L'effet Baader-Meinhof

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Je ressens encore une rage à l'âme quand je descends du bus, mes sacs de course dans les mains. Je sais, je vais faire apparaître des rides sur mon front. Le truc, c'est que je ne peux pas m'empêcher de ressasser cette stupide altercation. Et par stupide, je fais référence à cet idiot de mec et ses idiots de crampons. À lui seul, il incarne la raison même pour laquelle j'ai les sportifs en horreur : ils sont excessivement sûrs d'eux et se croient meilleurs que tout le monde. La preuve : c'est l'exacte impression qu'il m'a donnée.

Je me console dans le fait qu'au moins, j'ai bousillé son maillot de foot avec mon café.

Le soleil est caché derrière les platanes de l'université quand j'arrive à la résidence de Sophia-Rose, exténuée et dangereusement en manque de caféine. Je lui envoie un message pour la prévenir que je suis en bas, puis je m'assois sur la première marche. À force de me trimbaler avec mes sacs à travers tout le campus, j'ai de sérieuses crampes aux pieds !

Deux petites minutes s'écoulent avant que je voie mon amie sautiller jusqu'à moi par la porte en verre de la résidence. Je me lève avec peine pour la rejoindre. Elle porte un grand sourire aux lèvres quand elle m'ouvre, seulement il tombe dans le néant quand elle remarque mon t-shirt gris zébré de café.

— Bah alors, qu'est-ce qui t'est arrivé ?

Je tire sur mon haut et soupire.

— Figure-toi que j'ai croisé un vaisseau alien en chemin. Crois-le ou non, mais j'ai sauvé le monde.

— Et la vraie version ? m'interroge-t-elle en haussant un sourcil.

— Je me suis cognée contre un mec juste après t'avoir croisée tout à l'heure.

La mine enjouée, elle m'entraîne dans l'ascenseur et appuie sur le bouton du deuxième étage.

— J'adore, on dirait le début d'une histoire d'amour comme dans les films. Tu serais capable de le reconnaître ?

J'acquiesce. Dur d'oublier un mec qui vous traite de « simplette ».

— J'espère que vous allez vous recroiser.

Ça se voit qu'elle vit dans un monde de Bisounours : si elle avait été avec moi pendant l'altercation, elle aurait tout de suite compris que la figure de prince charmant ne s'applique pas à l'inconnu aux yeux noisette. Il n'a rien d'un prince, et il est bien loin d'être charmant. En fait, il est l'antonyme personnifié de la notion de charme.

— Je t'arrête tout de suite, So. J'ai jamais croisé de mec plus odieux que lui.

Ding. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Sophia-Rose s'avance dans le couloir. La lueur émerveillée qui animait son regard a disparu.

— Dommage. C'est toujours nul dans la réalité.

— Crois-moi, j'aurais préféré tomber sur Ryan Gosling.

Elle actionne la poignée de sa chambre et m'invite à poser mes affaires sur le lit de sa coloc. J'entreprends d'installer l'un de mes draps neufs avant de m'allonger sur le matelas.

Enfin, je peux me reposer. Toutefois, dès que je ferme les yeux, je suis hantée par l'altercation et tout ce que j'aurais pu dire pour riposter. À ma plus grande frustration, je n'ai hélas pas le pouvoir de remonter dans le temps.

— Tu penses à quoi ?

— À cet âne.

— Tu sais, j'ai remarqué que notre première impression des gens est souvent la mauvaise, dit-elle en naviguant sur son téléphone. Genre au début, je te trouvais pète-sec, alors qu'en fait pas du tout.

The love theory [Tome 1/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant