L'escalator du désert

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A 14 h précises, le vendredi matin, un taxi attendait Laurette devant les locaux de la Maison BARNOY.

Alors qu'elle s'installait confortablement dans l'intérieur tout cuir du véhicule, la façade de la Maison BARNOY lui apparut comme dénuée de charme. De la rue, on distinguait les lustres à chaque étages mais rien de bien original ne venait relever le standing des lieux. Tandis que sur chaque fenêtre des concurrents, brillait en lettres lumineuses « RIVERTZ » sur un magnifique velours vert, qu'une marquise en dôme accueillait les clients en grandes pompes et que d'incroyables bouquets de fleurs fraîches embaumaient les narines dès l'ouverture de la porte tournante. En comparaison, La Maison BARNOY apparaissait comme un tout vieux commerce au charme désuet, du toit au rez-de-chaussée.

En détaillant les petites céramiques sur la façade, elle aperçut en sous-sol par une lucarne, deux de ses collègues montées sur une sorte d'escabeau que seul Ludovic empruntait à son habitude.

Il était un peu scabreux cet escabeau. Ludovic, le chef d'équipe aussi d'ailleurs, s'amusa à penser Laurette.

Arrivé sur les grands boulevards, le taxi la déposa devant le kiosque à journaux à deux pas de l'entrée principale du « Nouveau Marché ».

Le kiosque débordait d'affiches de magazines, tous plus fameux les uns que les autres. Elle aperçut Lucibelle la célèbre starlette, en couverture du magazine « Séduction » ainsi que « Lovely town, Spécial Paris ».

Les grandes vitrines du «Nouveau Marché» allaient bientôt se découvrir de larges draps soigneusement scotchés sur les carreaux. Personne ne devait avoir connaissance avant l'heure du thème de Noël cette année, hormis le personnel.

L'ambiance sera-t-elle tournée vers la nature avec des cerfs et des bois et totalement différentes des autres années ?

Les pantins et les gnomes avaient déjà servi de thème pendant plusieurs Noëls de suite et commençaient à lasser le large public.

Laurette se creusait l'esprit pour trouver un indice au travers des draps lorsque sur la vitre, une publication annonçait la venue de Lucibelle à l'inauguration des décorations de Noël.

‑ Elle est partout cette Lucibelle, c'est elle qui fera l'inauguration des vitrines du « Nouveau Marché » cette année, quand je vais dire ça aux collègues ! »

Laurette avait trois heures devant elle, totalement libre. Elle n'aurait pas Ludovic et Tibère sur le dos, ni même Mado pour lui donner du travail de réparation. Elle avait bien l'intention d'en profiter au maximum.

La jubilation de Laurette au milieu des rayons n'échappait pas aux regards des autres clients.

De la boule de Noël connectée au chic déguisement de mère Noël, elle ne pouvait se décider. Comment trancher lorsque l'on a tant de choix ?

- Il faut rester sage, c'est pour le magasin, les vitrines, les caissons, l'escalier, l'atelier, les bureaux, la devanture... Il y a de quoi faire, je ne sais même pas par où commencer !  Pffff ! Fit-elle, en soulevant de son souffle exalté, sa mèche sur son front.

Ses yeux étaient partout, émerveillés par l'achalandage des rayons. Il y avait tellement de thèmes, tellement de petits détails minutieux et tellement d'originalité dans le bestiaire enneigé que Laurette serait dans l'incapacité de prendre la moindre décision.

Il s'en était passé des choses depuis sa promenade de l'an passé dans ces mêmes rayons.

Elle avait trouvé un emploi sûr, accepté de loger sa mère dans son appartement, développer ses connaissances artistiques et travaillé son ouverture aux autres.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant