chapitre 12

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Paul ralentit, il laissa s'avancer ses nouvelles amies qui découvrait les décorations du bar, saluait Antoine comme s'il était leur petit fils.

Suzanne l'attendit, claqua une bise sur la joue d'Antoine, et lui dit joyeusement : il sait qui je suis, il a compris dans le salon de thé de Marianne.

Antoine était donc au courant.

Il se retrouvait donc en en quelques jours manipulé par une bande de veilles dames, avec à leur tête Suzanne, ses gilets et ses rubans, et Antoine, vingt ans pile.

Elles avaient visiblement leur table, au fond du café.

Il s'avança doucement, leur proposa un chocolat chaud.

Il provoqua une salve de rires, Antoine préparait déjà les verres de Chardonay.

Il proposa à Paul de préparer quelques tapas.

Paul se précipita derrière le bar.

Antoine souriait, ses yeux brillaient d'une lueur enfantine:
-pas trop secoué ?

C'était exactement la sensation de Paul, d'être monté dans des montagnes russes, propulsé sans rien maîtriser.

Il ne luttait plus, ne lui demanda pas comment il connaissait Suzanne, et choisit de se concentrer sur la cuisson de chipirons .

Il hacha le persil, l'ail, le bruit du couteau fit tourner les quatre paires d'yeux de la table du fond.

Elles le couvaient du regard, se mirent à chuchoter, puis reprirent leur conversation.

Paul fit sauter les chipirons, et s'attaqua aux pommes de terre façon patatas bravas.

Comme la dernière fois, les gestes revenaient, le fumé de la cuisson le transportait comme s'il n'avait pas mangé depuis quinze ans.

Il goûtait, secouait ses poêles, les aliments sautaient, retombaient en rythme.

Il dressa les tapas sur des planches en ardoise, et les emmena à la table.

Les cils se remirent à battre, Suzanne tapa dans ses mains de joie.

Antoine se joignit à eux.

Rien n'était normal, il était perdu mais se sentait à sa place ce soir, dans le présent.

Il travaillait le lendemain mais ne pensait pas au petit ventre suffisant de Jean.

Elles lui demandèrent depuis quand il cuisinait.

Il répondit deux jours, puis trente ans.

Elles dégustèrent, Antoine parlaient d'un projet d'agrandissement, de créer un menu le midi.

Elles étaient toutes au courant, et l'encourageaient.

Paul décida de prendre part à la conversation comme si il était des leurs.

Elles voulaient d'autres tapas.

Il s'exécuta, passa sa chemise par dessus son pantalon, sa main dans ses cheveux, i n'avait aucune idée de l'heure, ne pensait plus, se concentra sur les préparations.

Un verre de blanc sur le bar l'attendait.

Antoine l'invita à fouiller dans le réfrigérateur.

Il choisit des piments, des poivrons, des oignons.

Le résultat provoqua à nouveau une salve de compliments.

Il était décoiffé, transpirant, ses yeux brillaient.

Il s'assit à califourchon sur un tabouret, expliqua ses préparations, et les dégusta entre Suzanne et Antoine.

Ce dernier lui demanda où il en était de sa crème brûlée.

Il expliqua qu'il avait passé la nuit à la faire, la refaire , et avait approché le goût de son souvenir.

Suzanne l'avait goûté, lorsqu'elle rendait visite à sa grand-mère.

Elles lui proposèrent de la mettre à la carte du salon de thé le lendemain.

Paul paniquait, il se souvint aussi qu'il avait un travail.

Ce à quoi Suzanne rétorqua que la bonne nouvelle était que sa grand mère était morte.

Elles éclatèrent de rire. Il était encerclé, cerné.

Il les laissait entrer dans sa vie cadenassée, et tremblait de peur à nouveau.

Puis il pensa à Balthazar qui chantait sur scène, regarda Antoine qui vivait la vie qu'il avait choisi, il n 'allait pas reculer devant une recette.

Il n'osait pas poser de questions.

Pourquoi Suzanne qui l'observait depuis plusieurs années dans leur quartier s'était elle décidée à aller vers lui.

Il préféra évoquer le projet d'Antoine, demander comment il pensait agrandir son bar.

La diversion dura quelques minutes.

Marianne lui demanda à quelle heure il viendrai le lendemain.

Elles décidèrent pour lui d'une bonne nuit, d'un entraînement le matin, et d'un rendez vous au salon vers douze heures trente.

Le bar était vide, il ne restait qu'eux, la guirlande de bouteilles clignotait, Paul aidait à ranger la salle.

Il se demanda tout à coup quand il allait prévenir Jean de son absence, il avait peur qu'il le voit dans le salon de thé.

Suzanne lui expliqua qu'il y avait une petite cuisine à l'arrière, et avec un sourire énigmatique, lui dit que cela ne serait peut être pas plus mal si il le voyait.

Mais Paul lui répondit que son travail était important, il avait quarante ans, et aucun autre avenir.

Ce à quoi Suzanne répondit par un haussement de sourcils, si prononcé que le ruban dans ses cheveux frémit, ce qui fit sourire Antoine également, et par ricochet Marianne et ses amies.

Il sourit aussi sans savoir pourquoi.

Suzanne ôta le ruban de ses cheveux, et le posa dans sa main, il te donnera du courage, regarde le quand tu appelleras Jean demain.

Paul ne la contredit pas, prit le ruban et le plia soigneusement dans sa poche.

Antoine s'apprêtait à fermer, quand il lui demanda s'il pouvait lui emprunter des œufs et du lait.

Il les salua, et fila.

Il entra dans son immeuble, la porte de la concierge était entre ouverte, elle passa la tête, le salua, son regard se posa sur le bout de ruban qui sortait de sa poche, elle soupira et sourit en lui souhaitant bonne soirée.

Que lui voulaient il tous? Connaissait- elle Suzanne ? Antoine connaissait- il la concierge? Depuis quand Suzanne le suivait- il ? Est-ce que la demande de son père était la seule raison?

Il décida de ne se poser aucune question jusqu'au lendemain.

Il s'apprêtait à recommencer à l'infini sa recette, et ses lèvres souriaient sans qu'il le sache.

Son appartement immaculé l'attendait, il poussa la porte , et fila directement dans la cuisine.

La casserole avait été lavée, il fut déçu de ne pas pouvoir goûter à nouveau le fond.

Il cherchait la musique de Balthazar, se changea et commença sa recette.

Mr Patate était ravi et l'observait allongé sur le plan de travail.

Paul ne sentait aucune fatigue, survolté par l'échéance du lendemain.





















Les Fleurs poussent aussi sous le bétonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant