Nanaka et Naoto furent plus qu'en retard, ils se retrouvèrent pris dans les embouteillages qui paralysaient Tokyo en fin de journée et ils arrivèrent presque quarante minutes après l'heure convenue pour le rendez-vous. Sans surprise, l'informateur de Tachibana était déjà parti et Naoto avait engueulé Nanaka sur une bonne partie du trajet de retour.
Elle jeta son sac dans l'entrée de l'appartement et elle retira ses chaussures. Le duplex, vaste et autrefois décoré avec goût, était maintenant encombré de piles de cartons, de papiers et de vêtements jetés dans les coins. Même la barre de pole dance qui trônait au milieu du salon servait désormais de support à un tableau en liège sur lequel étaient punaisés des photos et des extraits de rapports d'enquête. Au centre, une photo agrandie de mauvaise qualité montrait l'homme qui était au cœur de l'enquête actuelle de Nanaka. Hajime Kokonoi. Sans doute un des cadres du Bonten. Elle avait obtenu cette information par le gérant d'un bordel souterrain de Kabukichō qui était mort juste après, une balle dans la tête.
Tu sais que tu es sur la bonne voie quand la pile de cadavres que tu laisse sur ton chemin grandit.
Sur le cliché, Kokonoi avait dix-huit ans et il appartenait au Kanto Manji Kai, un gang de Shibuya qui avait disparu des années plus tôt. Nanaka n'était pas parvenue à trouver de photo plus récente de lui, c'était comme si Kononoi avait lui aussi disparu de la circulation quatre ans plus tôt.
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Elle lui jeta un regard en passant et gagna la salle de bain, avant de se souvenir qu'elle avait oublié de vérifier la boîte aux lettres avant de monter.
Merde, tant pis, je regarderai demain.
Elle sema ses vêtements en chemin et s'enferma pour prendre un bain.
Le téléphone la réveilla le lendemain à l'aube. Nanaka était assise au pied du canapé, devant la télévision dont l'écran ne montrait plus que de la neige. Elle tendit la main et fouilla autour d'elle à la recherche de son portable.
Oui, je t'entends... Se dit-elle. Ferme ta gueule putain de téléphone, ferme ta sale gueule ! Où est-ce que tu te caches ?
Lorsqu'elle le trouva, quatre sonneries avaient déjà retenti. Elle jeta un œil à l'écran et décrocha.
– Qu'est-ce qu'il y a Tachibana ? Dit-elle. Tu sais que c'est pas une heure pour déranger les gens ?
– Tadano ! Est-ce que tu as vu les infos ce matin ?
Nanaka attrapa la télécommande et chercha une chaîne d'informations. Les premières images qu'elle vit montraient un camion encastré dans la devanture d'un magasin. On devinait encore les restes de la voiture qu'il avait emboutie avant d'aller s'écraser dans la vitrine et, même s'il n'en restait que de la tôle noircie par la violence de l'incendie, on distinguait le logo de la police sur ce qui avait dû être une portière.
– Ce sont des gars de chez nous, dit Naoto, des gars de la criminelle, on pense que c'est une exécution.
Nanaka regarda un instant les images sans les voir. Puis elle éteignit la télévision.
– Je te laisse, on se voit au bureau, lui dit-elle avant de raccrocher.
Elle se leva pour rejoindre la salle de bain et attrapa ses vêtements au passage.
Trente minutes plus tard, elle sortit de l'ascenseur et, arrivée devant les boîtes aux lettres, elle se souvint qu'elle avait oublié de récupérer le courrier la veille. Elle tira la clé de son sac et ouvrit le casier. Sur la plaque on pouvait lire le nom de Tadano Riko.
Des pubs, rien que des pubs...
Elle les jeta en passant et gagna sa voiture.
L'effervescence était à son comble au département criminel. Naoto avait vu juste, les victimes de l'exécution de la nuit précédente étaient bien deux de leurs collègues. Plus précisément, ceux à qui Nanaka avait donné les clés de la voiture de service qu'ils étaient censés emprunter Tachibana et elle la veille.
Naoto, qui occupait le bureau voisin du sien, se leva le visage grave. Il se pencha vers elle.
– Rejoins-moi à la machine à café, souffla-t-il, il faut qu'on parle.
Nanaka soupira et elle sortit à son tour dans le couloir. Naoto se tourna en l'entendant approcher et il s'écarta pour laisser passer deux agents.
– Qu'est-ce qu'on fait ? Lui murmura-t-il.
– Qu'est-ce qu'on fait à propos de quoi ? Répondit-elle.
– La voiture concernée, c'était celle que l'on devait prendre hier, dit-il.
– Oui, et alors ?
– Alors ? Les inspecteurs chargés de l'enquête vont vite savoir que c'était nous qui l'avions réservée, ils n'auront qu'à jeter un œil au registre pour cela.
– Je ne vois pas où est le problème, lui rétorqua Nanaka. Tu conduisais un camion hier soir ? Non ? C'est bien ce qui me semblait. Les inspecteurs chargés de l'enquête comme tu dis, auront autre chose à faire qu'à s'occuper d'une transgression du règlement intérieur.
Naoto la regarda et Nanaka commença à retourner vers les bureaux.
– Tu ne t'es pas demandé si... c'était nous qui étions visés ? Reprit-il.
Elle s'immobilisa.
– Et même si c'était le cas, lui répondit-elle, qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? Ce sont les risques du métier au cas où tu ne le saurais pas.
– Ça ne t'inquiète pas plus que ça ?
– Tachibana, dit-elle enfin en revenant vers lui, nous sommes flics à la criminelle. Chacun de nous a une cible accrochée dans le dos depuis le jour où il a signé. Évidemment qu'il est possible que ce camion nous ait été destiné. Qu'est-ce que ça change exactement ? Tu es en train de me dire que tu veux abandonner, c'est ça ? Si c'est le cas, va-t-en, démissionne ou demande ta mutation pour ce que j'en ai à faire. Je continuerai sans toi.
– Ça n'est pas ce que je veux dire ! S'exclama Naoto faisant se retourner quelques personnes dans le couloir. Je dis juste...
Il ne trouva pas ses mots et Nanaka reprit.
– Réveille-toi Tachibana, lui dit-elle. On vit dans la gueule du loup. Si tu ne t'en rends compte que maintenant, c'est que tu t'es trompé de job.
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