Je déteste l'été. Je déteste la chaleur étouffante de l'extérieur, je déteste ces saletés de moustiques, et je déteste les pieds nus. Je déteste vraiment l'été de tout mon cœur.
Mais celui-là encore plus.
— Ça va faire tellement bizarre...
Ma meilleure amie Maxine est assise sur le capot de sa vieille Fiat bleue, une cigarette à la main.
— Je sais.
Je pose mes fesses sur ma petite valise de cabine en poussant un long soupir. Elle est recouverte de tous les stickers qui n'ont jamais eu le hasard de croiser ma route. Il y en a des bleus, des rouges, des verts. Il y en a pour chaque État que je n'ai jamais pu visiter. Il y en a également pour chaque film que je n'ai jamais eu la curiosité de visionner. Plutôt que de représenter des morceaux de mes expériences passées, ces stickers sont un rappel que je n'ai pas beaucoup vécu. Pour être tout à fait honnête, c'est même la première fois de ma vie que j'ai l'occasion de me servir de ma valise. Mes parents n'ont jamais été très tournés vers les vacances. « Une perte d'argent », selon eux.
Le cœur lourd de nostalgie, j'ai le regard perdu dans le vide qu'ils ont laissé derrière eux.
Le vide. Car c'est ainsi que je dois appeler la maison dans laquelle j'ai grandi, désormais. Pourquoi ? Parce qu'il n'en reste plus rien. Rien de plus que les murs, les portes et la toiture. Un squelette de ce qu'elle était autrefois. Deux semaines plus tôt, le sheriff est venu me remettre une lettre d'éviction en main propre. Ça m'a tout juste laissé le temps de vendre nos meubles. De l'immonde lustre baroque qui surplombait la cuisine, jusqu'au canapé dans lequel j'ai retrouvé le cadavre de ma mère.
Ouais, on ne peut pas dire que je passe un été réjouissant.
Ma mère est morte des suites d'une intoxication en juin dernier. Pas une intoxication alimentaire, non. En seulement trois heures, ma mère a consommé son stock de vodka jusqu'à ce que sa vodka la consume.
Je me retrouve donc là avec une simple valise à mon nom. Je me suis même résignée à vendre mes rollers adorés. Les temps sont durs ; j'ai besoin de l'argent bien plus que du bonheur qu'ils m'apportent.
— On a tellement de souvenirs ici... je n'arrive pas à croire qu'il ne reste plus rien.
Max, qui d'habitude est un as dans l'art de me remonter le moral, se montre particulièrement morose aujourd'hui. Certainement le contrecoup de voir notre passé se faire saisir par les huissiers.
— Je sais, répété-je avec peine.
Respirer me paraît difficile. J'ai les poumons comprimés et la boule à la gorge. Je n'arrive toujours pas à croire que je n'ai plus de toit au-dessus de ma tête. Ce n'est pas juste une maison que j'ai perdue. C'est ma vie entière. La majorité de mes souvenirs, mon sentiment de sécurité... tout cela ne m'appartient plus.
— Toujours pas de nouvelles de ton père ?
Mon père ? Je rigole intérieurement. Monsieur a disparu sans un mot il y a environ deux semaines, juste après que je lui ai tendu la lettre d'éviction. En qualité de bon marin, il a senti les mauvais vents à l'horizon et, en qualité de capitaine en carton, il a aussitôt abandonné le navire (il n'est pas vraiment marin soit dit en passant. En fait, il n'est pas vraiment grand-chose d'autre qu'un ivrogne). Je parie ma valise qu'il squatte chez son frère. À vrai dire, je n'en sais rien. Je ne suis pas partie à sa recherche. Je n'ai pas non plus fait l'effort d'aller voir les flics pour signaler sa disparition. Je sais qu'il n'a pas été enlevé, c'est tout ce qui compte. Mon père est juste un trouillard. Je n'irai pas jusqu'à dire que son sort m'est égal, c'est juste que cette distance entre nous ne peut que m'être bénéfique.
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The love theory [Tome 1/2]
Romance𝘊𝘢𝘮𝘱𝘶𝘴 𝘙𝘰𝘮𝘢𝘯𝘤𝘦 | J'aime formuler des théories farfelues sur tout et sur rien. C'est pourquoi lorsque je me cogne contre Zach Stone, un étudiant aussi grossier qu'insolent, je ne peux pas m'empêcher de me pencher sur son cas. Théorie n°1...