Chapitre 65 - Harper

991 65 2
                                    

Habillée de noir, d'un grand drapeau aux couleurs de la communauté et d'un maquillage multicolore, je danse avec joie au rythme de la musique du char dans lequel nous defilons.

Dès que Tyler et moi avons été aperçus, il y a eu un tel mouvement de foule que j'ai un instant eu peur que quelqu'un soit blessé, mais par chance, la police n'était pas loin et a rapidement calmé le jeu afin que la sécurité de tous soit assurée.

Tyler passe un bras autour de mes épaules et c'est comme un bonbon au citron.

Son geste est aussi doux que le sucre contenu dans le bonbon.

Mais très vite, le goût puissant et amère du citron s'impose, venant tout gâcher, exactement comme le rappel que ce n'est que de la comédie.

Son geste n'est pas sincère, il ne l'a jamais été.

Et comme si ce qui s'est passé n'était pas suffisant, il s'amuse à me faire le plus de mal possible.

Je tourne la tête vers lui, un faux sourire plaqué sur mes lèvres.

— Arrête de jouer avec moi. Je ne suis pas ton foutu jouet.

— Dit celle qui a voulu détruire ma vie avant de me faire tomber amoureux d'elle, grogne-t-il en souriant faussement lui aussi.

La haine que nous ressentons l'un pour l'autre est presque aussi forte que l'amour que je ressens pour lui et que j'espère qu'il ressent aussi, même si son comportement m'en fait douter.

— Tu sais bien que je suis désolée. Toi en revanche, tu as l'air de t'amuser à te venger.

— Bien sûr que je m'en amuse. Imagine voir la personne qui t'a fait souffrir avoir mal à son tour.

— Tu n'as pas souffert puisque tu ne ressens rien pour moi, noté-je pour tenter de lui tirer les vers du nez.

— Non, c'est vrai, acquiesce-t-il. Je ne ressens plus rien pour toi parce que j'ai réalisé à quel point tu étais mauvaise, mais quand je l'ai appris, j'ai eu mal.

Et voilà que cela recommence. Je culpabilise, je me hais pour ça et je me hais encore plus.

Je n'arrive plus à me regarder dans un miroir et comme si me haïr moi-même n'était pas suffisant, il me rappelle à quel point je dois souffrir pour mes actions.

Et il a raison.

Je mérite toute la souffrance du monde.

— Je suis désolée, soupiré-je comme si ça allait changer quoi que ce soit.

— Non, tu ne l'es pas, sorcière.

Entendre ce surnom me brise un peu plus.

Si à une époque, il s'en servait pour souligner sa haine envers moi, il s'en est aussi servi comme un surnom qui nous liait.

Et nous revoilà au moment où il s'en sert comme une insulte.

J'ai mal de l'admettre, mais j'aimerais ne plus jamais entendre ce mot. Je ne veux plus qu'il s'en serve. Ce surnom représentait, à une époque qui me paraît terriblement lointaine, quelque chose de tellement beau, de tellement positif que je n'arrive pas à me dire que ce court temps que j'ai pu connaître est fini.

Je déteste savoir que si c'est fini, c'est par ma faute. Tyler l'a dit lui-même, il avait des sentiments lorsqu'il a découvert la vérité, mais ils n'étaient pas assez conséquents pour résister à une telle épreuve. Si je n'avais pas fait de la merde, ses sentiments n'auraient eu aucune raison de s'amenuiser.

Mes méninges tournent à toute allure, je veux qu'il me pardonne, je veux lui montrer que c'est la bonne chose à faire. Je veux lui montrer que oui, mon erreur est impardonnable mais que faire des erreurs, c'est humain, que ça ne veut pas toujours dire que la personne est mauvaise.

Peut-être qu'en pensant ça, je suis mauvaise, parce que je considère avoir le droit à une seconde chance. Peut-être qu'il a raison, je ne le mérite sans doute pas. Pourtant, j'ai envie de tout faire pour qu'il m'offre la chance de lui montrer que je ne suis pas une mauvaise personne.

Au contraire, j'ai toujours voulu être de ces gens qui rendent la vie des autres meilleure. Mais je me suis ratée. À la place, j'ai voulu détruire celle de Tyler.

Qu'a-t-il pu m'arriver pour que je fasse ça, sérieusement ? Comment ai-je pu tomber si bas ? Comment ai-je pu un seul instant me dire que cela m'apporterait du positif ?

Je me mens à moi-même.

Je savais pertinemment ce que je faisais, je savais que ça n'apporterait rien de positif. Mon but était exactement de détruire la vie de Tyler.

Pourquoi suis-je incapable de l'assumer à présent que je dois faire face aux conséquences ? Parce que oui, chaque choix a des conséquences qui peuvent parfois être si grosses qu'elles nous font regretter nos actions passées.

Un instant, je décide d'oublier mes tourments, me concentrant sur l'événement auquel je suis. J'ai justifié notre venue par l'idée de montrer au monde que nous sommes soit disant toujours ensemble et heureux, mais j'ai juste sauté sur l'occasion d'enfin pouvoir participer à une pride après toutes ces années à ne pas avoir le temps, trop concentrée à développer ma carrière.

Je souris à ceux qui me font des signes et leur envoie des baisers pour qu'ils les rattrapent ensuite de la main.

Profitant de l'ambiance, je me promets de ne plus jamais rater de pride, réalisant que ce n'est pas juste une marche dans les rues de la ville. C'est de la musique, des tenues toutes plus originales les unes que les autres, c'est un moment de pure joie partagée avec des milliers de personnes, et c'est simplement magique. Je m'amuse comme une folle, prends mes plus belles photos pour ensuite en faire un post Instagram afin de rappeler l'importance de cette marche.

Soudain, le char nous transportant s'arrête brusquement, me faisant tomber sur Tyler qui me mitraille immédiatement du regard. Il se reprend cependant bien vite pour ne pas laisser les autres remarquer sa haine, ce qui viendrait détruire tout le travail que nous avons fait sur notre image jusqu'ici.

— Fais gaffe, bordel, s'énerve-t-il malgré le sourire qu'il affiche.

— Tu diras ça au chauffeur, grogné-je à mon tour alors que toutes les cellules de mon corps semblent se réveiller à son contact.

C'est dangereux, je le sais. Toucher Tyler rend les choses bien plus complexes qu'elles ne le sont déjà, et je dois faire plus attention pour l'éviter et ne surtout pas le toucher une nouvelle fois.

Sinon, cela me mènera à ma perte. Ne pas pouvoir lui parler est déjà assez compliqué, mais le toucher sans le vouloir de cette manière alors que je n'en ai plus le droit, c'est encore pire.

Alors je prends la plus grande décision de ma vie.

J'arrête d'être lâche, j'arrête de mentir.

J'assume tout.

Scandal [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant