L'idiot de service

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Je suis en train de taper ma réponse, les sourcils froncés, quand je reçois un second message :

De : Numéro Inconnu

C'est Zach.

Ah. Crotte. Flûte. Mince ! Mais comment a-t-il trouvé mon numéro ? Comme souvent, je choisis de l'embêter.

À : L'idiot de service

Le numéro que vous essayez de joindre n'est pas en service

De : Numéro Inconnu

Bien essayé, j'arrive quand même

À : L'idiot de service

Pour quoi faire ?

C'est la première fois que j'ai des nouvelles de lui depuis notre nuit sur le parking du centre commercial. À tous les coups, c'est maintenant qu'il a choisi pour réclamer la faveur que je lui dois.

De : L'idiot de service

Soirée chez les Delta Tau. Je viens te chercher.

Bah voyons ! Il croit quoi ? Que je suis disponible pour lui à toute heure de la journée ? Ce qu'il peut se montrer exaspérant !

À : L'idiot de service

Ça ne te viendrait pas à l'esprit de me demander mon avis ?

De : L'idiot de service

Toutes mes excuses. Cette demoiselle est-elle libre pour passer la soirée en mon humble compagnie ?

Ok, là il est carrément insolent. Et il en rajoute une couche dans son prochain message :

De : L'idiot de service

(Je sais que tu l'es, pas la peine de mentir. À la BU, je parie ?)

À : L'idiot de service

Humble ? Lol

Figure-toi que je suis sortie avec des copines.

Vas-y tout seul à ta soirée.

Je verrouille mon téléphone et tente de me concentrer sur ma série, mais mon téléphone ne cesse de vibrer sur la table.

De : L'idiot de service

Mytho. Je te vois.

Lève les yeux

T'es vraiment en train de me ghoster en live là ?

T'es mignonne quand t'es concentrée

Mon cœur manque un bond. Puis un deuxième. Je l'écoute et lève les yeux en panique. M...ince, il avait raison ! Il se tient là, appuyé contre une rangée de livres, son regard énigmatique rivé sur moi. Il hausse les sourcils dans l'expectative.

— On peut savoir ce que tu fais là ?

Je demande ça à moitié en murmurant, à moitié en criant. Il est peut-être 23h, et il n'y a peut-être personne autour, mais on reste dans une bibliothèque.

— Je viens te chercher, espèce de menteuse.

— Comment t'as eu mon numéro ?

— Tu l'as mis en public sur Facebook.

Oups, j'ai dû le rentrer naïvement quand j'ai créé mon profil à quatorze ans. Il va falloir que je rectifie ça au plus vite.

Mais, attendez une seconde...

— Je ne t'ai pas en ami...

— Non, mais Rylan t'as envoyé une invit'.

— Tu sais que t'es un sacré psychopathe ? Tu n'as personne d'autre à harceler, genre cette blonde de l'autre fois ?

— Claire je veux la mettre dans mon lit, je suis gentil avec elle.

— Comme c'est romantique... T'as qu'à l'emmener elle à ta soirée.

— Elle vient déjà avec ses potes. Et toi tu vas venir avec moi. T'en as pas marre de passer ton temps à la BU ? Sérieux, c'est samedi soir, tu fais pitié.

— T'es vraiment un amour quand tu t'y mets, on te l'a déjà dit ?

— Aurore, regarde autour : il n'y a que toi ici.

Je me laisse tomber en arrière en poussant un profond soupir.

— Ta façon de faire me donne envie de te jeter mes manuels au visage.

— Quoi ? Pourquoi ?

— J'ai comme l'impression que tu veux rendre Claire jalouse. Admets-le. Et comme je suis la seule fille qui daigne t'adresser la parole, tu as l'intention de te servir de moi.

— Tu sais que t'es vraiment méchante parfois ? Peut-être que j'aime juste ta compagnie.

Je me sens tout de suite coupable. Avec les recherches secrètes que je mène à son sujet, j'ai tendance à oublier qu'il peut être doté d'émotions. Je ne dois pas me laisser aveugler par mes théories, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.

— C'est le cas ?

— J'aime bien traîner avec toi, dit-il en haussant les épaules. Allez, viens ! Tes bouquins assommants seront toujours là demain.

Je referme brusquement mon écran portable et le meurtris du regard.

— C'est toi que je vais assommer, Zach Stone.

Il me décoche un sourire éclatant quand il constate qu'il a réussi à me faire craquer.

— Il faut que j'aille me changer. On se rejoint sur le parking dans vingt minutes ?

— Pas le temps. C'est bon, t'es bien comme ça.

— Je ne vais pas y aller comme ça, je suis en pyjama !

Pour appuyer mes propos, je désigne mon short noir, mes converses défoncées et mon t-shirt gris. J'ai trouvé ce dernier à l'arrière de ma voiture, sûrement oublié là par Maxine (ou l'une de ses conquêtes, vu la taille). Il est bien trop grand pour moi, ce qui le rend parfait pour les soirées flemmes.

— Mais si, t'es très bien. Allez, bouge tes fesses.

Il m'empêche de protester quand il passe la hanse de mon sac sur son épaule et qu'il s'en va avec. Je prends mon PC sous le bras et trottine après lui. Quand on arrive à hauteur de sa sublime Jeep, je décide qu'une tentative de chantage est de mise.

— Si tu veux que je vienne, tu me laisses conduire ta Jeep.

Il arque un sourcil et agite mon sac en l'air.

— Si tu veux récupérer tes affaires, tu ferais mieux de poser ton joli petit cul sur le siège passager.

J'écarte les lèvres de choc. Comment ose-t-il nommer mon derrière ? Hélas, je ne peux rien faire d'autre que de baisser les bras et monter dans sa voiture.

Aussitôt qu'il met le contact, un morceau de rap jaillit des baffles. Grâce à notre longue conversation nocturne, je ne me crispe pas. En fait, j'en viens même à taper du pied en rythme avec la musique.

— Il va bien ton Roméo ? s'enquiert-il après un moment.

— Comme jamais.

Je me concentre sur le paysage sombre pour éviter de croiser son regard. La vérité, c'est que nous n'avons échangé que trois conversations depuis notre appel désastreux. C'était il y a presque deux semaines. Nos rares messages sont distants, mais... courtois, je crois. Pas de quoi s'alarmer.

Tout va finir par rentrer dans l'ordre, comme chaque fois.

The love theory [Tome 1/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant