Un samedi soir

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Je me tortille hors de la voiture et claque la portière. Quand je me retourne, je découvre Sophia-Rose et Zach en train de papoter sur le trottoir, marchant tranquillement dans ma direction. Ce dernier porte même mes affaires dans les bras. Crotte ! Zach ne doit pas, sous aucun prétexte, s'approcher de ma voiture. S'il en voit l'intérieur, mon bazar me trahirait en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « ce n'est pas ce que tu crois ! ».

— La voilà ! m'écrié-je en l'agitant en l'air.

Je tends la bouteille à Zach en prenant soin de bien l'écraser entre mes doigts. Il s'en empare avec un petit sourire, comme si la situation n'avait rien d'absurde.

— J'espère qu'elle fait le bonheur de ta journée, ironisé-je en me plantant face à lui pour l'empêcher d'aller plus loin.

— Je n'ai jamais été plus heureux, merci.

— Tu devrais penser à te prendre une gourde.

— Tu n'auras qu'à m'en offrir une pour mon anniversaire.

— Mais bien sûr, avec le sac de charbons que tu mérites.

Sale gosse qu'il est, j'en oublie presque son attention singulière pour les petits détails. Aussi, mon tas de ferraille ne lui échappe pas. Il me contourne et se remet en marche en l'étudiant avec attention. Double crotte !

— Sympa ta caisse.

— Te moque pas, à tout moment je te roule dessus avec.

J'échange un regard avec Sophia-Rose. Elle se pince les lèvres pour se retenir de rigoler.

— Je me moque pas, se défend-il en tenant mes manuels en équilibre. J'en ai réparé une du même modèle au garage. J'aime son côté vieillot.

— Tu travailles dans un garage ?

— Quand j'étais gamin, ouais. Mon père possède plusieurs garages dans la région.

— Fascinant.

Soudain, Zach colle son nez à la vitre arrière de ma voiture. Mon cœur manque un bond et mon visage se décompose.

— Putain mais c'est bien le bordel dans ta caisse ! Tu vis dedans ou quoi ?

De là où il est, il doit avoir une vue imprenable sur mes cours éparpillés sur les différents sièges, ainsi que sur mes vêtements (propres ET sales). Et je ne préfère même pas penser à mon oreiller. Sa seule présence suffit à lui répondre.

Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire, alors je feins le détachement.

— Ah, ça ? Je suis un peu bordélique. J'ai trop d'affaires, tout ne rentre pas dans ma chambre.

J'essaie d'esquisser un sourire convaincant, mais il se transforme vite en embarras quand je surprends la façon dont Zach m'étudie avec une intensité troublante.

Contre toute attente, il change de sujet.

— Alors, vous avez quoi de prévu ce soir ?

— Je vais rentrer au dortoir moi, répond Sophia-Rose. J'ai encore du boulot, j'aimerais m'avancer pour être libre demain.

— Et toi Aurore ?

— Je vais sûrement bosser aussi.

— Sérieux ? Un samedi soir ? Vous êtes tristes !

— C'est la vie.

Dans mon monde, il n'y a que les jours où je travaille en classe, et les jours où je travaille ailleurs qu'en classe. Mais je comprends ce qu'il veut dire par là. C'est le weekend, les étudiants sortent et s'amusent en ville... mais pas moi. Je culpabilise trop quand je passe plus d'une heure loin de mes cours.

The love theory [Tome 1/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant