HARMFUL T.1/T.2

CHAPITRE 22

Aiden

Je ne suis qu'un bon à rien.

Pourquoi me font-ils confiance ?

Je suis aussi pathétique que lui. Je ne la mérite pas.

Si je n'arrive pas à l'avoir, personne ne l'aura.

La pluie. Des torrents de pluie tambourine violemment contre les vitres, noyant tous les autres sons. Impossible de dire s'il fait jour ou nuit. L'obscurité dans laquelle la pièce est plongée rend la perception du temps floue, irréelle.

Je dois rattraper le coup.

Non.

Je dois la laisser tranquille.

Les mots de son père continuent de résonner dans ma tête, se mêlant au chaos de mes pensées. Ou peut-être est-ce la façon dont les choses se sont envenimées avec elle ? Une chose est sûre, je n'arrive pas à me défaire de cette envie de vengeance, de cette rage brûlante contre lui. Mais je suis piégée. Elle l'a choisi, elle le protège, et si je fais quoi que ce soit, elle m'en voudra encore plus.

Je me sens lourd, évasif. Je me sens faible, je suis faible. Je n'aurais jamais dû me retrouver seul dans ce bar. Je savais que l'alcool n'était pas la solution, mais je voulais oublier, même pour quelques heures. Oublier cette misérable réalité, oublier que je suis brisé. Alors je bois, encore et encore, jusqu'à ce que le monde devienne flou, jusqu'à ce que je ne ressente plus rien.

— Putain Aiden, t'es saoul ?

Les rideaux sont tirés, laissant filtrer un faible rayon de lumière dans la chambre. Tom est là. Lui non plus ne devrait pas être si proche de moi, il sera déçu, comme les autres. Ils finissent tous par l'être, par se perdre, se consumer, et ne devenir qu'un tas de cendres. Je ne fais que briser, incapable de guérir.

— Aller lève toi mon pote, on a du travail, il ajoute en m'aidant à me lever.

Il a raison. Mais à quoi bon, je l'ai tué. C'est à cause de moi qu'il est sorti ce soir-là, je suis l'unique responsable.

— Pourquoi tu m'aides Tom ? Je n'en vaux pas la peine, je marmonne.

Il ne dit rien et m'emmène dans la salle de bain. Je perds l'équilibre et m'assois sur la cuvette des toilettes. Il retire mon t-shirt imbibé d'alcool, puis s'attaque à mon jean. Il laisse couler l'eau chaude, la buée envahit peu à peu la pièce. Toujours silencieux, il est concentré sur ses gestes, délicat, presque attentionné. Il ne devrait pas, je ne mérite pas qu'on s'attache à moi. Il ne devrait pas.

Sous l'eau, il quitte la pièce, me laissant seule face à mes démons, face à moi-même. L'eau chaude martèle mon dos, mes cheveux trempés tombent sur mon visage, et mes yeux se posent sur mon tatouage. Paix, amour, espérance, renaissance... C'est ce qu'il représente, mais aujourd'hui, le serpent étouffe la colombe. Il détient son dernier souffle.

Avec les idées un peu plus claires, mais un mal de crâne lancinant, je remarque l'eau glacée et l'antalgique posés sur le meuble près de la vasque. Il fallait que je m'occupe, que je me ressaisisse. Ce soir, Franck m'attend.

— Eh bah, t'as une de ces mines, me taquine Tom, suivi d'une tape dans le dos.

Je le contourne et l'invite à quitter la chambre. Il fallait que je m'occupe de cette foutue histoire d'enveloppe maintenant. Passer des journées à chercher avec Tom ne m'a mené à rien. Peut-être que j'ai rêvé, comme il le dit souvent. Que je nourris trop d'espoir pour quelque chose qui ne m'était peut-être pas destiné. Mais c'est impossible, je l'ai vu de mes propres yeux.