea sa ventouse, car elle avait désormais toutes les informations qu'il lui fallait : la cible était bien dans la pièce, avec au moins trois autres hommes dont elle avait identifié les positions. Elle ne pouvait pas voir s'ils avaient des armes, mais c'était probablement le cas. Elle s'accroupit pour tâter le sol sous la porte : de la terre, du bois et de la roche pas très résistante. Elle ouvrit deux nouvelles sacoches et en sortit des gants larges aux griffes épaisses. Elle sortit enfin son arme de prédilection, une dague en os légèrement ciselée, aux coups légers et aux entailles douloureuses.

Sur la Falaise [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant