Le numéro de téléphone

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Je quitte la pièce à toute vitesse et décroche avant même d'avoir trouvé un endroit calme pour ne pas perdre l'appel. Je m'installe au niveau de la terrasse à l'arrière de la maison, sur une balancelle en métal aux assises éventrées.

— Allô ?

— Aurore ? C'est 22h passé, t'étais censée m'appeler !

— Je suis désolée, c'est la folie sur le campus et...

— Non mais tu te fous de moi ou quoi ? Tu crois que j'entends pas la musique derrière ?

— Hé... ça vient d'où cette attitude ?

Il ne me parlait jamais comme ça quand je sortais avec Max au Vermont. C'est d'ailleurs pendant l'une de ces sorties que je l'ai rencontré, par le biais d'un ami commun. Si je devais résumer nos premiers rancards en un mot, ce serait celui-ci : doux. Notre relation a toujours eu l'apparence d'un lac aux eaux calmes. Enfin, toujours... Jusqu'à ce qu'il commence à travailler pour son père au printemps dernier. Maintenant qu'il ne peut plus venir me voir tous les weekends, il est manifestement plus tendu au quotidien. Je reconnais que la distance prolongée est vouée à mettre notre couple à l'épreuve, mais au point de me parler ainsi ?

Il a compris qu'il est allé trop loin quand il soupire au bout du fil. Je peux l'imaginer enfoncer son poing dans ses cheveux blonds, comme il le fait lorsqu'il accepte de voir les choses sous mon angle.

— Je suis désolé, je suis sur les nerfs à cause du boulot.

Il passe les dix prochaines minutes à me raconter sa journée. Je fais de mon mieux pour lui apporter mon soutien, mais j'ai du mal à le suivre par moment. Quand vient mon tour de lui faire un compte rendu de ma journée, je ne sais pas quoi lui dire.

C'est alors que Yeux Noisette apparaît dans ma vision périphérique. Il s'appuie contre la colonne de la terrasse, les bras croisés.

Il ne me quitte pas des yeux.

— Euh... écoute Lucas, il faut que j'y aille, Sophia-Rose vient d'arriver. Je te rappelle demain ?

— N'oublie pas, cette fois. Bisous.

— Promis, bisous.

La honte me rosit les joues et m'empêche de lever le regard. Pourquoi lui ai-je menti ainsi ? Je ne vais tout de même pas éviter tous les hommes de la Terre juste parce que je suis en couple ! J'ai bien le droit d'avoir des amis du sexe opposé. Et pourtant, l'idée que Lucas le sache me met mal à l'aise.

— Tu veux bien arrêter de me suivre. C'était très gentil ce que tu as fait tout à l'heure, mais je préfèrerais qu'on s'arrête là.

Il affiche une mine confuse.

— Pourquoi tu crois que je te suis ?

— Parce que je suis ici, et deux minutes plus tard, toi aussi.

Il s'écarte de la colonne pour venir s'installer à côté de moi sur la balancelle.

— Le monde ne tourne pas autour de toi, ma belle.

— Tu ne peux pas te trouver un autre endroit où être ? demandé-je en me décalant le plus possible.

À mon plus grand désarroi, il feint de ne pas comprendre.

— Pourquoi, il y a un problème avec cette balancelle ?

— Oui, tu es assis dessus.

— Ça me dérange pas.

Évidemment, pourquoi ça le dérangerait ? Ce mec est épris de lui-même. C'est la malédiction des footballers.

— T'es partie avant que je puisse prendre ton numéro, dit-il en me tendant son téléphone.

The love theory [Tome 1/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant