Chapitre 39 - Harper

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Affublée d'une tenue bien trop courte, d'un maquillage bien trop osé et de talons bien trop hauts, me voilà prête à tourner cette publicité dans un casino.

Bien entendu, Tyler a le droit à un costume classe et de qualité première.

Ce n'est pas juste.

Il représente la clientèle du casino, quand je ne représente que les femmes qui doivent être sexy pour leurs yeux.

Je me force à ne pas grimacer, me détestant pour avoir accepté ce contrat sans savoir quel serait exactement mon rôle.

J'aurais dû me dire que je n'allais pas incarner une femme prête à détruire un homme au poker.

J'aurais dû me dire que je ne serais là que pour attirer l'œil.

Depuis mon arrivée, j'ai l'impression d'être un morceau de viande et bordel, je hais ça.

— Harper, un peu plus joyeuse, s'il te plaît. À croire que ton rôle ne te plaît pas ! se marre le directeur du casino.

Je me retiens fortement de ne pas lui foutre mon poing dans la tête.

Quel connard misogyne.

Tyler me lance un regard désolé, mais n'ose rien dire.

Même si j'aimerais lui en vouloir pour se taire, je ne le peux pas.

Je ne mérite pas qu'il risque de se mettre à dos le directeur du casino.

Après tout, la vie de femme, c'est malheureusement ça.

Devoir subir ce genre de propos, c'est de main courante, et je n'ai pas le droit de faire de remarques.

Ce serait déplacé, aussi ironique soit-il.

À la place, je baisse la tête le temps de souffler, puis la relève et adresse un sourire faussement sincère au directeur.

Nous reprenons le tournage, et à plusieurs reprises, je manque de craquer.

Je rêve de voir sa putain de tête contre le mur, suppliant de le relâcher, argumentant qu'il n'a rien fait de mal.

Parce qu'évidemment, prendre une femme pour un objet sexuel, c'est normal, il n'y a rien de mal à cela.

Je ne serais pas étonnée que, d'ici la fin du tournage, il tente de s'approcher de moi afin d'espérer m'emmener dans son lit – sans jamais me demander mon consentement.

Je m'empêche de grimacer bien que cela me démange particulièrement.

Malgré tout, je me force à terminer de tourner la publicité au plus vite afin de m'éloigner de ce connard le plus vite possible.

***

En fin de journée, après avoir supporter des remarques sexistes durant tout le tournage, je suis enfin prête à me barrer.

— Attendez ! nous arrête le directeur lorsque Tyler et moi nous dirigeons vers la sortie principale du casino, de nouveau dans des vêtements décents.

Je soupire, me demandant ce qu'il veut de plus après m'avoir emmerdée toute la journée.

— Alcool à volonté, offert par la maison ! s'exclame-t-il soudain.

Je jette un regard à Tyler qui me demande silencieusement ce que je souhaite répondre.

Un instant, j'hésite.

Je devrais décliner cette invitation, fuir le plus loin possible de ce directeur aux propos ignobles.

Mais partir veut aussi dire que je devrais souhaiter bonne nuit à Tyler.

Ce soir, nous avons chacun notre chambre dans la suite réservée.

Cela veut dire qu'au moment où nous nous y rendrons, je n'aurais plus d'excuse pour passer du temps avec lui.

Et je peux me mentir autant que je veux, je sais que je n'en ai aucune envie.

J'ai envie de passer la soirée avec lui.

Si je lui proposait de se faire une soirée ensemble, rien que nous deux, je suis certaine qu'il prendrait peur, qu'il penserait que je veux rendre notre faux couple réel.

Et je ne peux pas me permettre de lui laisser croire ça.

Parce que je n'ai aucune idée de ce que je veux de lui.

Parce que je n'ai aucune idée de ce qu'il veut de moi.

Parce que je suis certaine que dans tous les cas, nous foncerons dans le mur.

Parce que dans tous les cas, j'ai tenté de détruire sa vie et que je ne peux pas me le pardonner.

Je ne peux pas me rapprocher de lui, cela augmenterait le risque qu'il découvre ce que j'ai fait.

Je ne peux pas laisser cela arriver, ce n'est pas possible.

— Pourquoi pas ! lancé-je alors, désespérée.

Je n'y crois pas que je préfère passer du temps avec un homme qui me prend pour un objet plutôt que de retourner dans ma chambre et souhaiter à Tyler une bonne nuit.

Il ne devrait pas être une motivation suffisante, et pourtant...

— Bien. Venez, j'ai un bar privé, dans la pièce d'à côté.

Tyler et moi le suivons sans un sourire.

J'aimerai être étonnée, mais avec le temps, j'ai appris que Tyler n'était pas la mauvaise personne que je pensais qu'il était.

Je pensais qu'il se fichait de ceux qui l'entourent, mais j'avais tort. Il ne montre simplement pas son intérêt, notamment parce qu'il ne paraît pas savoir comment faire.

Les combats qui rythment ce monde lui sont importants et le féminisme et l'écologie font partie intégrante de sa vie, tout comme moi.

Ainsi, je sais qu'il est difficile pour lui de se dresser contre le directeur, parce que tout comme moi, il ne peut pas se permettre de se le mettre à dos bien qu'il soit totalement contre ce type de comportement.

Il serait capable de détruire sa réputation si nous n'avions pas tourné une pub pour lui.

J'en serais capable, moi aussi, mais bien entendu, ce n'est un doute pour personne et surtout pas pour moi.

Après tout, j'ai tenté de détruire quelqu'un, seulement par vengeance.

Et pas n'importe qui.

Tyler.

Dès que nous sommes installés au bar et que le premier verre nous est servi, je l'avale cul-sec sans réfléchir un seul instant.

J'ai besoin de boire plus que jamais.

J'ai besoin d'oublier ce putain de mysogyyne.

J'ai besoin d'oublier mon erreur quant à Tyler.

J'ai besoin d'oublier que je ressens des choses pour Tyler alors que je ne mérite rien de sa part.

J'ai besoin d'oublier que ma vie est sans cesse traquée par des gens que je ne connais pas, dans le seul but de faire une nouvelle fois le buzz.

Alors je bois, encore et encore.

— Et dire que je pensais que les femmes ne savaient pas boire ! se moque le directeur.

À l'entente de cette nouvelle remarque, je bois encore plus.

Le liquide magique vient inhiber ma gorge, mes sentiments, mon cerveau et mon corps.

Rien ne fonctionne correctement en moi, mais je m'en fiche.

J'ai seulement besoin de m'éloigner de cette réalité qui persiste à me gâcher la vie.

Je rêve de vivre dans le film dans lequel je joue en ce moment.

Les personnages savent-ils à quel point ils ont de la chance de vivre une vie si parfaite, sans problème ?

Si seulement ma vie pouvait être une simple comédie romantique.

Scandal [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant