HARMFUL T.1/T.2

CHAPITRE 3

Faith

Leila n'est pas au courant du revirement de ma journée de la veille. J'ai bien conscience que je dois lui en parler, mais depuis la dernière fois, son opinion envers lui a radicalement changé. Du moins, elle ne le porte plus autant dans son cœur.

Ce matin, en allant sur le campus, nous avons croisé Jordan qui allait à son entraînement quand elle s'est jetée sur lui :

— Ton ami est un blaireau, c'est tout !

— Il doit sûrement manquer de tact, il n'a pas l'air méchant, il déclare.

Jordan et lui ne sont pas vraiment amis. Ils ont quelques activités extra scolaires en commun comme les jeux vidéo mais rien d'autre. Leur seul lien est qu'ils jouent beaucoup ensemble. Et puis, il a raison, il n'a absolument pas l'air méchant, il s'est même excusé de son manque de tact. Je n'ai pas à les alarmer pour cette fois.

— Vous avez fini de parler de lui ? je les coupe dans leur discussion animée. Il ne se passe rien entre nous.

Et j'ai raison. Qu'est-ce qu'on a partagé hormis un baiser inachevé et quelques disputes ? Rien. Et en y repensant, on a tous des préférences, pourquoi en faire tout un drame.

Jordan nous quitte et chacun de nous va rejoindre sa salle de cours respective. J'appréhende tout de même d'affronter Caleb, on ne s'est rien dit après son message d'excuse.

En arrivant, il est seul, comme à sa grande habitude. Je vais m'installer à côté de lui histoire de briser la glace une bonne fois pour toutes. Il ne cille pas à ma présence. Pas un regard, ni une parole, rien. Il souffle le chaud et le froid et son attitude commence sérieusement à m'agacer. Lui qui disait que je n'étais pas assez avenante, il ne daigne même pas m'offrir un regard.

— C'est quoi ton problème au juste ? je lance.

— Quoi encore ?

Il se fout de moi ?

— Si c'est ce que tu veux, pas de soucis, je déclare mettant fin à la discussion.

Silence radio.

Il est décidé à ne pas me parler. Je ne peux même plus changer de place et il est hors de question que je quitte le cours par sa faute. Il est là le problème quand on accorde un peu trop d'importance à quelqu'un, on finit par se faire cracher au visage sans raison particulière. Au moment où la fin du cours est annoncée, je me précipite vers la sortie prête à être le plus loin possible de lui, mais il en décide autrement, prenant d'assaut mon avant-bras, m'obligeant à lui faire face.

Il m'a retenue.

Je ne peux réprimander l'agacement en moi. J'essaye de me défaire de son étreinte, mais il la resserre davantage et me prend dans ses bras...

Pourquoi est-ce si facile pour moi de ne plus lui en vouloir ? Qu'a-t-il fait de moi en si peu de temps ? Malgré ses changements d'humeur fréquents, j'ai l'impression qu'il est le seul à me donner cette attention affective que je désir.

Il défait son étreinte et me fait face. Son index sous mon menton, son regard perdu dans le mien, il entreprend de dessiner le contour de ma lèvre inférieure de son pouce tandis qu'il humidifie la sienne du bout de la langue.

— Excuse-moi. J'ai des problèmes en ce moment, je suis d'une humeur massacrante.

S'il l'avait dit plus tôt, je ne lui aurais pas renvoyé cette humeur massacrante. Il ne me parle jamais et pourtant j'ai envie de savoir quand il va mal, et quand il va bien. Je veux être là pour lui, mais il ne m'en donne pas la possibilité.