L'élève modèle

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— Échec et mat !

Jareth baisse les yeux en direction du plateau. Ses sourcils se froncent sous le poids de la défaite.

— J'y crois pas... La prochaine fois on sort les petits chevaux.

— Parce que tu crois que je ne vais pas gagner là aussi ? Je suis imbattable.

— Et modeste, tant que t'y es.

Il range son jeu d'échecs pendant que je finis mon dîner (à savoir mes restes de midi, une salade insipide).

Jareth est l'étudiant qui, comme moi, vit dans sa voiture. Il a fait le premier pas vers moi en début de semaine, et notre amitié a très vite germé de nos conditions de vie communes. Parce que sa famille est aisée, l'université lui a refusé la bourse, et la banque un prêt. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que ses parents lui ont coupé les vivres il y a un an. Cela fait donc un an qu'il vit dans son 4x4. Même moi qui sais ce que ça fait, ça me donne le tournis.

Où serai-je dans un an ?

Jareth fouille l'arrière de sa voiture et revient à la table avec son ordinateur. De toute évidence, il a eu du temps pour trouver une multitude d'astuces afin d'améliorer son confort. Il est équipé d'une table et de chaises pliantes. L'intérieur de sa voiture est organisé de sorte que tout a sa place, là où ma Fiat se rapproche plus d'une déchetterie. Et cerise sur le gâteau, il a retiré les sièges arrière afin de pouvoir installer un matelas. Très franchement, je suis jalouse.

D'autant plus que ma voiture ne démarre plus. Je ne sais pas d'où ça vient, et je n'ai pas le moral de me pencher sur la question. Si je le fais, je crois que je vais pleurer. Qu'importe, j'ai envie de dire. Tant que je peux dormir dedans, tout va bien... non ?

Des rires me parviennent de l'autre bout du parking. Je me penche en arrière pour voir s'ils risquent de se rapprocher, mais non. Ce ne sont que des passants.

— Détends-toi, tu vas forcément finir par croiser des gens que tu connais.

— J'aimerais repousser ce moment autant que possible.

C'est pour cette raison précise que j'ai demandé à ce qu'on se cache derrière son 4x4, dans un coin reculé du parking du Green Roof. Je me sens aussi riquiqui qu'un insecte indésirable, mais ça m'assure un semblant de tranquillité.

— J'ai cours, faut que j'y aille, déclaré-je en rassemblant mes affaires. On se voit plus tard ?

— Tu sais où me trouver.

Je m'élance en direction de l'amphi en prenant soin de regarder devant moi. Le pire truc qui pourrait m'arriver ces jours-ci, ce serait de tomber sur Zach. Depuis l'incident de la voiture, dès que je pense à lui, mon corps est traversé d'un frisson d'horreur. Actuellement, je crois qu'il est la seule personne sur Terre que je déteste. Et je déteste le fait que je le déteste. Je ne peux pas m'empêcher de penser à ses petites affections, comme cette fois où il m'a prêté sa bouteille d'eau. Ou bien cette nuit magique que l'on a passée dans sa voiture. Je repense à tout cela et je me dis que c'est dommage... Dommage qu'il soit un aussi gros casse-bonbons !

Nous sommes à la moitié de mon cours de psychologie cognitive quand un léger tumulte s'élève depuis l'entrée de l'amphi. Je ne prends pas la peine de voir de qui il s'agit. À la vitesse à laquelle Monsieur Allan déballe la leçon, si je me retourne même deux secondes, j'aurais déjà raté trois paragraphes entiers.

Le vacarme grandit et s'arrête dans mon dos. Je jette un rapide coup d'œil au professeur (que je vois parfaitement puisque je me trouve au deuxième rang). Il meurtrit les intrus du regard sans jamais s'arrêter de parler. Mes doigts continuent de pianoter avec vigueur sur mon clavier.

The love theory [Tome 1/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant