Chapitre 19 : Marché (1/2)

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Eldola avait vaguement conscience de la présence de Xianthi à ses côtés, en train de lui brosser les cheveux. Ils étaient maintenant assez longs pour couvrir ses oreilles, mais toujours assez courts pour qu'on la prenne pour un garçon. Eldola aurait dû s'en réjouir, elle qui n'avait jamais pu les laisser pousser à sa guise, mais elle ne parvenait pas à avoir conscience de quoique ce soit. Elle se sentait vide. Terriblement vide. Sans Xianthi pour s'occuper d'elle, elle se serait probablement déjà laissée dépérir. Non pas qu'elle ait envie de mourir. Elle n'avait juste envie de rien. Elle restait enfermée dans sa chambre, où seule Xianthi venait lui rendre visite. Elle lui apportait de la nourriture, de l'eau, du savon, quelques occupations au début, mais elle avait vite abandonné. Elle la nourrissait comme un bébé, la vêtait et dévêtait, la lavait et la coiffait. Eldola aurait dû être offusquée par son comportement, ou au moins gênée. Mais elle ne ressentait plus rien.

Car elle avait échoué.

Il y avait quelques jours de cela – ou peut-être plus, ou peut-être moins, Eldola n'avait plus bien conscience du temps qui passait – Eldola était partie de l'Institut en direction de la Colonie 12. Elle avait enfreint le règlement en ne prévenant personne, sauf Xianthi. Cette dernière avait tout fait pour la décourager, vraiment tout, en lui avouant notamment beaucoup de détails... intimes de son passé. En vain. Car il y avait plus important que le règlement, et même plus important que Xianthi : Eldola avait une vengeance à accomplir. Elle était enfin prête, et rien ni personne ne pouvait l'arrêter.

Enfin, c'est ce qu'elle avait toujours cru. Avant d'affronter la terrible réalité.

Elle n'avait pas pu se venger...

Eldola ne voulait pas repenser aux événements de cette nuit-là. Elle chassa tout souvenir de son esprit, ainsi que sa perception du présent et ses plans pour l'avenir. Il ne lui restait plus rien. Rien. Sans sa vengeance, qui était-elle ? Toute son existence se résumait à ce moment précis qui n'avait jamais eu lieu. Elle n'avait jamais imaginé sa vie au-delà de sa vengeance. Et encore moins sans. Toute cette colère, toute cette rage qui l'avait maintenue en vie pendant si longtemps et en toutes circonstances s'était évaporée de ses veines. Il ne restait plus rien. Elle n'avait plus envie de rien.

Quelqu'un toqua à la porte. Ça arrivait, parfois. Mais ça n'intéressait pas Eldola. C'était Xianthi qui se levait et allait ouvrir, échangeait quelques mots, puis refermait la porte. Cette fois-ci ne fit pas exception à la règle : Xianthi soupira en posant la brosse à cheveux, puis alla ouvrir la porte. Eldola capta des mots, mais elle n'en comprenait plus le sens :

⎯ Xianthi, il faut que tu me laisses lui parler, murmura une voix d'homme qu'Eldola aurait sans doute pu reconnaître si elle faisait un effort.

⎯ Edgar, je t'ai déjà dit qu'elle n'est pas en état, répondit Xianthi d'un ton calme mais ferme.

⎯ Xianthi, cela fait des jours que tu répètes la même chose...

⎯ Parce que la situation n'a pas changé ! Je fais tout ce que je peux, mais ça va prendre du temps...

⎯ Sauf que le temps, nous ne l'avons pas. Les autres Instructeurs sont de plus en plus impatients. Si Eldola ne retourne pas vite en cours, ils risquent de la renvoyer de l'Institut...

⎯ Qu'ils essaient donc ! Il faudra qu'ils me passent sur le corps pour ça...

⎯ Xianthi, je suis sérieux !

⎯ Moi aussi pour une fois, figure-toi. De toute manière elle n'est même pas en état de se déplacer...

⎯ Si au moins je pouvais lui parler, ça les rassurerait...

Sur la Falaise [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant