Des croissants, chauds, chauds, chauds

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Laurette et Kane avaient passé une bonne partie de la journée au lit.

Kane s'était levé pour aller chercher des croissants tard dans la matinée. Son appartement n'était pas bien grand en volume, mais il avait une superbe vue sur la Butte Montmartre.

Laurette pendant son absence avait observé en contrebas les piétons marcher sur les pavés du quartier. Elle adorait l'atmosphère typique de ce lieu.

Alors qu'il revenait de la boulangerie, emmitouflée dans la couette blanche, elle lui demandait.

Pourquoi as-tu choisi ce quartier ?

‑ Ma chérie, parce ce qu'il est vivant, c'est comme mon village!

Il préparait le plateau et remplissait deux bons bols de café noir.

Laurette, à nouveau, se lovait dans le lit, un peu rêveuse.

‑ Laure, je me sens un peu responsable de tout ça, tu sais, Osama m'avait été recommandé par un portier de cette boite de nuit à Deauville. Mes soupçons envers lui n'étaient pas vains, mais tout a été si vite !

Et ma mère qui t'incriminait au début. Elle te surnommait le « braqueur de Carats », un bandit de haut vol, un malfrat en repérages et finalement sans haine et sans violence, tu lui voles sa fille.

Les yeux rieurs de Kane dévoraient Laurette, ce petit bout de femme était si pétillante.

Elle est déçue ta mère ou c'est sa fille qui est déçue ? Braqueur de cœur, ça me convient mieux, non ?

Il déposait le plateau au sol et revenait vers Laurette dans le moelleux de la literie, une première fois, dévastée. Son visage dépassait de la couette blanche et celle-ci prenait l'apparence d'une montagne de chantilly.

‑ J'ai un grand projet pour nous deux...

Chuuuttt. Fit-elle.

A 18 heures, Kane la raccompagnait chez elle. Il fallait que chacun se repose, le lendemain serait une bien singulière journée à la Maison BARNOY, fraîchement rebaptisée BRD'S.

Tôt, le lendemain matin.

Devant le kiosque, Laurette ne se laissait pas miner par toutes les premières des journaux à scandales et autres magazines à sensations. 

Kane et Lucibelle étaient partout. 

Leur idylle au grand jour avait réveillé le tout Paris! 

Ils étaient le couple à suivre du moment. C'était à prévoir, ce duo sur scène avait alimenté les rumeurs les plus folles.

Les gens se nourrissaient de potins, ils passeraient vite à autre chose. Peu lui importait.


Lorsque Laurette arrivait au coin de la place des Dômes, Kane travaillait déjà entre les deux édifices. L'immense verrière devait normalement être prête pour le mois de janvier et tous s'affairaient à la tâche, d'ici dix jours, la place ferait peau neuve et un magnifique écrin de transparence reliera La Maison Barnoy à La Maison Rivertz.

Pour ne pas le déranger, Laurette allait directement au showroom.

BRD's serait fermé pour la semaine, de toute façon. Pensait Laurette, il n'y avait plus rien d'intéressant à vendre après ce braquage.

Dans son bureau fraîchement repeint, Tibère ne pouvait cacher son stress, il était dans tous ses états.

Laure, tu te rends compte, ils ont tout raflé, des dossiers, des projets, même ma collection de chaussettes de Noël !

Il la tutoyé pour la toute première fois.

Laurette ne put retenir un éclat de rire.

Tibère, Noël n'est plus que dans cinq jours maintenant!

‑ Et regarde-moi ce bazar dans mes papiers et des flèches en veux tu, en voilà ! Qui sait si on arrivera à remonter la pente ! Plus un renard des Neiges de Lucibelle, plus une rivière, plus une broche ! C'est un monde! Faites confiance à votre responsable de la sécurité et il vous plante un poinçon en plein cœur !

Tibère se morfondait, d'autant plus que l'établissement se retrouvait vidé de toutes ses petites mains.

L'heure était à la concertation pour les cadres ainsi que pour la direction, une réunion devait avoir lieu à 11 heures, ce matin même.

Le plus étonnant était que Nemo avait rendez-vous avec Tibère. Celui-ci devait lui proposer un nouveau poste très différent de celui de barman. Il s'était présenté le bras en écharpe et semblait encore commotionné par le braquage de son camion. Il déclinait l'offre de Tibère préférant partir pour les montagnes suisses afin de bien récupérer après tant de péripéties. Laure l'avait senti très affecté de ces derniers événements et lui souhaitait bonne chance pour l'avenir.

Il s'était contenté de partir sans un mot.

L'inventaire des rayons avait commencé à neuf heures, Laure était encore en train de comptabiliser les minuscules pièces de montres quand elle entendit Tibère pester contre des livreurs.

Qu'est-ce que c'est que ce truc hideux au milieu du couloir ?

‑ « La maison du Design » Monsieur ! C'est un escabeau tout neuf, il me semble.

­ - Eh bien, foutez-moi ça, au sous-sol, bon sang de bois !

11 Heures, le grand bureau.

Tout le comité de direction était là, Kane, placé près de son frère Aresa, attendait que Monsieur BARNOY prenne la parole en premier. Celui-ci déplorait les évènements du week-end mais rassurait ses équipes en évoquant les contrats d'assurance faramineux qu'ils avaient contractés au préalable.

Il fallait garder l'esprit de Noël et toujours avoir confiance en BRD'S. Il était d'ailleurs très fier du spectacle au Grand Palais et se gargarisait de compliments envers les danseuses et le buffet gargantuesque.

‑ Kane, je me lance ou tu préfères l'annoncer de par toi-même?

Immédiatement, Kane braquait ses yeux sur Laurette.

Oui, il est grand temps d'en parler, je te laisse faire.

Je ne vais y aller par quatre chemins, ça y est, c'est fait, je devais l'annoncer sur scène au Grand Palais, mais... Nous installons BRD'S à New-York et Monsieur DEMONGEOIS, Kane, doit s'atteler à faire de nos grandes maisons de Haute Joaillerie à la française, la place to be de New-York.

Estomaquée, Laurette ne sut comment réagir.

Quelques minutes plus tard.

Ne me fais plus jamais ce genre d'annonce sans m'en parler auparavant, Kane ! Tu pars quand ?

‑ Tu auras le poste de Tibère à New York. C'est un bouleversement pour toi, je sais. Ta famille peut venir aussi, il y a beaucoup de cabarets sur Broadway. L'implorait-il.

Moi ? Moi ? Laure Minois ? C'est donc ça ton grand projet ?

- Tu es la Maîtresse du jeu, c'est toi qui décide, Laure. Laure Demongeois, ça sonne bien aussi.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant