The love theory [Tome 1/2]

T'as vu ma nouvelle bague ?

Le bulletin de fin de semestre est en ligne. Après l'incident « Lucas », mes notes ont dégringolé pour le pire. Je crois même que c'est la première fois depuis le début de ma carrière d'étudiante que j'ai reçu une note en dessous de la moyenne.

Le mois de novembre s'est révélé être une catastrophe absolue, pour ainsi dire. Non seulement parce que j'avais du retard à rattraper, des cours à retaper, et une multitude de dissertation à rédiger, mais aussi parce que le patron du MG's m'a engagée en CDD pour remplacer le barman qui s'est fracturé la cheville. Ce qui veut dire que j'ai du boulot (et une rentrée d'argent !) jusqu'à mi-janvier, mais aussi que j'ai deux fois moins de temps pour étudier.

Mais, si je m'en tiens à la lettre au programme massif que je me suis édifiée pour les vacances de Noël, alors tout rentrera dans l'ordre. Peu importe la note moyenne que j'ai reçue, je vais réussir à rattraper le coup.

J'inspire profondément, bloque ma respiration et clique sur le lien. Je m'autorise à respirer uniquement pendant le chargement de la page. Mon ordinateur portable a un temps de réponse tellement long que je me permets d'aller me chercher un autre café.

Quand je reviens, la tasse manque de me glisser des doigts.

Je ne le crois pas. C'est un désastre.

J'ai à peine la moyenne.

Je dois rester bien cinq minutes les yeux fixés sur ma note, puis dix autres à éplucher mon bulletin. Il n'y a pas de secret : tout est parti en cacahouète quand Lucas a détruit l'entièreté de mes cours, mettant ainsi en péril mon succès académique. En cet instant, je lui en veux à mort. Il a bien de la chance d'être à des kilomètres d'ici, parce qu'il mériterait que je lui rende la monnaie de sa pièce !

D'un geste rageur, je referme mon vieil ordi. Dehors, le ciel est blanc et les nuages sont chargés. J'aimerais faire un tour au centre commercial avant qu'il neige. Je sens que, quand ça va tomber, ma voiture va se retrouver coincée sur place jusqu'à ce que le soleil repointe le bout de son nez au printemps. Et puis, quel meilleur moment que maintenant ? J'ai reçu ma première paie complète, et j'ai besoin de me remonter le moral.

Je finis mon café et sors du Green Roof. Sur le trottoir, je prends un instant pour humer l'air. Le froid me picote l'intérieur des narines. Oui, il va bientôt neiger.

Je dois dire que, étant l'opposé direct de l'été, je ne peux qu'aimer l'hiver. En tout cas, j'adorais l'hiver... avant de vivre dans une voiture au chauffage défaillant. Là, c'est l'enfer. J'en viens presque à regretter l'été. Presque. Pour le moment, je m'en sors bien avec mes deux couvertures et mon pyjama façon esquimau : deux paires de chaussettes, des collants, un legging épais, deux pulls, une écharpe (tellement grande qu'elle peut faire office de plaid), et un bonnet. Oui, je dors avec tout ça, chaque vêtement rentré l'un dans l'autre pour empêcher l'air glacée de s'infiltrer par une faille. Mais ce n'est pas ça le pire. Le pire, c'est l'idée de me réveiller un beau matin, et de découvrir que la neige est tombée dans la nuit. Le pire, c'est la peur d'actionner la poignée et de me rendre compte que le gèle a pris possession de ma voiture. Le pire, c'est l'angoisse de me retrouver coincée à l'intérieur, bloquée sous une montagne de flocons inoffensifs.

Très franchement, je tuerais pour une paillasse près d'une cheminée.

Je vadrouille dans les galeries du centre commercial en dévorant un bretzel à la cannelle. Je ne recherche rien de particulier, j'apprécie juste l'ambiance festive et la présence des gens... tout en étant seule dans ma bulle.

En fait, je crois que le pire dans l'hiver, c'est la solitude. Ça fait deux semaines que je ne parle plus à personne. J'ai même refusé de réviser les partiels en la présence de Sophia-Rose pour me concentrer à fond sur mes cours. Je croise Jareth de temps en temps, mais pareil, j'ai mis fin à nos traditionnels petits déjeuners avec l'arrivée de la semaine de révision. En plus, il aime bien changer régulièrement de spot pour dormir, alors que moi je suis abonnée au parking du Green Roof.