Sur la Falaise [en réécriture]

Chapitre 12 : Interrogatoire (2/2)

Eldola ne contrôlait plus rien. Comment une parfaite étrangère pouvait avoir parfaitement raison à son sujet sur une question aussi intime ? Sur une partie d'elle-même dont elle détournait sans cesse le regard ? Qu'elle protégeait avec acharnement de toute intrusion extérieure ? Elle se mit à frapper la vitre à répétition, comme si elle espérait atteindre Xianthi et ainsi faire disparaître les paroles de la jeune femme. Évidemment, elle n'avait aucune chance de réussir, elle voulait surtout frapper quelque chose. N'importe quoi. Pour se prouver qu'elle n'était pas faible. Xianthi et le garde parurent tout de même choqués quand Eldola parvint à fissurer le mur transparent : la Pupille se redressa et se colla au mur opposé, tandis que le garde dégaina son couteau, prêt à intervenir. Donc ils avaient peur d'elle. S'ils avaient peur d'elle, c'est qu'elle n'était pas si faible que ça, non ? Malheureusement, Eldola ne put briser complètement la vitre : son poing était en sang, et bientôt le matériau transparent en fut recouvert, rendant ses coups glissants. Quand la douleur la rattrapa enfin, elle arrêta de frapper. Elle n'appréciait pas de souffrir, mais parfois, elle avait l'impression que c'était la seule chose qui lui rappelait qu'elle était vaguement en vie...

⎯ Mais en quoi elle est faite cette fille..., murmura Xianthi en tentant en vain de reprendre contenance.

⎯ Cinquième question : quelle est la meilleure qualité de la personne en face de vous ? continua le garde tout en gardant son couteau hors de son fourreau.

Les deux jeunes filles restèrent muettes de surprise. Jusqu'ici les questions avaient stimulé leur haine réciproque, mais là, elles devaient soudainement se faire des compliments ? Aucune n'était vraiment d'humeur à se lancer. Mais le garde répétait inlassablement sa question, en quête d'une réponse.

⎯ T'as qu'à commencer, toi, vu que tu es si forte pour analyser les gens..., finit par lâcher Eldola.

⎯ Je crois que c'est toi qui viens de commencer finalement, répliqua Xianthi. Vu ton dévouement envers Edgar, j'imagine que tu es quelqu'un d'assez déterminé quand tu as un objectif en tête. Une détermination proche de l'opiniâtreté, mais bon...

⎯ Sixième question : quelle est votre meilleure qualité ?

Là encore, les deux jeunes filles restèrent muettes un certain temps. Eldola se serait attendue à entendre Xianthi se vanter abusivement, mais non, la Pupille semblait avoir autant de mal qu'elle à trouver une réponse qui ait du sens. Eldola ne comprenait pas pourquoi : elle n'avait pas voulu le dire tout à l'heure, mais Xianthi avait de nombreux atouts pour elle, entre sa beauté, son intelligence et son charisme. Eldola n'avait rien de tout ça. Elle n'avait jamais rien eu d'intéressant, c'était d'ailleurs pour ça qu'on lui avait fait autant de mal et qu'on lui avait laissé sa cicatrice : parce qu'elle n'était pas à la hauteur.

⎯ Edgar dit que je sais bien me battre, finit par répondre Eldola.

⎯ J'ai beau réfléchir, j'imagine que l'analyse d'Eldola est sans doute la bonne : je cerne bien les gens, répondit à son tour Xianthi. Trop bien, même...

⎯ Septième question : quel est votre pire défaut ?

⎯ Je suis... une moins que rien..., murmura péniblement Eldola, répétant cette insulte qu'elle avait entendue tant de fois en sachant pertinemment que c'était vrai.

⎯ Oh, on fait dans la réponse honnête ? s'étonna Xianthi. Je n'aime pas trop que tout ça soit pris en note, mais j'imagine que je n'ai pas vraiment le choix... De toute façon, tout le monde connaît mon pire défaut : ça m'amuse de casser les gens. De les briser en mille morceaux, de voir leur esprit résister puis imploser sous son propre poids. C'est juste... tellement facile. Et tellement jouissif. Ce qui fait sans doute de moi quelqu'un de cassé également...