The love theory [Tome 1/2]

La fréquentation

Je vogue sur un petit nuage d'insouciance et de légèreté. Je pourrais élaborer une raison romantique du genre « depuis que j'ai rompu avec Lucas, la vie est plus belle et les couleurs sont plus vives », mais ce ne serait pas entièrement vrai. Non, la vérité c'est que je ne me suis jamais sentie aussi revigorée que depuis que j'ai couché avec Zach. J'ignore pourquoi, mais il me fait me sentir vivante comme rien d'autre n'y parvient.

Honnêtement, si je n'étais pas coincé avec la fête surprise de Zach, je lui aurais sauté dessus pour remettre ça.

— Tu veux qu'on aille au MG's un peu, histoire que tu te fasses remarquer ?

Je ne peux pas m'empêcher de sourire en entendant la proposition de Sophia-Rose. Au début je devais la traîner au MG's en la suppliant, et maintenant elle est à fond dans mon plan. J'adore !

— Non, j'ai plein de choses à préparer encore. On se voit ce soir pour l'anniversaire de Zach ? Bisous les filles !

Je dépose Lizzie et Sophia-Rose au pied de leur résidence avant de conduire jusqu'à l'appart. J'ai les bras chargés de sacs quand je déboule dans la cuisine. J'ai vidé mon compte bancaire à sec pour acheter les ingrédients pour le gâteau, des assiettes en carton « la reine des neiges », et des chapeaux pointus. Ah, et je me suis aussi trouvée un ordinateur portable d'occasion ! Il est encombrant et fait autant de bruit que le moteur de ma voiture, mais je n'ai pas besoin de plus pour noter mes cours.

— Il est là, Zach ? demandé-je à Tarik quand il pénètre dans la cuisine.

— Non, il est déjà chez son oncle.

— Parfait, je vais faire le gâteau maintenant.

Pendant l'heure qui suit, je m'attèle derrière les fourneaux. En plus du gâteau, je prépare des pizzas et des muffins qu'il ne nous restera plus qu'à faire cuire en rentrant ce soir.

— On y va !

— J'arrive, j'arrive !

Rylan passe sa tête par l'entrebâillement de la porte de la chambre.

— T'es canon. T'as pris ton maillot ?

— Mon maillot ? Pour quoi faire ?

— Bah, se baigner ? L'oncle de Zach a une piscine chauffée. Je pensais que les mecs t'avaient prévenue.

— Sérieux les gars ? m'exaspéré-je. Ça aurait été bien de me le dire avant.

Non seulement je n'ai pas de maillot, mais en plus je ne suis pas épilée au niveau de l'entrejambe. J'adore mes colocs, mais qu'est-ce qu'ils peuvent se montrer casse-bonbons !

— Ah... Je peux te prêter un short de bain, mais pour le haut...

— Laisse tomber, je ne me baignerai pas, c'est pas grave.

Je prends mon sac et vérifie mon maquillage une dernière fois dans le miroir. Mes yeux sont mis en valeur grâce à du fard à paupière dorée, de l'eye-liner et du mascara. Mes cheveux sont relevés en une haute queue de cheval qui cascade jusqu'à mes omoplates. Ma robe étant ouverte dans le dos, je sens leurs pointes me chatouiller la peau. En plus de ça, j'enfile le trench souple que m'a prêté Sophia-Rose, et on peut enfin se mettre en route.

C'est Tarik qui conduit au volant de sa Clio. En moins de quarante minutes, nous arrivons devant une magnifique villa à la façade blanche. Mon sac à la main, je suis les garçons qui font le tour de la maison par l'extérieur pour arriver directement dans le jardin, au niveau de la piscine. Tout le monde est déjà là : une partie de l'équipe de foot, deux ou trois nanas qui les accompagnent partout où ils vont, et d'autres personnes que je n'ai jamais vues. Tiens donc, je ne me doutais pas que Zach avait des amis en dehors de la fac !

J'éprouve un pincement au cœur quand je découvre la présence de Claire. C'est avec moi qu'il préfère être (ce sont ses mots, pas les miens), mais je constate que ce n'est pas suffisant pour prendre ses distances avec elle. J'essaie d'endiguer la jalousie tant bien que mal. Je n'ai rien contre l'idée de tenter l'expérience « sex friends », je demande juste que Zach ne me prenne pas pour une idiote en se pavanant un coup avec elle, un coup avec moi.

Tout le monde est installé dans le pool house, la musique faisant vibrer les murs. Zach est derrière le bar en train de préparer des cocktails. En nous voyant arriver, il aligne quatre verres à shot sur le comptoir.

— Venez-là !

Il remplit les verres de vodka et lève le sien en l'air pour trinquer.

— À la coloc !

— À tes vingt-deux ans !

Je ne peux pas m'empêcher de grimacer quand j'avale l'alcool cul-sec. Les garçons se fichent de moi avant de se resservir un coup. Je préfère m'abstenir d'enchaîner les shots, sinon je vais me retrouver à chanter l'hymne nationale, à poil dans la piscine.

À peine ai-je posé les fesses sur le canapé que Zach me glisse un verre entre les mains. Je renifle le contenu, perplexe. Ça a l'apparence et l'odeur d'un mojito, mais avec lui on ne peut jamais trop être sûr.

— Merci !

Je le goutte du bout des lèvres et manque de recracher le liquide. Beaucoup trop de rhum ! Une fille à ma gauche explose de rire en voyant ma grimace. Je la reconnais tout de suite comme la sœur de Zach.

— Annabelle ! Je ne t'avais pas vue ! Comment tu vas ?

— Très bien, merci. Alors, comment se passe la coloc avec mon frère ?

— Très bien, il est... génial.

— Ugh... je me souviens quand on vivait chez mes parents, on se chamaillait tout le temps.

— Je peux comprendre pourquoi.

On continue à discuter comme ça un moment, jusqu'à ce qu'un mouvement général entraîne les invités dehors pour se baigner.

— Tu viens ? m'interroge Zach en voyant que je traîne derrière. T'as pris ton maillot ?

— Non, mais je vais me tremper les jambes.

Il n'insiste pas et, ensemble, on se dirige à l'extérieur. Il a toujours un verre à la main, à croire qu'il est glué à sa paume. Il le lâche uniquement pour retirer son t-shirt et plonger.

Assise au bord des marches, les pieds dans l'eau, je le matte ouvertement se mouvoir sous la surface. Il émerge tout près de moi, les cheveux gouttant sur son front. D'un geste franchement sexy, il les dégage de son visage pour les tirer en arrière.

Il me prend en flagrant délit de lorgnage intempestif. Si j'en crois son petit sourire en coin, ça l'amuse. Il se rapproche, la tête à moitié plongé dans l'eau. Ses yeux sont fixés sur moi à la façon d'un prédateur.

— Arrête de te ronger les ongles et viens te baigner !

— Je t'ai déjà dit que je n'ai pas de maillot.

Et puis, je veux bien que l'eau soit chauffée, mais il fait quand même frisquet dehors.

Il soupire avec la lassitude, comme s'il pensait que je ne faisais pas d'efforts.

— J'espère que tu sais comment ça va finir cette histoire ?

Je me redresse droit comme un poteau. Son ton malicieux ne me dit rien qui vaille. Il n'oserait tout de même pas me jeter à l'eau ? Avant que je puisse déchiffrer le fond de sa pensée, nous sommes rejoints par son cousin.

— C'est elle la fille que t'héberges ? demande-t-il avec sa voix de prépubère.

— Ouais, dit-il en ricanant, c'est une fréquentation.

Pendant un instant, je crois qu'il parle de son cousin. Et puis ça me frappe : c'est moi, la fréquentation.