Chapitre 15 : Excuses et humiliations (1/3)

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    Le Soleil allait bientôt se lever, et toujours aucun signe de Friedrich ; Eldola se demanda si elle n'avait pas cogné son époux un peu trop fort... Le bon côté des choses, c'est qu'avec sa nuit blanche elle avait presque fini de rattraper son retard sur son travail de la journée ; le mauvais c'est qu'elle n'était vraiment pas convaincue elle-même par l'histoire qu'elle s'apprêtait à raconter pour justifier ses actes de la veille. Sa stratégie ne pouvait pas reposer sur le mensonge, car il était quasi impossible de trouver une explication innocente et vraisemblable ; elle devait plutôt déformer la vérité jusqu'à être innocentée de tout soupçon malveillant. Elle était toujours vêtue de sa chemise de nuit de rechange, recouverte d'une légère robe de chambre, espérant que cette tenue mettrait son époux quelque peu mal à l'aise ; vu la situation, tous les avantages étaient bons à prendre...

     Peu avant l'aube, elle entendit enfin toquer timidement à sa porte. S'il s'était s'agit de Betsy, la porte aurait déjà volé vers le mur et tout le manoir serait informé du réveil de l'Administratrice ; donc il était plus probable qu'il s'agisse de Friedrich... Eldola inspira profondément une dernière fois, vérifia que sa tresse était bien en place et revêtit son masque émotionnel pour ne plus rien laisser deviner de ses sentiments.

- Entrez ! lança-t-elle assez fort pour être entendue depuis l'autre côté de la porte.

     Ce fut bien Friedrich qui franchit le seuil de son cabinet de travail. Eldola lui jeta une œillade rapide, avant de retourner se concentrer sur ses notes. Pour se faire passer pour innocente, il fallait d'abord qu'elle se comporte comme telle ; elle s'efforçait donc de faire comme s'il ne s'était rien passé d'important la nuit dernière. Dans ces conditions, son mari ne méritait pas particulièrement son attention ; elle avait eu le temps de noter que Friedrich avait préféré s'habiller contrairement à elle, sans doute pour se donner l'air plus imposant. Son attitude trahissait cependant un certain doute, comme s'il n'était pas sûr de la manière d'aborder la discussion. Eldola saisit immédiatement cette opportunité d'orienter la suite des événements en sa faveur :

- Je suppose que vous venez pour parler de ce qui s'est passé cette nuit, commença-t-elle sur le ton de la conversation la plus banale qui soit. Allez-vous vous excuser pour vous être jeté sur moi comme un sauvage ?

     Elle appuya ses paroles d'un regard accusateur et d'un léger mouvement des épaules qui fit remonter sa robe de chambre, lui donnait l'air à la fois extrêmement vulnérable et terriblement dangereux. Une combinaison parfaite pour déstabiliser Friedrich et lui suggérer une potentielle culpabilité. Bien qu'Eldola ait un doute sur le fait qu'un stratagème aussi simpliste fonctionne sur son mari, mais ce n'était qu'un début. Friedrich détourna le regard, semblant fasciné par la couleur des murs, si on exceptait la tension visible dans ses mâchoires prêtes à grincer au moindre mouvement. Au moins il ne tremblait pas de dégoût à sa vue pour une fois...

- En effet, je vous dois des excuses..., finit-il par soupirer. Je ne vous ai pas reconnue dans l'obscurité. Quand bien même, rien ne justifie un tel comportement. Je suis sincèrement désolé et j'espère que vous n'avez pas été blessée.

    Il appuya à son tour ses paroles avec un regard qui transperça Eldola de part en part. Il y avait tellement d'émotions qui tourbillonnaient dans ses iris pâles... Elle avait l'impression d'être transportée de nouveau dans la salle d'entraînement de la caserne de l'Échangeoir, à être témoin de ce que nul n'aurait dû voir. Il y avait de la haine braquée sur elle, mais pas envers elle ; cette colère était toute entière tournée vers l'intérieur, semblant indiquer que Friedrich se sentait en effet coupable pour ce qu'il s'était passé... Eldola ne s'attendait pas à une telle réussite, si bien qu'en fin de compte c'est elle qui fut la plus déstabilisée des deux. Si Friedrich s'excusait déjà, cela signifiait-il qu'il pensait être le seul à blâmer pour leur bagarre nocturne ? Les yeux de son époux finirent par reprendre leur dureté naturelle, indiquant que la bataille était encore loin d'être gagnée :

Sur la Falaise [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant