La porte qu'il ne fallait pas ouvrir

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Je passe l'après-midi à ruminer dans la chambre de Sophia-Rose. Allongée sur le lit de sa coloc Lizzie, je fixe le plafond pendant qu'elle me tire les vers du nez à propos de Zach, de Lucas, de tout. Elle en vient à la conclusion que ma vie est géniale et « remplie de rebondissements ». J'aimerais voir les choses de son point de vue, parce que moi, l'aspect excitant de ma situation me dépasse complètement.

Si elle me demandait d'imager ce que je ressentais vraiment, voilà ce que je lui répondrais : j'ai l'horrible sentiment d'être acculée contre une fenêtre en bord de mer, avec une vue imprenable sur la catastrophe imminente qui ne manquera pas de m'emporter : une saleté de vague de dix mètres de haut. Et comme toutes les grandes fatalités, ce tsunami porte un nom : Lucas. Ou Zach. En fait, c'est la collision des deux qui va causer ma perte. Et je ne sais pas quoi faire pour l'arrêter.

— Je ne devrais pas aller à cette soirée, déclaré-je en me tournant sur le côté pour regarder Sophia-Rose pendant qu'elle se prépare.

Si Lucas croise Zach, ce dernier lui dira tout, j'en suis persuadée. Et Lucas m'en voudra à mort.

— Quoi ? Mais si ! Si tu n'y vas pas, je n'y vais pas non plus. Et j'ai vraiment envie d'y aller.

— Alors j'y vais, mais je n'envoie pas l'adresse à Lucas.

— Si tu veux.

— Mais il m'en voudra.

— Alors envoie-lui.

— Mais Zach sera là.

Elle pose son mascara et croise mon regard dans son miroir, l'air désolé.

— Trésor, je ne sais plus quoi te dire là.

Je me relève et me frotte les yeux.

— Laisse tomber, je me suis mise dans le pétrin toute seule. J'aurais dû dire à Lucas de rentrer au Vermont.

— Tu trouves pas ça bizarre qu'il insiste pour venir à la soirée alors que vous venez de rompre ?

— J'ai l'impression que dans sa tête, on est encore en couple. Mais ouais, sa réaction est trop bizarre.

Je me lève et me plante derrière Sophia-Rose pour inspecter mon reflet dans le miroir. Comme j'avais prévu de passer la journée à bosser, je porte un legging noir qui me sert aussi de pyjama, à moitié caché sous un énorme sweat avec le logo de la fac. Zach a accepté de me le prêter avant la catastrophe qu'était ce weekend (mais uniquement parce que mon pull à paillettes commençait à lui piquer les yeux). En plus de mon allure de pantouflarde, j'ai les cheveux en bataille et le teint d'un cadavre ambulant.

Je ne comprends pas pourquoi Lucas insiste pour sortir avec moi ; même moi, j'ai envie de me fuir en me voyant comme ça.

— Va prendre une douche, on va te trouver une tenue.

— Tu pourras faire mon maquillage ?

— J'ai les compétences pour t'appliquer du fond de teint et du mascara, mais c'est tout.

— Ça ira très bien.

Elle me tend une serviette et je me dirige vers les douches communes pour me laver. Quand je reviens, elle m'ouvre son placard pour me trouver une tenue. Je porte mon dévolue sur une chemise moutarde un peu large, ainsi que sur un jean de couleur claire. Après que Sophia-Rose m'ait maquillée, je relève mes cheveux en une haute queue de cheval.

— Parfait !

— Lucas m'appelle, l'informé-je par-dessus les vibrations de mon téléphone. Je crois que je vais vraiment l'ignorer.

The love theory [Tome 1/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant