Le lendemain, Sanzu alla lui-même trouver Kōichiro Kōji – l'homme qui aimait se faire appeler Kōkō – pour le convaincre de prendre part à leur plan.
– Cette flippette se fait dessus, leur raconta Sanzu le soir venu.
Il était vautré dans un des canapés du salon, une cigarette au coin de la bouche.
– Ça se comprend, lui dit Koko. Si jamais ça foire, le clan Ishii va lui tomber dessus et je ne donne pas cher de sa peau.
– Faut pas se faire appeler Kōkō dans ce cas, dit Ran.
– Qui est-ce qui se fait appeler Kōkō ? Lui demanda Kokonoi.
La dernière fois, Sanzu n'avait pas eu le temps de lui en parler et il n'y avait plus pensé depuis.
L'arrivée de Kakucho évita à Ran d'avoir à répondre.
– Tiens, dit Sanzu, voilà notre ménagère de retour des commissions !
Kakucho l'ignora. Nanaka l'avait envoyé dans l'appartement de Riko chercher tout ce dont elle avait besoin.
– Tu as trouvé tout ce qu'il lui fallait ? Demanda Ran.
– Je lui ai rapporté ses affaires de scènes, dit Kaku en s'installant dans un fauteuil. Je n'imaginais pas que les danseuses avaient autant d'accessoires.
– Je parie que tu en as profité pour mater ses dessous, dit Sanzu avec un sourire pervers.
– Tout le monde n'est pas comme toi, répliqua Kakucho.
– Pour quand est prévue l'opération ? Demanda Koko.
Toute cette affaire le rendait nerveux. Le plan proposé par Nanaka comportait trop de zones d'ombres selon lui.
Mais nous n'avons pas le choix.
– Dès que Kōji nous donnera le feu vert, répondit Sanzu. Normalement il a dû entrer en contact avec eux maintenant. Il n'y a plus qu'à attendre.
– Tu n'as pas peur qu'il essaie de nous doubler ? Reprit Koko. S'il leur raconte ce qu'on projette, on est foutu !
– J'ai laissé un de mes hommes avec lui, lui apprit Sanzu. Il le tiendra à l'œil.
Même s'il donnait souvent l'impression d'agir sans réfléchir, Sanzu n'était pas devenu le second du Bonten juste parce qu'il connaissait Mikey depuis longtemps.
Koko se mordilla nerveusement l'ongle du pouce.
Et si jamais cette garce se laissait mourir juste pour nous faire chier ? Se dit-il. Je sais ce qu'a dit Mikey, mais je ne suis pas tranquille.
Il releva les yeux vers Sanzu.
– Tu te souviens que tu dois la ramener en vie ? Dit-il.
Il avait parlé plus durement qu'il l'aurait voulu et le regard que lui lança Sanzu lui fit refermer la bouche précipitamment. Sanzu le regarda une seconde en silence, puis il sourit, un sourire qui déforma ses cicatrices et mit Koko mal à l'aise.
– Évidemment que je m'en souviens, lui dit-il.
Le week-end suivant, tout était prêt pour l'opération.
Debout dans le hall, sa veste posée sur son bras, Sanzu regarda sa montre.
– Où est-ce qu'elle est ? Demanda-t-il. On n'a pas toute la nuit devant nous !
Nanaka devait d'abord rejoindre le Yoru No Kuchi. De là, une voiture envoyée par Tetsunori Ishii viendrait la chercher pour l'emmener jusqu'à leur planque. Selon Kōichiro Kōji, les hommes du clan Ishii s'étaient montrés emballés à l'idée d'avoir Angel pour eux tout seuls toute une soirée. Le patron du bar continuait malgré tout à faire dans son froc.
– Je ne sais pas s'ils ont cru mon histoire, avait-il dit à Sanzu, mais la fille pourra entrer. Pour le reste...
– Le reste on s'en occupera, l'avait coupé Sanzu.
Le plan de Nanaka lui plaisait, Sanzu devait bien le reconnaître. Baiser tous ces bâtards au moment où ils avaient le pantalon sur les chevilles, c'était du grand art. Mais il n'était pas certain que ça allait fonctionner.
Cette fille, c'est pas Angel, ces enfoirés vont forcément s'en rendre compte. Ensuite, il va falloir tirer son cul de là avant qu'elle se fasse fumer !
Par moment, il se disait qu'il aurait dû laisser cette mission à Kakucho. Le balafré était volontaire, il se serait sûrement bien débrouillé. Mais Sanzu détestait l'idée que Nanaka puisse encore être en train de planifier un moyen de buter Mikey sans qu'il le sache.
Compte sur moi pour te fouiller des pieds à la tête quand tu rentreras, se dit-il. Tu passeras même pas un cure-dents sans que je le vois.
Il n'avait pas vraiment eu l'intention de lui mettre des bâtons dans les roues pour cette mission, Mikey ne le lui aurait jamais pardonné. Mais il voulait être sûr que les choses étaient claires entre eux : il l'avait à l'œil et il ne se ferait pas avoir.
Tout ce que je regrette, se dit-il, c'est de ne pas avoir l'occasion de pouvoir loger moi-même une balle ou deux dans le bide de ces bâtards. Je dois les lui laisser et ça, ça me fait chier. Enfin bien sûr c'est à condition qu'elle se décide à se bouger le cul !
Kakucho, lui, attendait Nanaka en face de sa chambre, adossé au mur. Tout cela ne lui plaisait pas, que ce soit cette collaboration avec Sanzu ou ce plan trop risqué.
Ça va mal tourner, c'est obligé, je le sens pas.
Il avait décidé d'essayer de lui parler avant qu'elle ne parte. Il comptait essayer de la convaincre d'aller trouver Mikey avec lui pour lui demander de changer leur plan.
Il existe sûrement un meilleur moyen...
Mais il avait beau réfléchir, il ne voyait pas comment arrêter le clan Ishii sans que ça se transforme en carnage.
La porte s'ouvrit et il se redressa. Durant une seconde, il resta sans voix. La femme qui parut lui était inconnue. C'était Angel, la danseuse.
Kakucho ouvrit la bouche et il la referma plusieurs fois sans rien dire.
Pas étonnant que Sanzu ne l'ait pas reconnue, se dit-il. On peut vraiment se métamorphoser à ce point avec du maquillage ?
Nanaka boucla la ceinture de son pardessus et elle ajusta les mèches rose vif de sa perruque, un carré plongeant dont les pointes venaient lui balayer la mâchoire.
– On y va ? Dit-elle.
Kaku hocha la tête. Il n'arrivait plus à se souvenir de ce dont il voulait lui parler.
Lorsqu'ils arrivèrent en vue du hall, Sanzu se tourna vers eux, l'air mauvais.
– C'est pas trop tôt... Dit-il.
Le reste de sa phrase mourut au fond de sa gorge et, durant un instant, son visage se décomposa.
Angel...
Nanaka le dépassa en lui accordant un regard. Une fois devant l'ascenseur, elle leva les yeux par-dessus son épaule.
– Je suis prête, dit-elle simplement.
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.