Sur la Falaise [en réécriture]

Chapitre 17 : Intervention (2/2)

Du coup Eldola passa le reste de la journée à des endroits inhabituels afin d'être sûre que Xianthi ne puisse pas la trouver – non pas que sa camarade la cherche activement, mais Eldola préférait être prudente pour ne pas raviver sa rage. Elle dut cependant finir par retourner à sa chambre, n'ayant nulle part ailleurs de confortable où dormir. Elle fut soulagée de constater que Xianthi était déjà couchée, enfin délestée de son encombrant soupirant. Eldola s'apprêtait à faire de même, mais le sommeil la fuyait à cause de sa fureur qui coulait encore dans ses veines, la brûlant de l'intérieur ; elle s'allongea, mais passa plus de temps à se tourner et se retourner plutôt qu'à garder les yeux fermés. Quand enfin elle parvint à se détendre, elle capta un grincement sourd en provenance du couloir ; on aurait dit une porte du dortoir... Elle se leva pour vérifier que sa porte était bien fermée – il n'y avait pas de serrure pour fermer à clé, mais il y avait néanmoins une clenche assez lourde à actionner, ce qui causait du bruit et laissait des traces. Elle fut soulagée de constater que personne n'avait essayé de s'introduire dans sa chambre, mais se demanda alors qui était la Pupille visée. Un rapide balayage visuel du couloir lui confirma que la porte de Xianthi était entrouverte...

Eldola referma sa porte et retourna se coucher. Après tout, ce n'était pas ses affaires. Ce n'était pas ses affaires. Pas ses affaires. Elle se répéta la phrase en boucle, mais au lieu de renforcer son argument, elle avait l'impression qu'il perdait plutôt en vigueur...

- Vous faites une inspection nocturne ? demanda la voix de Xianthi à travers la cloison.

Eldola recouvrit ses oreilles avec sa couverture. Elle allait avoir beaucoup trop chaud, mais qu'importe, elle ne supportait pas d'entendre la voix de Xianthi à travers la fine cloison séparant leurs chambres. Vu que sa voisine parlait la langue du Technaume, elle ne comprenait pas ce qu'elle disait, mais elle devinait aisément qui était le visiteur nocturne...

- Je me dois d'être minutieux, ricana la voix de l'Agent Vladimir. D'après ce que j'ai cru comprendre, c'est de votre faute si cette inspection surprise a été commanditée et que j'ai été dépêché dans ce trou perdu fumant.

La voix d'homme avait maintenant des intonations colériques. Il semblait reprocher quelque chose à Xianthi. Que pouvait-il bien lui vouloir ? Mais Eldola s'en fichait. Après tout, ce n'était pas ses affaires.

- La moindre des politesses serait de me dédommager, qu'en dites-vous ? continua la voix de l'Agent avec un accent si calme qu'il en devenait glaçant.

- Alors toute cette mise en scène, c'est uniquement pour obtenir mes faveurs ? ria doucement Xianthi.

Voilà. Eldola n'avait pas à s'inquiéter. Xianthi riait de la situation. Donc il ne se passait rien de grave. C'était exactement ce qu'avait dit Edgar : cette inspection n'était rien de grave. Elle devait se tenir tranquille. Et ce n'était surtout pas ses affaires.

- Vous auriez dû mieux vous renseigner, vous auriez réalisé que je ne vaux pas autant d'effort, continua Xianthi. Enfin bon, si c'est cela qui vous excite... Laissez-moi quelques instants.

Eldola frissonna en écoutant la dernière phrase de sa camarade. Elle ne lui avait jamais entendu une voix aussi... résignée. Comme si Xianthi avait perdu toute envie de se battre. Ou comme s'il n'y en avait jamais eu une, et qu'elle le laissait enfin paraître...

Pas ses affaires...

Eldola fut incapable de se retenir ne serait-ce qu'un instant de plus. Elle bondit silencieusement hors de sa chambre et s'introduisit dans celle de sa voisine. La scène qu'elle découvrit était à peu près la pire des configurations qu'elle pouvait envisager : l'Agent Vladimir menaçait Xianthi avec un poignard tandis que cette dernière était en train de se dénouer sa chemise de nuit. Sans effort – étant donné que ce Techno-citoyen n'avait d'Agent que le titre – Eldola le désarma, le plaqua contre le mur et l'empêcha de crier, le tout en un geste fluide. Edgar aurait été fier d'elle ; maintenant qu'elle savait ce qu'elle avait à faire, elle était complètement maîtresse de sa concentration.