20 - Face-à-face

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Il fallut une semaine à Nanaka pour commencer à retrouver ses esprits. Un matin, assise contre la tête de lit à laquelle Kakucho l'avait menottée pour s'assurer qu'elle ne tente rien, elle le regardait en silence. Il était installé sur une chaise, dans un coin de la chambre, et lui aussi la dévisageait sans un mot.

C'était l'homme à la cicatrice, celui qui l'avait tuée la fois où elle avait essayé d'abattre Sano au cimetière, il n'y avait pas de doute.

Ce fut lui qui rompit le silence le premier.

– Est-ce que tu es de nouveau toi-même, ou bien est-ce que je suis encore en train de parler à la junkie en manque ?

Nanaka écarquilla un instant les yeux. De quoi est-ce qu'il parlait ? Elle fouilla dans ses souvenirs et se revit dans la cave, ligotée à cette chaise, tandis que le type aux cicatrices – Sanzu – lui injectait quelque chose.

Combien de temps... je suis restée droguée ?

Elle jeta un œil par la fenêtre et reconnut les frondaisons du parc Hama-Rikyū, au-delà desquelles se dressaient les buildings du sud de l'arrondissement de Chūō de l'autre côté de l'embouchure de la rivière Sumida.

Je suis toujours au Shiodome City Center, comprit-elle, mais cela ne répondait pas à sa question.

Elle ramena les yeux sur l'homme qui lui servait de geôlier.

– Quel jour sommes-nous ? Demanda-t-elle.

Sa voix lui parut étrange, rauque, comme si elle avait trop crié.

– Le vingt-cinq novembre, répondit-il.

Nanaka réfléchit.

Un mois... compta-t-elle.

L'homme se leva et il vint vers elle.

– Puisque tu as l'air d'aller mieux, dit-il, debout, le boss veut te voir.

Il déverrouilla les menottes et Nanaka ramena ses poignets contre sa poitrine pour les frotter l'un contre l'autre.

– Je veux... prendre une douche, dit-elle.

Elle se sentait crasseuse comme si elle s'était roulée dans les ordures ces dernières semaines, ce qui n'était sûrement pas loin d'être le cas.

Il s'est passé quoi pendant un mois ?

Des images floues de l'homme prénommé Sanzu lui revinrent.

Pas besoin de demander, se dit-elle, il avait une pute droguée sous la main et il s'en est servie.

Au-dessus d'elle, l'autre hésita puis hocha la tête.

– D'accord pour la douche, dit-il, tu pues.

À qui la faute ? Songea Nanaka.

Elle essaya de se lever, mais ses jambes se dérobèrent sous elle et elle s'écrasa sur le parquet avec un juron.

Merde... Je ne tiens même pas debout.

L'homme l'attrapa par le coude et il la remit rudement sur ses pieds avant de la traîner à moitié jusqu'à la salle de bain. Une fois là, il la poussa dans la petite pièce et il s'appuya contre le chambranle de la porte, les bras croisés sur la poitrine.

Nanaka referma les mains sur la porcelaine du lavabo pour tenir sur ses pieds et elle le regarda. Il ne bougerait pas, comprit-elle, il avait pour consigne de ne pas la quitter des yeux et il comptait bien s'acquitter de sa mission.

De toute façon au point où j'en suis.

Elle se débarrassa de ses vêtements et les laissa tomber maladroitement par terre. Puis elle alla s'asseoir sur le tabouret de la douche, son cerbère toujours sur les talons.

Tandis qu'elle se lavait, elle demanda sans tourner les yeux :

– Comment tu t'appelles ?

Kakucho hésita. Il n'aimait pas parler à cette femme, il savait très bien pourquoi elle lui posait des questions. Elle rassemblait des informations.

– Tu n'as pas besoin de savoir, dit-il.

Elle le regarda par-dessus son épaule, mais ne dit rien. Une fois lavée, elle ajouta :

– J'imagine qu'un bain c'est trop demander ?

Cette fois, Kakucho se retourna et sortit son téléphone de sa poche.

– Dépêche-toi de sortir de là, lui dit-il. J'ai été assez patient.

Nanaka rejoignit le lavabo en se tenant au mur et elle avisa une pile de vêtements propres. Elle les enfila, soulagée. Elle n'aurait pas aimé avoir à remettre les autres. Lorsqu'elle regagna la porte de la salle de bain où l'attendait son geôlier, il lui barra le passage.

– Tes mains, dit-il.

Une seconde elle ne comprit pas, puis elle soupira et obtempéra. Kakucho lui remit les menottes et il la saisit de nouveau par le coude.

– Allons-y, dit-il, Mikey nous attend.

Dans le couloir, Nanaka réfléchissait. Manjirō Sano. Ce type lui offrait une nouvelle opportunité de l'éliminer, mais surveillée comme elle l'était, il y avait peu de chance qu'elle puisse agir. Sans compter que...

Le souvenir de la nuit où elle avait essayé de l'abattre lui revint en mémoire et Nanaka revit le réflexe fulgurant de Sano qui lui avait permis d'écarter l'arme de sa tempe.

C'est possible d'avoir des réflexes pareils ? Ou bien est-ce que c'était un coup de chance ?

Ils arrivèrent au niveau du hall, face à la cabine d'ascenseur, et Nanaka jeta un furtif coup d'œil en direction du salon en contrebas. Il semblait vide aujourd'hui. Elle se demanda combien de cadres il y avait dans les rangs du Bonten. Pour l'heure, elle en connaissait cinq en comptant celui qui se tenait à côté d'elle.

Hajime Kokonoi, Ran et Rindō Haitani, se récita-t-elle, celui qui se fait appeler Sanzu et celui qui est là... mais ils sont peut-être bien plus.

Ces renseignements pourraient lui servir si elle venait à mourir.

Parvenus au bas des escaliers, Nanaka s'interrogea, pourquoi Sano voulait-il la voir ? Peut-être qu'il s'imaginait pouvoir la faire changer d'avis ? Il comptait peut-être lui proposer de l'argent ?

Tu peux rêver... J'aurais ta peau d'une façon ou d'une autre. Les pourritures dans ton genre doivent crever.

Quoiqu'il pourrait être judicieux de lui laisser croire qu'elle était intéressée.

S'il me faisait confiance, s'il me laissait l'approcher à nouveau... Je n'échouerai pas cette fois.

Le bureau vitré apparut et à l'intérieur, trois silhouettes les attendaient.

Le bureau vitré apparut et à l'intérieur, trois silhouettes les attendaient

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Bonten's Crimes [Mikey x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant